« Servir Dieu », ainsi ? (Ephésiens 4.7)

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Si je vous demande : êtes-vous au service de Dieu ?
Comment comprenez-vous cette question ?

Le moyen âge était une époque où les populations en occident étaient très superstitieuses et très religieuses. Il y avait clairement deux catégories de personnes.

D’une part, l’état ecclésiastique, c’est-à-dire, les moines, les prêtres et les religieuses. Avoir l’une de ces vocations était l’unique manière de servir Dieu.

D’autre part, les laïques, les gens d’autres professions qui eux sont du monde et donc ne servent pas Dieu.

Dans cette conception moyenâgeuse, seules les personnes de l’état ecclésiastique sont au service de Dieu.

Aujourd’hui, les choses ont un peu changé, mais il y a encore beaucoup de traces de cet héritage du passé.

Par exemple, quand on parle de « servir Dieu », on a souvent en tête des tâches liées à l’Église ou au témoignage de l’Évangile.

Par exemple, faire le ménage à l’église, c’est servir Dieu, puisque c’est dans l’Église.
S’occuper des enfants pendant le culte, c’est servir Dieu, puisque c’est lié à l’Église.
Parler de Jésus aux collègues de travail, c’est servir Dieu, puisque c’est lié au témoignage de l’Évangile.
En revanche, savourer un pique-nique en famille dans les bois au printemps, ce n’est pas servir Dieu, à moins que l’on parle de Dieu.

Dans cette conception du service, servir Dieu, c’est toujours lié à l’Église ou à l’évangélisation. C’est lié au travail du pasteur.

Avec cette vision du monde, le membres du clergé est considéré comme le serviteur de Dieu par excellence, et les laïques sont là pour être comme une extension du travail du pasteur.

Ainsi, lorsque l’on demande aux chrétiens de servir Dieu là où ils sont, dans leur lieu de travail, dans leur famille, dans leur voisinage, on a tendance à comprendre que servir Dieu signifie : parler de Jésus, être honnête dans son travail, ne pas entrer dans les médisances, etc.

C’est tout à fait exact, mais c’est limité. Selon cette vision du service, la plupart des gens n’ont pas l’impression de vraiment servir Dieu au travail.

Si un cadre ou un employé n’a pas réussi à placer « Jésus » dans une conversation et s’il n’a pas eu besoin de s’abstenir de critiquer ses collègues, quand il rentre chez lui le soir, comment a-t-il servi Dieu ?

Cette vision du service peut créer de la frustration. Le dimanche on nous invite à servir Dieu en toute occasion, mais dans le quotidien, on n’a pas l’impression de faire grand-chose pour Dieu.

On renforce ainsi l’idée que servir Dieu, c’est vraiment à l’Église, et c’est surtout le pasteur. Que dit la Bible à ce sujet ?

Depuis quelque temps, nous lisons la lettre de Paul aux Éphésiens, aujourd’hui nous continuons notre série de prédications sur cette lettre et nous arrivons au chapitre 4, verset 7. Aujourd’hui c’est particulier, car je m’arrête sur un seul verset.

Pour rappeler en deux mots le contexte, cette lettre rappelle aux Éphésiens que Dieu a tout réconcilié grâce à Jésus et en Jésus, c’est-à-dire, en union avec lui.

Nous sommes réconciliés avec Dieu par Jésus, nous sommes réconciliés avec nous-mêmes et avec nos frères et sœurs dans la foi.

À partir du chapitre 4, il nous invite à vivre cette réconciliation, cela demande des efforts. Il nous invite à nous supporter les uns les autres, à faire preuve de patience, de bonté, de douceur et d’amour.

L’unité est fragile, car nous sommes humains, nous sommes faillibles, nous sommes faibles. Et donc nous devons toujours chercher la paix.

Ce sont les versets 3 à 6 :

3 Efforcez-vous de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.
4 Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation.
5 Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, 6 un seul Dieu et Père de tous. Il est au-dessus de tous, agit à travers tous et habite en [nous] tous.

Paul est en train de dire qu’il y a une seule famille de Dieu, que Jésus réunit.

Puis il ajoute au verset 7 :

« Cependant, à chacun de nous la grâce a été donnée à la mesure du don de Christ. »

Ce verset fait la transition avec le reste du chapitre, où il va enseigner que chacun a un rôle à jouer dans ce monde.

Il y a une seule famille de Dieu, « cependant, à chacun de nous la grâce a été donnée à la mesure du don de Christ. »

Une famille, mais une multitude de membres avec des vocations différentes.

Paul dit bien : « à chacun de nous ». Il parle de tous les enfants de Dieu.

À chacun de nous, la grâce a été donnée à la mesure du don de Christ.

La grâce dont il est question, ce n’est pas seulement la grâce qui sauve. Le mot grâce ici, comme dans le chapitre 3, désigne un cadeau de Dieu, un don de Dieu en vue d’un appel.

Cela est confirmé par le fait qu’il parle ensuite du rôle de chacun dans le service pour Dieu.

En résumé : à chacun des enfants de Dieu, il confie une grâce qui est une vocation, un appel à servir d’une manière particulière.

Nous sommes tous appelés au service pour Dieu partout où nous sommes.

La question est donc maintenant la suivante : en quoi consiste ce service ?

Ce service consiste à servir le monde de manière large, parce qu’en servant le monde, nous sommes des outils dans les mains de Dieu.

Dans la prière que Jésus a apprise à ses disciples, le Notre Père, voici ce que nous prions :

Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Cette prière commence par la volonté de Dieu, qu’elle soit accomplie sur la terre comme au ciel.

Sur la terre, c’est partout sur la terre, dans l’Église et hors de l’Église. Chez le croyant et le non-croyant. Sur le monde végétal et animal.

Et nous avons ensuite cette demande : Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Voici comment Martin Luther commente cette prière dans son catéchisme :

« […] nos pensées ne doivent pas seulement se reporter à la farine dont on pétrit le pain, ou bien au four du boulanger, mais à tout le pays, aux champs qui produisent et nous fournissent notre nourriture, car, si Dieu ne bénissait pas les productions de la terre et ne nous les conservait pas, nous n’aurions pas de quoi nous rassasier un seul jour. »

Dieu nous donne notre pain de ce jour à travers la personne qui pétrit le pain, à travers celui qui produit la farine, à travers celui qui plante le blé et le cultive, celui qui fabrique ou répare les tracteurs, à travers ceux qui ont construit le four, ceux qui travaillent dans les centrales électriques qui alimentent le four, ceux qui font la maintenance informatique dans ces centrales, ceux qui gèrent les comptes et les employés, etc.

Le pain que Dieu  nous demandons à Dieu pourrait directement tomber du ciel, mais il utilise le boulanger, le fabricant de fours, les employés de la centrale, les informaticiens et tout un tas d’autres métiers.

Cela veut-il dire que tout le monde sert Dieu ?

D’une certaine manière oui, tout le monde est au service de Dieu. Mais revenons à notre verset de la lettre aux Éphésiens.

« À chacun de nous la grâce a été donnée à la mesure du don de Christ. »

L’enfant de Dieu a reçu une grâce, un don lié à un appel.

Un appel, ce n’est pas un choix personnel, c’est une mission que Dieu nous confie. Une mission non pas au service de soi, mais des autres.

En tant que chrétiens, nos activités, notre travail ou nos engagements n’ont pas pour but de nous servir nous-même, mais de contribuer au bien de ce monde.

Alors que certains voient le travail seulement comme une façon de gagner de l’argent, voire de s’épanouir, d’accéder au pouvoir ou à une reconnaissance de la société, le chrétien voit son travail ou son activité comme un appel.

Chaque activité considérée comme une contribution au bien de la société est un service pour Dieu. Même les arts et l’embellissement contribuent au bien de la société.

Nous pouvons aussi parler de la famille.

Passer du temps avec sa famille, avec ses enfants, les éduquer, s’amuser avec eux, les amener pique-niquer dans les bois au printemps, lorsque c’est vécu comme un appel que l’on réalise avec soin et amour, cela revient à servir Dieu.

N’attend-il pas de nous que nous soyons de bons parents ? De bons grands parents, oncle ou tante, cousin ou cousine ?

Tout ce que nous faisons, faisons-le avec soin et consécration, avec l’objectif de servir le monde, car Dieu nous utilise pour contribuer au bien de la société, c’est aussi cela notre vocation, c’est aussi cela aimer notre prochain.

Dans la société où vivait Martin Luther, le clergé était mis sur un piédestal et seul l’engagement dans l’Église était valorisé, car on pensait que le salut venait des œuvres. Mais il a découvert dans la Bible que le salut venait non pas de nos œuvres, mais de l’œuvre de Jésus-Christ.

À partir de ce moment-là, pourquoi le travail dans un monastère serait-il supérieur à un travail dans un supermarché ? Du moment où nous travaillons pour servir la société où Dieu nous place, nous sommes au service de Dieu.

Qu’en est-il de toutes les fois où nous échouons ? Toutes les fois où nous avons un sentiment de travail non achevé ou non accompli ?

En tant que pasteur, et surtout en tant que chrétien, je suis appelé à travailler la paix et la communion dans la communauté. Et si je n’y arrivais pas ?

En tant qu’habitant de la commune, je suis appelé à contribuer au bien de cette commune, et si je rencontrais des difficultés pour cela ? Comment le vivre ? Mon service a-t-il pour autant échoué ?

En tant que mari et père, je suis appelé à être attentif à ma femme et mes enfants. Et si parfois je manque de patience ? Est-ce un échec ?

Dieu nous appelle à compter sur lui, à puiser nos forces en lui, à rechercher la sagesse qui vient de lui. Mais il faut reconnaître que nous sommes encore sous l’emprise de la nature humaine et il nous arrive de tomber dans des pièges, d’être faillibles et même d’échouer.

Ce qui est génial avec Jésus, c’est que la grâce est encore là. Et en plus de la grâce, il y a l’espérance.

Je conclus avec une petite histoire justement sur cette grâce et cette espérance.

[Conclusion]

Ce n’est pas mon histoire, c’est un résumé d’une nouvelle de Tolkien, l’auteur du Seigneur des anneaux.

Il faut savoir que Tolkien a écrit cette nouvelle alors qu’il travaillait sur les intrigues du Seigneur des anneaux.

Cet écrivain était un homme très pointilleux, assez perfectionniste. Avant même d’écrire le Seigneur des anneaux, il a passé des décennies à imaginer le monde dans lequel cela se passerait, il a même inventé les langues qui seraient parlés dans ce monde. Il a tout imaginé dans les moindres détails.

La question qu’il se posait sans cesse était la suivante : vais-je un jour réussir à terminer mon histoire avant de mourir ?

Lorsqu’il travaillait, il avait l’habitude d’observer un arbre en face de chez lui, un beau peuplier. Mais un jour, sa voisine fit couper cet arbre dont elle était la propriétaire.

Ce jour-là, quand il vit que l’arbre n’était plus là, il prit conscience que sa vie pouvait lui être reprise à n’importe quel moment, comme cet arbre, de manière inattendue.

Cela lui donna l’inspiration pour écrire une nouvelle qui s’intitule : La feuille, de Niggle.

Monsieur Niggle est un peintre, obsédé par un tableau qu’il essaye de peindre. Il a d’abord à l’esprit une feuille, puis tout un arbre, voici un extrait du récit :

Il avait commencé par une feuille prise dans le vent, mais il devint un arbre, et l’arbre crût (…). Puis, tout autour de l’arbre et derrière, à travers les trouées des feuilles et des branches, commença à se développer un paysage, il y eut des aperçus d’une forêt gagnant du terrain et de montagnes couronnées de neige.

À force d’élargir son tableau ambitieux, il utilise une toile si grande qu’il a besoin d’une échelle pour y travailler.

Le problème, c’est qu’un jour, il doit effectuer un grand voyage et il n’arrête pas de repousser la date de ce voyage pour pouvoir finir ce tableau. Dans l’histoire, ce voyage symbolise la mort. Il sait qu’un jour, il devra partir et laisser son tableau.

De plus, plusieurs éléments viennent ralentir la réalisation de son œuvre. Tout d’abord, c’est quelqu’un de très minutieux, qui peut passer un temps fou à peindre une seule feuille, car il a les soucis du moindre détail, les lumières et les ombres, les gouttes de rosée, etc.

Ensuite, Monsieur Niggle a des voisins qui le sollicitent sans cesse, en particulier Parish, un voisin qui lui demande souvent des services.

Un jour, alors que son tableau n’est pas achevé, le conducteur vient le chercher et il doit partir pour effectuer son voyage.

Pendant ce voyage, l’œuvre de Niggle tomba dans l’oubli. De son tableau, il ne reste plus qu’un coin déchiré, représentant une feuille.

Quant à Niggle, en plein voyage, il entend deux voix lui parler. Justice, sur un ton sévère, lui dit qu’il aurait pu perdre moins de temps et travailler plus efficacement. Mais Miséricorde répond qu’il a donné son temps pour les autres. Au bout du voyage, quelque chose attire l’attention de Niggle.

Voici un autre extrait :

Devant lui se dressait l’Arbre, son Arbre, achevé. Si l’on pouvait dire cela d’un Arbre vivant, dont les feuilles s’ouvraient, dont les branches croissantes se courbaient dans le vent que Niggle avait si souvent senti ou deviné et qu’il avait si souvent échoué à rendre. Contemplant l’Arbre, il leva les bras et les ouvrit tout grand. « C’est un don ! », dit-il.

Cette histoire, qui vient d’être très brièvement résumée, a plusieurs portées. Mais ce que je veux relever, c’est que notre œuvre ici-bas est un peu comme le tableau inachevé et imparfait de Niggle.

Tout ce que nous accomplissons sur cette terre peut sembler éphémère, imparfait et périssable. Mais Dieu existe, il nous fait grâce et il nous promet une espérance.

Avec Dieu, nous avons la notion d’éternité. « Tout effort pour le bien, même le plus modeste, accompli en réponse à l’appel de Dieu, peut avoir une valeur éternelle. »

L’apôtre Paul dit ceci en 1 Corinthiens 15.58 : « Travaillez de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas sans résultat devant le Seigneur. »

Il parle en particulier du travail de répandre l’Évangile, mais c’est valable pour tout travail.

En tant que pasteur, en tant que chrétien, je suis appelé à veiller à la paix, la communion, l’unité. Mais comme je suis faillible et encore pécheur, mon travail sera imparfait, avec parfois des échecs. Mais sur la nouvelle terre, la famille de Dieu sera vraiment réunie dans la communion et dans l’unité.

L’arbre que j’aurai essayé de peindre deviendra réalité un jour. Par grâce, et non pas par mes œuvres.

En tant que père, je suis appelé à appendre ce qui est juste à mes enfants, cependant je suis parfois moi-même injuste et je suis un enseignant imparfait. Mais sur la nouvelle terre, la justice règnera vraiment dans nos cœurs.

En tant que citoyen, je suis appelé à contribuer à la justice sociale, au bien de la société, mais comme ma nature humaine lutte encore avec l’égoïsme, mon travail sera imparfait. Cependant, sur la nouvelle terre, la société sera vraiment juste.

Ce monde idéal que nous visons par notre activité modeste et imparfaite, deviendra un jour réalité, non pas grâce à nos efforts, mais par la grâce de Dieu, c’est un don.

Continuons donc de servir Dieu, car ce n’est pas en vain. Chaque contribution peut avoir une valeur et une portée éternelle.

L’histoire de l’humanité commence à la Genèse dans un jardin et se termine dans l’Apocalypse dans une ville. C’est bien que Dieu utilise le travail de la main de l’homme pour le monde d’après. Un travail qu’il nous confie et qu’il mène à son aboutissement parfait, par sa grâce.

« Ainsi donc, que vous mangiez, que vous buviez ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Co 10.31)

Prédication dont beaucoup d’informations et idées ont été tirées du livre : Dieu dans mon travail, de Timothy Keller

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