Un chemin plein de boue (Luc 9.18-27)

Photo : Christian Huy, prise au Burkina Faso

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Il était une fois, un couple de paysans qui vivait dans un pays d’Afrique, à la campagne. Ce couple n’avait qu’un enfant, un garçon. Quand l’enfant grandit, il décida d’aller faire des études en ville, loin de chez ses parents. Il voulait devenir quelqu’un, avoir un métier prestigieux et ainsi offrir plus de confort à ses parents.

Il était une fois, un couple de paysans qui vivait dans un pays d’Afrique, à la campagne. Ce couple n’avait qu’un enfant, un garçon. Quand l’enfant grandit, il décida d’aller faire des études en ville, loin de chez ses parents. Il voulait devenir quelqu’un, avoir un métier prestigieux et ainsi offrir plus de confort à ses parents. Ses projets se réalisèrent. Étant jeune adulte, il travailla dur pour gagner de l’argent et payer son école de commerce.

Cette persévérance fut récompensée puisqu’il devint le directeur marketing d’une grande entreprise. Il devint riche et son niveau de vie s’améliora considérablement. Il acheta plusieurs voitures, il engagea même un chauffeur. Cet homme avait aussi une femme de ménage et une cuisinière, mais elles n’avaient pas beaucoup de travail, car il n’était jamais chez lui, il était tout le temps en voyage d’affaires, et la plupart du temps, il mangeait au restaurant.

En fin de compte, il n’avait jamais de temps ni pour lui ni pour ses parents. Ses parents lui demandaient souvent de venir leur rendre visite, mais il répondait toujours la même chose : « je viendrai bientôt, lorsque j’aurai un peu plus de temps ».

Cependant, les années passèrent, et il n’avait toujours pas de temps pour aller rendre visite à ses parents. Il était tout le temps sollicité par son entreprise. Un jour, il reçut une lettre inquiétante de son père : « mon fils, ta maman est très malade, si tu veux la revoir, c’est peut-être le dernier moment ».

À la lecture de ce courrier, il fut bouleversé. Il prit un billet d’avion en première classe et se rendit dans la ville la plus proche de son village natal. Une fois l’avion atterrit, il loua une voiture de luxe avec chauffeur pour se rendre dans le village où vivaient ses parents.

Il voulait que sa mère soit fière de lui en le voyant arriver dans une belle voiture, conduite par un chauffeur. Il s’était bien habillé, avec des vêtements de marque. Mais au moment de réserver la voiture, un loueur de mobylettes s’approcha de lui : « Monsieur, votre voyage sera long, car votre trajet ne comporte que des petites routes non goudronnées, je vous conseille plutôt de louer une mobylette, vous y arriverez plus facilement. En plus, avec les inondations, certaines routes sont recouvertes d’eau, la voiture ne pourra pas passer ».

L’homme, très sûr de lui, répondit : « Ne vous inquiétez pas, je connais bien la route, je suis né dans la région. »

Mais le loueur de mobylettes insista : « Depuis quelques années, la route a bien changé, tout s’est dégradé, les pluies ont fait des ravages. » Mais l’homme ne voulait pas changer d’avis, il ne voulait pas monter sur une vulgaire mobylette, il ne voulait pas salir ses vêtements. Il voulait montrer à ses parents l’image d’un homme qui a réussi dans la vie. Un homme qui voyage dans une voiture de luxe, avec un chauffeur. Alors il prit le risque de faire le voyage en voiture.

Après plusieurs heures de trajet, il se retrouva devant une portion de route complètement inondée par les dernières pluies. Les quelques paysans qui se trouvaient là étaient tous en mobylette. Ces gens se mettaient à 2 ou 3 pour porter leur véhicule sur les bras afin de traverser cette route. L’eau leur arrivait au moins jusqu’aux genoux. Ils salissaient leur vêtement dans la boue sur plusieurs dizaines de mètres pour traverser, puis ils remontaient sur leur mobylette pour continuer leur chemin.

Notre homme interpella un passant : « dans combien de temps la route deviendra-t-elle sèche ? »

« Cela peut prendre une semaine, répondit le passant. Mais rien ne nous dit qu’il ne pleuvra pas encore la semaine prochaine. Je vous conseille de faire comme nous et de voyager en mobylette. » Notre homme se retrouva devant cette alternative :

  • Attendre plusieurs jours que la route sèche, afin d’arriver avec des beaux vêtements et dans une belle voiture, au risque de ne pas pouvoir revoir sa mère à temps.
  • Ou alors, louer une mobylette et retrouver sa maman avec des vêtements pleins de boue.

Je m’arrête ici pour l’instant…

En attendant la fin de cette histoire que je vous raconterai un peu plus tard, voici la question que j’aimerais vous poser : quel choix feriez-vous ?

Évidemment, je pense que la grande majorité d’entre nous, voire tout le monde, ferait 2e choix : louer une mobylette et arriver chez ses parents, même s’il faut passer à travers une marre de boue. Mais est-ce un choix si évident que ça ?

Jésus nous demande de marcher sur une route tortueuse, car à l’arrivée, nous verrons le royaume de Dieu. Il nous demande de renoncer à notre vie afin de recevoir la vie qu’il nous offre. Sommes-nous prêts à renoncer à notre vie, à notre illusion d’autonomie, d’autosatisfaction et d’indépendance ?

Lorsque nous disons que nous donnons notre vie à Dieu, cela signifie que si Dieu nous le demande, nous serions prêts à renoncer à nos biens et notre confort. Cela signifie que nous serions prêts à renoncer à certaines attitudes et certains choix de vie si elles ne rendent pas un bon témoignage à Dieu. Cela signifie que dans l’épreuve ou la maladie, nous continuerons à glorifier Dieu, car ce qui compte ce n’est plus notre propre vie, mais la gloire de Dieu.

C’est un message insensé aux yeux du monde. Jésus a-t-il bien dit tout cela ? Un chrétien devrait-il vraiment renoncer à lui-même ? Dieu n’est-il pas celui qui bénit, celui qui nous sort des épreuves et de la maladie ? Celui qui nous comble de richesses, de joies et de bonheur ?

Je vous invite maintenant à lire un texte où Jésus explique ce que devrait être la vie d’un disciple. C’est dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 9, les versets 18 à 27, (c’est la suite de notre série de prédication dans l’Évangile selon Luc).

18 Un jour, Jésus priait à l’écart et ses disciples étaient avec lui. Il leur posa cette question: «Qui suis-je, d’après les foules?»
19 Ils répondirent: «D’après les uns, Jean-Baptiste; d’après certains, Élie; d’après d’autres, un des prophètes d’autrefois qui est ressuscité.»
20 «Et d’après vous, qui suis-je?» leur demanda-t-il. Pierre répondit: «Le Messie de Dieu.»
21 Jésus leur recommanda sévèrement de ne le dire à personne.
22 Il ajouta qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, par les chefs des prêtres et par les spécialistes de la loi, qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite le troisième jour.
23 Puis il dit à tous: «Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix et qu’il me suive,
24, car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera.
25 Que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s’il se perd ou se détruit lui-même?
26 En effet, celui qui aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges. 27Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront pas avant d’avoir vu le royaume de Dieu.»

Dans ce passage, Jésus annonce à ses disciples qui il est, et il n’est pas forcément celui que l’on croit. Il annonce aussi ce qu’est un disciple, et ce n’est pas toujours ce que l’on croit.

L’être humain est souvent en décalage par rapport à Dieu, c’est pour cela que pendant son passage sur terre, Jésus a sans cesse remis en question les idées reçues, à tel point qu’il n’était pas écouté par toute une frange de la population.

Tout d’abord, revenons sur les premiers versets de notre texte où Jésus annonce qui il est.

[1. Qui est Jésus ?]

En fait, il ne dit pas vraiment qui il est, il pose la question à ses disciples. Il commence par demander ce que les gens pensent de lui au verset 18 : « Qui suis-je, d’après les foules ? »

Comme Jésus faisait beaucoup de miracles, la plupart des gens pensaient qu’il était un prophète ressuscité. Jean-Baptiste, ou même Élie.

Ensuite, il demande l’avis des disciples au verset 20 : « Et d’après vous, qui suis-je ? »

Pierre répond : « le messie de Dieu ».

Jésus réagit de manière très surprenante au verset 21, il leur recommande sévèrement de ne le dire à personne ! Pourquoi cette interdiction ?

Pour comprendre la réaction de Jésus, il faut faire quelques rappels sur l’histoire du peuple juif. À cette époque, les juifs étaient sous domination romaine. Ils n’avaient plus de roi, plus de terre. Le peuple était dispersé. Dans les prophéties, Dieu leur avait promis un messie, c’est-à-dire, un nouveau roi choisi par Dieu, un envoyé. Ce messie règnera de nouveau sur le peuple et le peuple sera délivré. Le peuple juif était dans l’attente de ce messie. Mais ils pensaient que ce nouveau roi serait un roi militaire, qui rétablira Israël en tant que nation géopolitique.

Cependant, le messie que Dieu envoie n’est pas un roi militaire. Jésus le leur dit : il n’est pas venu reconquérir un territoire, mais il est venu pour être rejeté et pour mourir. Son royaume n’est pas de ce monde, c’est le royaume des cieux, un royaume qui arrivera en temps voulu. Son peuple n’est pas un peuple ethnique, mais un peuple constitué de tous ceux qui le suivent, juif et non juif.

Jésus était de plus en plus connu pour ses miracles. Les juifs voyaient bien qu’il avait quelque chose de divin. Si les disciples avaient diffusé l’info comme quoi il était le messie, le peuple aurait fait de lui un roi militaire et ils auraient peut-être pris les armes pour se préparer au combat contre les Romains. Jésus demande donc à ses disciples de garder le silence afin de pouvoir accomplir sa mission. Il devait passer par la mort, afin de vaincre la mort par la résurrection. Jésus est donc le messie, mais pas celui que l’on pensait. Il est le messie qui doit mourir pour triompher de la mort.

Il me semble que de nos jours, nous pouvons aussi réfléchir à la manière dont nous percevons Jésus. Quelle image nous faisons-nous de lui ? Doit-il correspondre à nos désirs ? Les désirs des juifs étaient légitimes, ils voulaient être libérés de leurs oppresseurs. Pour eux, ils ne réclamaient que la justice. Mais c’était la justice selon eux et non selon le plan de Dieu.

Nos désirs à chacun nous semblent légitimes, évidemment. Désirs de justice, d’équité et de libération dans notre monde actuel. Jésus est bien venu apporter une justice, une équité, une libération, mais Jésus voit plus grand que nous et il nous invite à voir comme lui. À regarder les choses avec la perspective de l’éternité, sans pour autant dénigrer la terre actuelle.

La deuxième chose que Jésus enseigne, c’est que la vie de disciple ressemble à celle du maître. Un disciple est quelqu’un qui suit son maître.

[2. Qu’est-ce qu’un disciple ?]

Versets 23 à 25 :

«Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix et qu’il me suive, 24, car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera. 25 Que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s’il se perd ou se détruit lui-même?

Ce que Jésus veut dire, c’est que notre vie a une destinée et que le chemin que nous prenons sur terre détermine notre destinée. Jésus nous invite à faire le bon choix. Celui veut sauver sa vie, c’est-à-dire, celui qui veut entrer dans le royaume de Dieu, devra perdre sa vie, pour gagner le royaume. Souvenez-vous de l’histoire de notre homme devenu riche. Il veut rentrer voir sa mère, mais il reste attaché à ses richesses, cela l’empêche d’arriver à destination.

Mais pourquoi a-t-il fait le voyage ? Est-ce pour montrer ses richesses ? Ou simplement pour retrouver sa mère ? Notre homme est tiraillé et je pense que nous pouvons l’être aussi.

Pourquoi vivons-nous ? Est-ce pour profiter de ce que le monde nous offre ? Ou pour retrouver Dieu ? Jésus nous dit : « celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera ».

Autrement dit, celui qui veut profiter de la vie à la manière du monde finira par se perdre. Mais celui qui renonce à cette vie pour se consacrer à Dieu, celui-là arrivera à destination. Il sauvera sa vie. Jésus nous demande de porter chacun notre croix.

À l’époque, on punissait les criminels en les clouant sur une croix. Le condamné devait lui-même porter sa croix jusqu’au lieu de l’exécution. Jésus a été crucifié, car son message ne plaisait pas aux autorités juives. Il a été persécuté.

Jésus annonce à ses disciples qu’ils seront eux aussi persécutés et qu’ils devront eux aussi, en quelque sorte, porter leur croix. Ils devront renoncer à leur confort, à leur désir de gloire et de réussite à la manière des hommes. Au lieu de cela, ils devront subir la persécution, afin de suivre Jésus jusqu’au bout.

Lorsque nous subissons une injustice, une épreuve ou une maladie, nous pouvons prier pour que Dieu nous aide, et il en est capable. Continuons d’intercéder pour nos besoins. Mais n’oublions pas que le plus important, c’est Dieu.

Porter notre croix, c’est continuer d’adorer Dieu malgré les difficultés rencontrées, malgré les incompréhensions, malgré le sentiment d’injustice, parce que nous avons choisi de le suivre et de lui donner notre vie.

Pour beaucoup de gens, le chrétien béni, c’est le chrétien avec des vêtements de luxe et une voiture de luxe. Chez beaucoup de chrétiens, attendre la bénédiction de Dieu équivaut à attendre la richesse matérielle et le succès.

Mais selon Jésus, le chrétien béni, c’est celui qui a la force de suivre l’itinéraire jusqu’au bout quel qu’en soit le prix, parce qu’il ne s’est pas attaché à la vie telle que le monde le propose, mais il a consacré sa vie à suivre Jésus même s’il fallait prendre des chemins tortueux ou des chemins pleins de boue.

Pour conclure, revenons à notre histoire du début.

[Conclusion]

Notre homme riche se retrouva donc devant cette alternative :

  • Attendre plusieurs jours que la route sèche, afin d’arriver avec de beaux vêtements et dans une belle voiture, au risque de ne pas pouvoir revoir sa mère à temps.
  • Ou alors, louer une mobylette et retrouver sa maman avec des vêtements pleins de boue.

Voici ce qu’il fit : il décida de s’installer dans l’hôtel de campagne du coin, en attendant que la route sèche. Après tout, le soleil tape fort, l’eau peut sécher rapidement.

Mais arrivé dans sa chambre d’hôtel, il se retrouva seul, confronté à lui-même. Plus de réunion de travail, plus de restaurant luxueux. Juste une chambre avec un lit, un ventilateur au plafond et un petit bureau.

Le soir venu, il n’arrive pas à s’endormir. Il pense à ses parents, à cette région dans laquelle il a grandi. Il se rend compte qu’il aime ses parents et son village, plus que ses richesses, plus que son confort, plus que son apparence et sa fierté.

Ce mini confinement, qu’il n’avait pas prévu, lui permit de se remettre en question. Après cette nuit blanche à l’hôtel, il sortit de sa chambre et attendit qu’un paysan traverse la route dans le sens inverse. Il lui proposa d’acheter sa mobylette et de lui offrir son trajet retour dans sa voiture avec son chauffeur.

Notre homme traversa la route en salissant ses vêtements de luxe, mais peu importe. Dans l’après-midi, il retrouva ses parents qui furent extrêmement heureux de le retrouver.

Notre histoire s’arrête là, mais elle n’est pas finie, car les questions les plus importantes sont à venir. Après ces retrouvailles, va-t-il retourner dans sa vie luxueuse comme si de rien n’était ? Ou va-t-il changer totalement d’objectif de vie ?

Les mêmes questions se posent pour nous. Les paroles de Jésus suscitent-elles seulement une réflexion intéressante, le temps d’un culte ? Ou bien laissons-nous continuellement le Saint-Esprit nous transformer, afin de vivre selon les désirs de Dieu ?

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