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Pendant l’été, une bonne partie des français fait du tourisme. Connaissez-vous TripAdvisor ? Il y a quelques années, lorsque l’on visitait une région et que l’on cherchait les meilleurs endroits à visiter, les meilleurs endroits pour passer la nuit ou pour se restaurer, on achetait des guides touristiques. Dans ces guides, il y a souvent des classements : où peut-on manger pour pas cher, où manger avec le meilleur rapport qualité / prix, où manger si l’on veut un bon dîner peu importe le prix ?
Ces guides sont de moins ne moins utilisés au profit de sites Internet du type TripAdvisor.
Ces sites web permettent aux clients de noter les hôtels et les restaurants sur une échelle de 1 à 5 étoiles, et de donner des avis. Lorsqu’un jeune touriste visite une ville et qu’il n’y reste qu’une ou deux journées, il veut aller droit au but, il cherche le meilleur endroit à visiter ou le meilleur endroit où manger.
Il va donc regarder sur Internet, sur Google, sur TripAdvisor ou sur d’autres sites. Il jette un coup d’œil le nombre d’étoiles et éventuellement sur les avis donnés par de simples internautes comme vous et moi.
Pourquoi je vous parle de cela ? C’est parce que ce matin je vais parler de jugement et d’esprit critique.
Ces sites où l’on donne son avis sont très fréquentés et les gens participent beaucoup. Actuellement, il y a une forte exigence chez le consommateur. Le client est roi, son avis peut offrir le succès à une enseigne, tout comme il peut le faire couler.
Aujourd’hui, comme chacun peut donner son avis sur tous les endroits qu’il a fréquentés, cela induit une mentalité de consommateur exigent et un esprit critique parfois surdimensionné. On se permet de tout critiquer depuis derrière son écran, et parfois les gens ne sont pas tendres du tout.
Et vous savez quoi ? Les Églises évangéliques sont référencées sur Google, et toute personne qui utilise Internet peut noter les Églises en mettant, 1, 2, 3, 4 ou 5 étoiles, en laissant un avis.
Lorsque vous tapez Église évangélique Eure-et-Loir sur le moteur de recherche, vous verrez apparaître une liste d’Églises dont la nôtre. Si vous tapez Église protestante Gaubert, vous tomberez à coup sûr sur notre site car il y a une seule Église protestante à Gaubert. Notre Église a fait l’objet de 8 commentaires pour une moyenne de 4,3 étoiles sur 5, ce qui n’est pas mal du tout.
La question que je me pose est la suivante : sur quel critère noter une Église ? Qu’est-ce qu’une Église 5 étoiles ?
Une Église avec une louange de qualité professionnelle, avec son et lumière ?
Une Église confortable, avec fauteuils et accoudoirs ?
Une Église avec des prédicateurs qui distraient bien l’assemblée ?
Ou bien, une Église 5 étoiles serait-elle une Église où les attentes de chacun sont réalisées ?
Et voici une de mes autres interrogations, plus importante : l’Église 5 étoiles, n’est-ce pas une Église où l’on enseigne fidèlement l’Évangile ?
Au-delà de nos attentes envers l’Église, nous avons peut-être des attentes envers les chrétiens, envers nos amis, envers notre famille, notre époux, notre épouse, nos enfants, etc.
Que devrions-nous attendre ou exiger des uns et des autres ?
Jésus nous donne un enseignement à ce sujet, dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 6, les versets 37 à 42 :
37 »Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés; pardonnez et vous serez pardonnés.
38 Donnez et on vous donnera: on versera dans le pan de votre vêtement une bonne mesure, tassée, secouée et qui déborde, car on utilisera pour vous la même mesure que celle dont vous vous serez servis.»
39 Il leur dit aussi cette parabole: «Un aveugle peut-il conduire un aveugle? Ne tomberont-ils pas tous deux dans un fossé? 40 Le disciple n’est pas supérieur à son maître, mais tout disciple bien formé sera comme son maître.
41 »Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton propre oeil? 42 Ou comment peux-tu dire à ton frère: ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton oeil’, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien? Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère.
De cet enseignement de Jésus, je relèverai deux points principaux.
Premièrement, nous sommes appelés à ne pas juger ni condamner.
[1. Ne pas juger ni condamner]
Verset 37 : 37 »Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés; pardonnez et vous serez pardonnés.
Cette parole m’a un peu intrigué. Quand Jésus dit : vous ne serez pas jugés, à quoi fait-il référence ? Fait-il référence aux gens qui nous entourent : si l’on ne juge pas notre entourage, eux ne vont pas nous juger ? Ou fait-il référence au jugement de Dieu qui aura lieu à la fin des temps ?
Dans le reste de la Bible, lorsqu’il est question du jugement de Dieu, il est dit que personne n’y échappera.
Hébreux 9.37 : « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement.3
Ou encore, 2 Corinthiens 5.10 : « il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. »
Notre texte parle-t-il du jugement de la part des hommes ou celui de Dieu ?
Il me semble que les paroles de Jésus font tout de même référence au jugement dernier.
Dans la lettre aux Romains, l’apôtre Paul dit ceci (Romains 14.10) : « Pourquoi juges-tu ton frère? Ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère? Nous comparaîtrons tous, en effet, devant le tribunal de Christ. »
Il y a bien un lien entre notre manière de nous comporter avec notre prochain, et le tribunal de Christ. Et lorsque Jésus dit : « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés », il veut dire que lors du jugement, nous n’aurons rien à craindre, c’est comme si nous ne serons pas jugés, il n’y aura aucune condamnation. Il n’y aura aucune condamnation pour ceux qui ne jugent pas et ne condamnent pas.
C’est tout de même difficile de ne pas juger les autres, il est très facile de voir ce qui ne va pas et je suis moi-même quelqu’un de très exigent quand je vois que les choses ne sont pas faites comme je l’imaginais. Ou lorsque les gens ne se comportent pas comme je l’aurais aimé.
Je suis exigeant envers ma femme et mes enfants, surtout à la fin d’une journée fatigante. J’ai aussi des attentes envers les chrétiens. Je ne pense que ce soit mauvais d’avoir des attentes, mais on tombe parfois facilement dans le jugement. Jésus nous met en garde contre cette attitude qui juge et qui condamne l’autre. Dieu seul est juge, nous ne devrions pas prendre sa place.
Au lieu de critiquer, Jésus nous invite à l’humilité et même au pardon si quelqu’un nous a fait du mal. Le pardon est difficile et ce qui peut nous aider, c’est de comprendre ce que Jésus a fait pour nous. Il est mort à notre place, par amour pour nous. Imaginez qu’un chauffeur casse le portail de votre maison, vous seriez en droit de lui exiger au moins le prix de la réparation, ou un remplacement à l’identique. Ce serait à lui de payer.
Pour notre part, nous avons cassé non pas un portail, mais notre relation avec Dieu. Il serait en droit de nous demander de payer pour réparer cette faute et toutes nos autres fautes. Mais au lieu de cela, il a payé le prix à notre place.
Notre attitude désobéissante lui a coûté la vie, il est mort sur la croix à notre place. Si nous regardons à la croix, si nous nous rendons compte que nous avons été pardonnés de nos fautes, alors nous devrions faire de même envers notre prochain, et même nos ennemis. Pardonner à quelqu’un, c’est déclarer qu’il ne nous doit plus rien.
Jésus parle du pardon d’une manière un peu particulière, il dit : « pardonnez et vous serez pardonné ». Moi j’aurais tendance à penser qu’il aurait dû dire : « pardonnez comme vous avez été pardonnés ».
Mais Jésus place le pardon de l’autre avant son pardon : « pardonnez et vous serez pardonné », comment comprendre cela ?
En fait, dans ce passage, Jésus veut nous enseigner que Dieu nous traitera de la même manière dont nous aurons traité les autres. Il nous révèle ici comment est sa justice.
Si nous avons été durs avec notre prochain, alors Dieu sera dur avec nous. Si nous avons été généreux, Dieu sera généreux avec nous. Finalement, c’est comme si nous nous jugerons nous-mêmes. Au moment du jugement, Dieu utilisera nos propres critères.
Nous ne pourrons rien reprocher à Dieu dans sa manière de nous juger, car il nous jugera exactement comme nous l’avons fait. C’est une raison de plus pour ne pas juger, pour ne pas condamner, mais au contraire, pour pardonner et pour donner généreusement, afin de recevoir abondement.
Cet enseignement peut nous gêner un peu en tant que protestants. Pour nous la grâce est première, mais dans son enseignement, et en particulier dans son sermon sur la montagne, Jésus accorde beaucoup d’importance aux œuvres.
Je trouve qu’il y a pas mal de liens entre le sermon sur la montagne et un autre enseignement de la Bible, celui de la lettre de Jacques. Dans cette lettre, l’auteur rappelle que les la foi sans les œuvres, c’est une foi morte. Celui qui a la foi est reconnaissable par les œuvres qui découlent de la foi. Jésus dira dans son sermon : on reconnaît un arbre à son fruit. C’est aussi dans la lettre de Jacques où il est dit (Jacques 2.13) : « le jugement est sans compassion pour qui n’a pas fait preuve de compassion. [Mais] la compassion triomphe du jugement. » C’est une autre manière de dire cette parole de Jésus : « Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. »
Oui, Dieu nous fait grâce, et cette grâce nous change. Sa grâce nous permet d’agir selon sa volonté et non selon notre volonté. Lorsque sa grâce nous touche, nous devenons aussi une source de grâce pour notre prochain, en ne jugeant pas, en ne condamnant pas et en pardonnant. Le deuxième enseignement de Jésus est raconté sous forme de parabole.
[2. Enlève d’abord la paille]
Jésus nous invite à nous mettre en règle devant Dieu, avant de l’exiger chez les autres. Il utilise l’image de la paille et de la poutre. Au lieu de dire à notre voisin qu’il devrait enlever la paille qui se trouve dans son œil, préoccupons-nous d’abord de la poutre qui se trouve dans notre œil ! C’est pour cela que Jésus parle d’aveugles aussi dans ce passage. Si j’ai une poutre dans mon œil, je serai comme un aveugle, je ne verrai pas clair pour diriger qui que ce soit. Un aveugle ne peut pas conduire un aveugle, nous dit Jésus.
Il nous apprend que lorsque nous avons des reproches à faire à quelqu’un, n’oublions pas que nous avons d’abord des choses à régler dans notre propre vie.
Comment attendre des autres la perfection si nous-mêmes nous sommes imparfaits ? Et comment attendre de l’Église qu’elle soit parfaite si elle est composée d’une assemblée, avec un pasteur autant imparfait que le reste des membres ?
Cela dit, il ne faut pas faire dire à cette parabole ce qu’elle ne dit pas, et je trouve qu’il y a souvent des confusions.
Jésus ne dit pas qu’il faut fermer les yeux sur les choses qui ne vont pas sous prétexte que mon prochain n’a qu’une paille alors que moi j’ai une poutre. Jésus ne dit pas que nous devons nous taire lorsque nous voyons des péchés dans l’assemblée. Jésus ne nous demande pas de ne jamais reprendre son frère ou sa sœur dans la foi.
Lisons bien cette parabole. En particulier la fin du verset 42 : Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Jésus nous invite à nous préoccuper d’abord de la poutre qui se trouve dans notre œil. Et lorsque nous verrons clair, nous pourrons retirer la paille qui est dans l’œil de notre prochain.
Que signifie voir clair ? Il me semble que celui qui voit clair est celui qui est au clair avec Dieu. Celui qui a compris la grâce, qui l’a acceptée, et qui est prêt à faire grâce. Celui qui a compris le pardon, qui l’a accepté, et qui est prêt à pardonner. Celui qui a compris l’œuvre d’humiliation de Jésus, qui a foi en lui, et qui est prêt à faire preuve d’humilité lui aussi.
Celui qui est au clair avec Dieu fera preuve envers son prochain, non pas de jugement, mais de bienveillance.
En étant débarrassé de notre poutre, nous pourrons alors avoir la bonne attitude pour dire à notre frère ou notre sœur : tu as une paille dans l’œil, je vais t’aider à l’enlever. Nous sommes bien appelés à veiller les uns sur les autres avec grâce et humilité. Si un frère ou une sœur dans la foi commet un péché, je ne dois pas la juger, mais si je suis au clair avec Dieu, je peux l’exhorter à changer de comportement, tout en prenant conscience que je ne suis pas meilleure que lui. Il y a tout un discernement à avoir, et surtout de la bienveillance. Pour conclure, j’aimerais encore parler de la grâce de Dieu mais aussi sa justice.
[Conclusion]
La grâce de Dieu va de pair avec sa justice. Dieu jugera chaque être humain et nous recevrons une condamnation si nous n’avons pas suivi son enseignement. Mais Jésus a accepté d’être condamné à notre place, il nous donne la possibilité d’échapper à la sentence si nous acceptons sa mort à notre place. La justice de Dieu nous condamne et sa grâce nous permet d’être sauvés du jugement. Cela n’est pas une raison pour se comporter comme bon nous semble, au contraire. Puisque nous sommes sauvés, que notre vie honore Dieu.
Veillons aussi sur le comportement de notre prochain dans la foi, tout en ayant conscience que nous ne sommes pas meilleurs que lui. N’oublions pas non plus que la relation avec Jésus est plus qu’une religion. La religion ne blanchit que la surface, mais pas l’intérieur.
Ce dont nous avons besoin en premier, ce n’est pas que l’on nous dise ce qu’il faut changer, nous avons d’abord besoin d’avoir un cœur qui soit en phase avec Dieu. C’est de là que viendra le changement dans notre vie.
Avant de décréter si mon prochain mérite 5 étoiles, regardons d’abord à nous-mêmes. Que la Parole de Dieu soit toujours au centre, et que l’enseignement que nous recevons produise des beaux fruits dans notre vie et dans l’Église.
Christian Huy