Il y a quelques années je me souviens d’une conversation téléphonique avec quelqu’un qui n’allait pas bien du tout. Rien n’allait comme il voulait dans sa vie, que ce soit au niveau de la santé, au niveau professionnel et au niveau personnel.
Cette personne voyait tout en noir et ne comprenait pas pourquoi Dieu n’intervenait pas en sa faveur. Il était même question de remettre en cause le fait de vivre. Il y avait beaucoup de plaintes dans ses propos.
Après un moment de conversation et surtout d’écoute, je lui ai répondu à peu près ceci :
« Tu ne trouves pas que ça suffit ? J’ai l’impression de parler à un enfant qui fait des caprices, arrête de faire le gamin. »
À votre avis comment cette personne a-t-elle réagi ?
Et bien … Il l’a très bien pris et il s’est senti mieux. J’ai même eu des remerciements sur le coup et encore plusieurs mois après.
Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas comme cela que je conclus les entretiens pastoraux.
Pour mieux comprendre cette anecdote, voici quelques explications supplémentaires.
En fait j’avais 21 ans, et je n’étais pas encore pasteur. Le chrétien en question était un ami avec qui je passais pas mal de temps à cette époque, on s’entendait très bien, on se connaissait assez bien. On était donc relativement proches. Il y avait donc une certaine familiarité dans notre manière de discuter.
Quand je me suis permis de lui dire qu’il se comportait comme un enfant, je voulais lui dire qu’à mon avis, ses plaintes n’étaient pas toutes justifiées et manifestement, ma réaction l’a bien aidé.
Il y a donc un contexte à cette discussion, je ne vous conseille pas de parler ainsi aux gens qui ne vont pas bien.
Je vous ai raconté cette anecdote pour montrer que certaines paroles, à première vue, peuvent paraître méchantes, mais si on les replace dans le contexte, ces mêmes paroles peuvent finalement être des paroles bienveillantes. On a parfois besoin d’une parole osée pour avancer dans la vie.
La Bible regorge de passages où Dieu manifeste son désarroi, son mécontentement et ses avertissements.
Par exemple, dans l’Apocalypse, voici comment Jésus parle d’une femme qui jette le trouble dans une Église :
22 Voici, je vais la jeter sur un lit et envoyer un grand tourment à ceux qui commettent l’adultère avec elle, s’ils ne se repentent pas de leurs œuvres.
23 Je frapperai de mort ses enfants, et toutes les Églises reconnaîtront que je suis celui qui examine les reins et les cœurs, et je traiterai chacun de vous conformément à ses œuvres.
Ce genre de passage peut perturber le lecteur et c’est normal.
Devant ce genre de texte, il peut y avoir plusieurs réactions.
Une possibilité serait de les éviter. Mais dans ce cas, on se priverait d’une grande partie de la Bible et on n’aurait qu’une vision limitée, voire faussée, de Dieu.
Une autre possibilité serait de les lire sans tenir compte du contexte global de la Bible. Dans ce cas-là on risque d’annoncer un Dieu froid, un Dieu inquisiteur. Et cela ne rendrait pas compte fidèlement de qui est Dieu.
Dans les deux cas que je viens d’évoquer, on n’a pas une juste vision de Dieu.
Alors quelle est la bonne manière de traiter ce genre de texte ?
Il me semble que c’est en prenant en compte le contexte biblique. Le message central de la Bible concerne un Dieu qui aime tant l’humanité, qu’il s’est privé de sa gloire pour venir prendre la condition humaine.
Ce Dieu devenu homme est mort torturé sur une croix, il s’est sacrifié, il a connu la souffrance pour vaincre la mort et nous offrir la vie.
C’est le message que les prophètes et les apôtres annoncent.
Ce Dieu serait-il un Dieu méchant ?
Je suis persuadé que non. C’est un Dieu rempli d’amour et de justice, bien plus que nous.
Alors, ne doutons pas de son amour et ne craignons pas d’aborder des textes où il est question de colère et d’avertissement. Car si nous cherchons vraiment à comprendre la démarche de Dieu dans ces passages, nous comprendrions encore plus la grandeur de son amour.
Vous avez sans doute remarqué que la plupart du temps, j’aime bien prêcher non pas sur des textes isolés, mais sur un livre en entier ou sur une partie de livre, en prenant dimanche après dimanche des textes qui se suivent.
Si je fais cela, c’est justement pour ne pas choisir les textes en fonction de mon humeur ou de mes envies. C’est pour me laisser guider par le cours du texte biblique. Et lorsqu’un dimanche, je tombe sur un passage difficile, cela m’oblige à le travailler et à le méditer avec vous.
Imaginons que je ne procède pas ainsi. Imaginons que dimanche après dimanche je choisisse par-ci par-là, uniquement des passages que j’aime bien, des passages qui parlent d’espoir, d’encouragement, de consolation et de joie. Et soudain, un dimanche, je prends un texte sévère de l’apôtre Paul qui dénonce par exemple, l’immoralité.
Je caricature un peu, mais peut-être que certaines personnes se demanderaient : pourquoi a-t-il choisi ce texte ? À qui veut-il faire passer un message ?
En revanche, si on annonce que pendant 10 semaines, on va avoir des prédications sur la première lettre aux Corinthiens, et qu’un dimanche, on arrive sur un texte qui parle d’immoralité, c’est simplement parce qu’on a suivi le cours du texte. Personne n’est intentionnellement visé, la question ne se pose pas et on aborde le texte d’une manière plus détendue, plus sereine.
Cela permet aussi d’aborder des textes que naturellement on n’aurait pas choisis, car on n’aime pas les textes difficiles.
Et je suis persuadé que chaque texte de la Bible peut nous parler et nous faire avancer.
Depuis quelques semaines je prêche sur le livre de l’Apocalypse suite à une demande qui m’a été faite.
Dans ce livre, Jésus révèle aux Églises ce qui est en train d’arriver et ce qui va arriver.
Au début du livre, il demande à l’apôtre Jean de mettre par écrit des lettres adressées à 7 Églises en particulier. Ce sont des lettres qui contiennent à la fois des compliments et des reproches.
Jésus félicite les Églises pour leurs qualités afin de les encourager à continuer dans la bonne voie. Et il leur fait des reproches pour les aider à discerner ce qu’ils doivent changer et améliorer.
Ici nous lisons la 4e lettre, celle qui est adressée à l’Église de Thyatire, au chapitre 2, des versets 18 à 29.
18 Écris à l’ange de l’Église de Thyatire: « Voici ce que dit le Fils de Dieu, celui qui a les yeux comme une flamme de feu et dont les pieds sont semblables à du bronze ardent:
19 Je connais tes oeuvres, ton amour, ta foi, ton service et ta persévérance. Je sais que tes dernières oeuvres sont plus nombreuses que les premières. 20, Mais ce que j’ai contre toi, c’est que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se prétend prophétesse. Elle enseigne et égare mes serviteurs pour qu’ils se livrent à l’immoralité sexuelle et mangent des viandes sacrifiées aux idoles.
21 Je lui ai donné du temps pour changer d’attitude, mais elle ne veut pas se détourner de son immoralité.
22 Voici, je vais la jeter sur un lit et envoyer un grand tourment à ceux qui commettent adultère avec elle, s’ils ne se repentent pas de leurs oeuvres.
23 Je frapperai de mort ses enfants, et toutes les Églises reconnaîtront que je suis celui qui examine les reins et les coeurs, et je traiterai chacun de vous conformément à ses oeuvres.
24 Quant à vous, les autres croyants de Thyatire, qui n’acceptez pas cet enseignement et qui n’avez pas connu les profondeurs de Satan – comme ils les appellent – je vous dis: Je ne mettrai pas sur vous d’autre fardeau. »
25 Seulement, ce que vous avez, tenez-le fermement jusqu’à ce que je vienne. 26 Au vainqueur, à celui qui accomplit mes oeuvres jusqu’à la fin, je donnerai autorité sur les nations.
27 Il les dirigera avec un sceptre de fer, comme on brise les vases d’argile, ainsi que moi-même j’en ai reçu le pouvoir de mon Père, 28 et je lui donnerai l’étoile du matin. 29 Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises.
[1. Jésus : Fils de Dieu]
L’Apocalypse est un livre qui reprend essentiellement les prophéties de l’Ancien Testament, il n’y a pas grand-chose de nouveau. Ce passage de l’Apocalypse fait plusieurs fois référence au livre de Daniel.
Le messie annoncé par Daniel est un messie qui règnera sur son peuple et qui le protégera face aux nations ennemies.
L’Église de Thyatire vivait dans un climat idolâtre. Il fallait même certainement être associé aux cultes d’idoles pour avoir le droit d’exercer son métier.
La ville de Thyatire comprenait beaucoup de corporation d’artisans, c’était un lieu de passage important, situé sur la route pour aller à Pergame. Il y avait des boulangers, des cordonniers, des tanneurs, des tisserands, des couturiers, des teinturiers, des potiers et des artisans qui travaillaient le métal, notamment le bronze et le laiton. Il semblerait que le métal était même une des spécialités de la ville.
Jésus se présente comme tant le Fils de Dieu, le messie promit, celui qui est venu se rendre proche de nous.
Il est aussi celui qui a les yeux comme une flamme de feu et dont les pieds sont semblables à du bronze ardent.
Là encore, les yeux semblables à des flammes de feu sont une référence au prophète Daniel.
Cette manière de décrire Jésus, avec des yeux comme des flammes, attire notre attention sur son regard. Dieu voit tout. Au verset 23 de notre passage, il dit qu’il examine les reins et les cœurs.
Dans la culture de l’époque, les reins évoquaient nos sentiments. Et le cœur évoquait l’intelligence. Dieu connait nos sentiments et nos pensées. Il les connait mieux que nous-mêmes, il est donc le mieux placé pour nous enseigner, nous encourager et aussi nous reprendre si nécessaire.
Les pieds semblables à du bronze évoquent certainement sa solidité. Ses pieds sont assez solides et assez forts pour écraser ceux qui font du mal à son peuple. Plus que le Dieu guerrier, cela évoque le Dieu fort, derrière qui nous pouvons nous réfugier.
Voici les qualités qu’il relève chez les chrétiens de Thyatire, ce sont de grandes qualités. C’est mon deuxième point :
[2. Les qualités de Thyatire]
Au verset 19, Jésus fait 5 compliments à cette Église, ce qui est beaucoup comparé aux autres églises.
19 Je connais tes oeuvres, ton amour, ta foi, ton service et ta persévérance. Je sais que tes dernières oeuvres sont plus nombreuses que les premières.
Cette Église pratique des œuvres qui plaisent à Dieu, ils ont de l’amour, ce qui manquait à l’Église d’Éphèse. Ils ont la foi, l’esprit de service et la persévérance.
Il y a donc beaucoup de qualités durables.
De plus, les dernières œuvres sont plus nombreuses que les dernières. Cela signifie qu’ils sont en progrès.
À l’Église d’Éphèse, Dieu leur reprochait d’avoir perdu leur premier amour. Ils avaient beaucoup d’œuvres, mais des œuvres sans amour.
Ici, ils ont les œuvres et en plus ils ont l’amour.
Cela dit, il y a une chose qui ne va pas. Mais le reproche vient après de beaux compliments. L’Église est tellement en progrès qu’il serait dommage de tout gâcher.
Imaginez qu’un bon élève fasse tout le temps la même faute d’orthographe et personne n’ose le lui dire sous prétexte qu’il est bon sur tout le reste. Ce serait irresponsable et contre-productif.
Dieu aime son Église, il veut la voir progresser et il veut la voir sainte.
Dieu leur reproche de laisser faire une certaine Jézabel.
[3. Tu laisses faire Jézabel]
En fait, il s’agit d’une femme qui est comparée à la Jézabel que l’on rencontre dans l’Ancien Testament.
C’était la femme du roi Achab. Elle n’était pas israélite, mais étrangère, une sidonienne. Elle avait incité tout le peuple juif à adorer des dieux étrangers et à pratiquer l’immoralité sexuelle. De plus, elle avait fait tuer la plupart des prophètes de Dieu eu temps du prophète Élie.
Il semblerait que dans l’assemblée de Thyatire, une femme se prétendait prophétesse et égarait les membres de l’Église tout comme Jézabel.
Mais pourquoi la laissaient-ils faire ?
Peut-être à cause d’une mauvaise compréhension de la bienveillance.
Dans l’Apocalypse, on remarque que l’Église d’Éphèse avait une bonne théologie et une bonne éthique. Dieu la complimente, car elle garde la bonne doctrine, la vérité, mais elle manquait d’amour.
À l’inverse, l’Église de Thyatire est félicitée pour son amour, mais Dieu lui reproche son manque d’intervention sur le plan éthique et moral.
Je pense qu’en tant qu’être humain, nous avons souvent du mal à trouver un équilibre entre l’amour et la vérité.
J’ai remarqué que les personnes très axées sur la vérité auront parfois du mal à faire preuve de sensibilité. Puisque l’on a raison et que les autres ont tort, on peut le dire tout haut, on peut le dire de manière crue et tant pis si certains ne sont pas d’accord, tant pis si certains sont blessés, ils n’ont qu’à accepter la vérité.
À l’inverse, les personnes très sensibles à la bienveillance, au bien-être, au vivre ensemble et à l’amour, ceux-là auront plutôt tendance à laisser faire. Puisqu’il ne faut pas blesser les gens, il ne faut pas leur dire qu’ils ont tort. Dans un souci d’accueil, il faut plutôt les aimer tels qu’ils sont et tant pis s’ils font des erreurs, tant pis s’ils ne respectent pas tout à fait l’enseignement biblique, Dieu les aime de toute façon.
Il me semble qu’aucun des deux excès n’est souhaitable.
À l’Église d’Éphèse, très attaché à la bonne doctrine, Dieu leur reproche de ne pas avoir d’amour.
À l’Église de Thyatire, très attaché à l’amour, Dieu leur reproche de laisser faire des choses immorales. La conséquence, c’est que les membres de l’Église sont en danger.
Imaginez que dans une classe d’école, la maitresse enseigne quelque chose, et l’assistante enseigne l’inverse. Mais la maitresse ne veut pas reprendre son assistante, elle ne veut pas la vexer, elle ne veut pas qu’elle parte, car elle a besoin d’elle.
Est-ce un bon raisonnement ?
Comment faire ? Il faut à la fois aimer et annoncer la vérité. Dire ce qui ne va pas, mais le faire avec bienveillance, non pas pour détruire, mais pour construire.
Et si malgré cela, la personne le prend mal, nous aurons fait tout notre possible pour dire la vérité avec amour, le reste appartient à Dieu.
C’est un équilibre difficile à trouver, mais essentiel. Nous avons besoin de sagesse et de l’aide du Saint-Esprit.
Dans notre texte, nous pourrions être troublés en lisant que Dieu jettera la Jézabel dans un lit pour la rendre malade, ainsi que ses enfants.
Il ne s’agit pas de petits enfants de 2 ou 3 enfants. J’aurais du mal à concevoir un tel Dieu qui se défoule contre des petits enfants. C’est une expression. Les enfants de Jézabel, ce sont les disciples qu’elle a engendrés, ce sont toutes les personnes qui la suivent volontairement.
[Conclusion]
Pour conclure, retenons cet encouragement à aimer tout en annonçant la vérité. Dieu se comporte ainsi avec nous, ne doutons pas de sa bienveillance et de sa justice.
Nous pouvons noter aussi la bonté et la patience de Dieu au verset 21 :
« Je lui ai donné du temps pour changer d’attitude, mais elle ne veut pas se détourner de son immoralité. »
Dieu laisse toujours la possibilité de changer d’attitude, mais dans notre texte, ils n’ont pas saisi cette opportunité.
Voici ce que nous lisons chez le prophète Ezéchiel (18.21-23) :
21 Si le méchant renonce à tous les péchés qu’il a commis, s’il respecte toutes mes prescriptions et applique le droit et la justice, il vivra, il ne mourra pas.
(…)
23 Est-ce que je prends plaisir à voir le méchant mourir? déclare le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas plutôt à le voir changer de conduite et vivre?
Dieu est un Dieu de grâce qui ne veut pas que le méchant meure.
Les Écritures ne doivent pas être instrumentalisées pour culpabiliser et enfoncer les gens qui ne suivent pas Dieu. Au contraire, chaque passage de la Bible est une invitation à changer pour vivre dans la joie de la présence de Dieu.