Aujourd’hui je vais aborder un sujet souvent tabou, qui concerne les dîmes, les offrandes et les dons. Autrement dit, il s’agira d’argent.
Pourquoi avoir choisi ce sujet pour aujourd’hui ? Il me semble en effet important de donner quelques précisions sur la raison de ce thème.
Tout d’abord, c’est un thème dont la Bible parle abondamment sans tabou. En tant que prédicateur, c’est donc aussi ma mission d’aborder les questions d’argent.
Ensuite, c’est un thème très spirituel dont on parle peu. Cela va faire bientôt 5 ans que je suis à Gaubert, il me semble que c’est la première fois que j’aborde ce sujet en prédication.
Y a-t-il une raison pour laquelle j’ai choisi le jour de l’Assemblée générale pour parler d’argent ?
Il est vrai que ce n’est pas sans lien avec l’AG. J’aimerais toutefois donner encore quelques précisions importantes.
Nous allons le voir cet après-midi, lors de la présentation du rapport financier par notre trésorier : nos finances se portent relativement bien.
Le but de cette prédication n’est donc pas de dire que l’on n’a pas assez d’argent et de faire la leçon en disant qu’il faut donner plus. Actuellement, avec les dons réguliers de chacun, nous sommes à l’équilibre et la communauté fait preuve de générosité, c’est donc sans aucune arrière-pensée que j’aborde ce thème.
Enfin, je précise également que mon salaire n’augmente pas en fonction des dons que l’Église reçoit.
Dans notre union d’Église, tous les pasteurs sont rémunérés selon le même barème. Que l’Église soit pauvre ou riche, cela n’influencera pas le salaire du pasteur. Je n’ai donc aucun intérêt personnel à prêcher sur ce thème.
Je profite justement de la bonne santé financière de notre Église et du constat de la générosité de chacun, pour parler d’argent de manière sereine et sans objectif financier.
Le seul objectif de cette prédication, comme toutes les autres, c’est de regarder des textes de la Bible, pour entendre ensemble une parole de Dieu pertinente pour chacun de nous, dans le contexte où nous vivons aujourd’hui.
Je vous invite maintenant à entrer dans le vif du sujet, à commencer par des textes de l’Ancien Testament.
Nous allons prendre un premier texte dans le livre du Deutéronome, chapitre 14, versets 22 à 29. Ces versets parlent de la dîme pour se réjouir, voyons de quoi il s’agit.
[1. Une dîme pour se réjouir]
22 Tu prélèveras la dîme de tout ce que produira ta semence, de ce que ton champ rapportera chaque année, 23 et tu mangeras devant l’Éternel, ton Dieu, à l’endroit qu’il choisira pour y faire résider son nom, la dîme de ton blé, de ton vin nouveau et de ton huile, ainsi que les premiers-nés de ton gros et de ton petit bétail. Ainsi tu apprendras à toujours craindre l’Éternel, ton Dieu.
24 Lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura béni, peut-être le chemin sera-t-il trop long pour que tu puisses transporter ta dîme, parce que tu habiteras loin de l’endroit que l’Éternel, ton Dieu, aura choisi pour y faire résider son nom. 25 Alors, tu échangeras ta dîme contre de l’argent, tu serreras cet argent dans ta main et tu te rendras à l’endroit que l’Eternel, ton Dieu, aura choisi.
26 Là, tu achèteras avec cet argent tout ce que tu désireras – boeufs, brebis, vin et liqueurs fortes, tout ce qui te fera plaisir – tu mangeras devant l’Éternel, ton Dieu, et tu te réjouiras, toi et ta famille.
27 Tu ne délaisseras pas le Lévite qui habitera dans ta ville, car il n’a ni part ni héritage avec toi. 28 Tous les 3 ans, tu sortiras toute la dîme des produits que tu auras obtenus durant cette troisième année et tu la déposeras dans ta ville. 29 Alors le Lévite qui n’a ni part ni héritage avec toi, l’étranger, l’orphelin et la veuve qui habiteront dans ta ville viendront et ils mangeront à satiété. Ainsi l’Éternel, ton Dieu, te bénira dans tous les travaux que tu entreprendras de tes mains.
Dans certains milieux chrétiens, la dîme désigne l’argent que le fidèle donne à l’Église. D’autres préfèrent parler d’offrande, ou de don. En tout cas, le mot dîme vient du latin « décima », qui un dixième.
Dans la Bible, la dîme signifie avant tout 10%, c’est-à-dire, 10% des récoltes et autres revenus en nature.
Dans le texte que nous venons de lire, Dieu ordonne à son peuple de prélever la dîme, c’est-à-dire 10% de leur récolte de blé, 10% de leur récolte de vin, 10% de leur bétail, etc.
Que doivent-ils faire avec cette partie de leur revenu en nature ?
Ils doivent aller à l’endroit que Dieu leur ordonnera et consommer ces aliments, afin de faire la fête.
Et si une famille habite trop loin du sanctuaire, elle devra vendre les 10% de sa récolte pour avoir de l’argent, et une fois au sanctuaire, voici ce que Dieu leur demande de faire (verset 26) :
26 Là, tu achèteras avec cet argent tout ce que tu désireras – bœufs, brebis, vin et liqueurs fortes, tout ce qui te fera plaisir – tu mangeras devant l’Éternel, ton Dieu, et tu te réjouiras, toi et ta famille.
C’est génial comme commandement !
Si je résume, une fois par an, 10% des revenus d’une famille devaient servir à faire la fête et à se réjouir. Mais ce n’est pas n’importe quelle fête, c’est une fête pour se réjouir devant Dieu, c’est une fête en l’honneur de Dieu, pour manifester sa reconnaissance, car c’est Dieu qui pourvoit à leurs besoins.
Cette fête était aussi une manière pour le peuple de se rassembler et de vivre une communion. Dans la Bible, les repas sont un symbole de fraternité. On ne mange pas avec ses ennemis, mais avec ses compatriotes, avec les compagnons.
Vous vous demandez peut-être : devons-nous faire cela aujourd’hui ? À quoi cela correspond-il dans notre contexte à nous ?
Devons-nous dépenser 10% de nos revenus dans un repas de fête, avec des liqueurs fortes, en l’honneur de Dieu ?
Je vous propose de passer aux applications un peu plus tard, car il faut prendre d’autres éléments en compte.
Dans ce texte du Deutéronome chapitre 14, il est question de la tribu des lévites à deux reprises (versets 27 et 29). Il est dit que le Lévite n’a ni part, ni d’héritage avec le reste des israélites.
Que signifie cette parole ?
À ce moment de l’histoire d’Israël, le peuple hébreu se trouve dans le désert du Sinaï et s’apprête à entrer en Canaan avec Josué, le successeur de Moïse.
Dieu leur donne des lois pour qu’ils sachent comment se comporter une fois entrés en terre promise.
Dans cette terre promise, toutes les tribus auront des terres, mais la tribu de Lévi ne possèdera pas de territoire, car elle devra se consacrer entièrement au service du culte rendu à Dieu.
Pour que les lévites puissent avoir de quoi vivre, chaque tribu devra leur donner la dîme, soit 10% de ses récoltes.
Il y a donc une deuxième dîme pour les lévites.
[2. Une deuxième dîme pour les lévites]
Cette loi est donnée dans le livre des nombres, au chapitre 18, verset 21 et verset 24 :
21 Je donne comme possession aux Lévites toute dîme en Israël pour le service qu’ils effectuent, le service de la tente de la rencontre.
24 Je donne comme possession aux Lévites les dîmes que les israélites présenteront à l’Éternel à titre de prélèvement. Voilà pourquoi je dis à leur sujet qu’ils n’auront aucune possession au milieu des israélites.
Si je résume, Dieu demande donc aux israélites deux dîmes, soit 20% de leurs revenus. Les deux dîmes sont données pour honorer Dieu.
La première pour faire la fête en reconnaissance de ce que Dieu donne. La deuxième pour les lévites, qui sont chargés du service dans le temple. Cela comprend l’entretien du tabernacle, ainsi que sa sécurité, l’accomplissement des rituels tels que les sacrifices, l’enseignement de la loi au peuple, la louange et tout autre service lié au culte.
On peut remarquer, au verset 24, que cette 2e dîme, Dieu considère qu’elle lui est due à lui et non aux Lévites.
Les 11 tribus donnent à Dieu, et ensuite, Dieu donne aux lévites : « Je donne comme possession aux Lévites les dîmes que les israélites présenteront à l’Eternel à titre de prélèvement. » (v. 24)
C’est important de le signaler, car cette loi rappelle que tout vient de Dieu.
Dieu a envoyé la manne pour nourrir le peuple dans le désert. De même, Dieu permettra que les israélites puissent travailler la terre et nourrir le bétail, ce sont des dons de l’Éternel.
La dîme pour le temple revient à Dieu, car c’est lui qui pourvoit. Ensuite, Dieu donne aux lévites, de sorte que les revenus des lévites ne sont pas un salaire. Ils ne sont pas employés par le peuple, ils sont chargés d’une mission par Dieu et c’est Dieu qui leur donne de quoi subvenir à leurs besoins.
Jusqu’à maintenant, nous avons parlé des revenus consacrés à la fête et des revenus consacrés à Dieu qui reverse aux lévites. Mais Dieu n’oublie pas non plus les plus démunis.
[3. Sans oublier les démunis]
Dans le livre du Deutéronome, au chapitre 14, nous avons lu que tous les 3 ans, la dîme qui devait être destinée à la fête sera partagée avec les lévites et les plus démunis, les plus pauvres.
Relisons les versets 28 et 29 : 28 Tous les 3 ans, tu sortiras toute la dîme des produits que tu auras obtenus durant cette troisième année et tu la déposeras dans ta ville. 29 Alors le Lévite qui n’a ni part ni héritage avec toi, l’étranger, l’orphelin et la veuve qui habiteront dans ta ville viendront et ils mangeront à satiété. Ainsi l’Éternel, ton Dieu, te bénira dans tous les travaux que tu entreprendras de tes mains.
Cette démarche envers les plus démunis n’est pas la seule. Dans la loi que Dieu donne à Moïse, Dieu mentionne plusieurs fois l’étranger, la veuve et l’orphelin.
Nous allons le voir, il y a tout un système d’entraide pour que même les plus pauvres aient assez à manger et puissent vivre dignement.
Avant d’aller plus loin et de passer à l’enseignement du Nouveau Testament, arrêtons-nous un instant pour réfléchir à nos pratiques aujourd’hui.
[4. Bien comprendre la dîme dans l’Ancien Testament]
Je trouve que nos pratiques et même notre langage, dans les Églises protestantes évangéliques, sont plus proches de l’enseignement de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament.
Le problème c’est que souvent, nous comprenons mal l’Ancien Testament parce que nous ne remettons pas les textes dans leur contexte.
Par exemple, dans nos Églises, il nous arrive de parler de dîme pour désigner l’offrande qui est donnée régulièrement à l’Église.
Ce langage sous-entend déjà qu’il s’agit de 10% des revenus, ce qui revient à énoncer une règle, mais cette règle est-elle bien comprise ?
Nous avons vu que Dieu demande deux dîmes au peuple. Alors de quelle dîme s’agit-il lorsque nous donnons à l’Église. Comme le contexte n’est plus le même, nous avons du mal à avoir des équivalents.
De plus, lorsque Dieu demande les dîmes dans le livre du Deutéronome, il faut prendre en compte tout le contexte. Dans ce livre, Dieu est en train de donner les lois qui permettront à la société israélite d’être économiquement équitable.
La dîme fait partie d’un système plus large.
Par exemple, juste après avoir parlé des dîmes au chapitre 14, Dieu parle des remises de dettes et de la libération des serviteurs.
En effet, Dieu ordonne que toutes les dettes soient effacées tous les 7 ans. De plus, si une personne s’était rendue esclave (au sens de serviteur), elle doit être libérée lors de cette 7e année, et le maître doit même la libérer en lui offrant des cadeaux.
Enfin, un autre exemple de ce système : toutes les terres vendues doivent retourner à leur propriétaire d’origine tous les 50 ans. Ainsi, si une famille en difficulté a dû vendre des terres pour pallier à des soucis d’argent, elle récupère sa propriété cette année-là.
Dieu a pensé à un système où tout se rééquilibre, afin que le pauvre ne devienne pas plus pauvre, et que le riche ne devienne pas trop riche. C’est dans ce système-là qu’il instaure les deux dîmes.
Aujourd’hui, si nous appliquons la règle des dîmes sans appliquer également tout le système, ça ne marche pas. On risque même de faire l’effet inverse de ce que Dieu souhaitait.
On risque de faire peser sur le pauvre une règle trop lourde qui va le désavantager, et on sous-entend aux plus riches qu’une fois que les 10% sont donnés, ils ont accompli leur devoir et ils peuvent jouir des 90% restant sans se soucier du reste du monde.
J’exagère un peu, mais c’est comme cela que ça peut être compris. Et on oublie souvent que Dieu ne demandait pas 10% mais 20%, car il y avait deux dîmes.
Si le système des dîmes n’est plus valable, car nous avons changé de contexte, quelle règle faut-il appliquer ? Que dit le Nouveau Testament ?
[5. Le mot d’ordre du Nouveau Testament : la générosité !]
Dans le Nouveau Testament, il n’y a plus de règle, mais un état d’esprit. C’est ce que Jésus n’a cessé d’enseigner.
À chaque fois que les apôtres ont parlé d’argent, ils n’ont jamais parlé de pourcentage, mais de générosité.
Dans son sermon sur la montagne, Jésus donne le sens profond de la loi, il donne l’état d’esprit de la loi.
Il dit par exemple : 27 Vous avez appris qu’il a été dit: Tu ne commettras pas d’adultère.
28 Mais moi je vous dis: Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. (Mt 5.27-28)
Imaginons ce que Jésus aurait pu dire à propos des dîmes…
« Vous avez appris qu’il a été dit : tu donneras deux dîmes à Dieu, mais moi je vous dis… »
S’il nous semble difficile d’imaginer ce que Jésus aurait pu dire, les apôtres nous ont laissé des indices.
Voici ce que l’apôtre Paul dit en 1 Co 16 :
1 En ce qui concerne la collecte en faveur des saints, faites, vous aussi, comme je l’ai prescrit aux Églises de la Galatie: 2 que chacun de vous, le dimanche, mette de côté chez lui ce qu’il pourra, en fonction de ses moyens, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour récolter les dons.
La collecte dont il est question est une collecte de solidarité, car Jérusalem fait face à une famine et l’Église aide toujours plus de pauvres. Il ne s’agit pas de l’argent donné pour les frais du culte en lui-même, mais nous apprenons quelques principes applicables en toute circonstance.
Tout d’abord, le don est réfléchi : « que chacun mette de côté chez lui ce qu’il pourra ».
Ensuite, c’est un don « en fonction de ses moyens ».
Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, nous lisons un autre principe :
« Que chacun donne comme il l’a décidé dans son cœur, sans regret ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie. » (2 Co 9.7)
Pour conclure, comment résumer l’enseignement de la Bible sur les dîmes, les dons et les offrandes ?
[Conclusion]
Le don que Dieu aime, c’est un don libre, sans contrainte, qui est offert généreusement en fonction de nos moyens, et que nous donnons avec joie.
Notre Église bénéficie de généreux dons, poursuivons donc cette dynamique avec joie, sans oublier les œuvres d’entraide et de témoignage.
Lorsque j’étais étudiant, je me demandais s’il fallait que je donne régulièrement de l’argent à mon Église, puisque je n’avais pas encore de salaire, et en plus mon Église locale avait déjà beaucoup de moyens.
J’ai alors entendu une prédication dans une autre Église, qui m’a beaucoup aidé.
Si l’on apprend à donner lorsque l’on a peu, alors on aura plus de facilité à être généreux le jour où l’on aura plus.
Quant à la richesse de l’Église locale, nous l’avons vu, ce n’est pas à cela qu’il faut regarde. Notre regard doit être porté plutôt vers Dieu. En effet, c’est son Église.
Par ailleurs, l’Église où j’étais membre était certes relativement riche, mais elle était et elle est encore très généreuse.
Enfin, n’oublions pas que tout ce que nous recevons vient de Dieu.
En parlant d’argent, l’apôtre Paul ne manque pas l’occasion de rappeler le lien avec l’Évangile.
2 Co 8.9 : « vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ: pour vous il s’est fait pauvre alors qu’il était riche, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis. »
Dieu n’a-t-il pas été généreux envers nous, en nous donnant son fils, en nous offrant gratuitement le pardon des péchés ?
Tout comme le Seigneur est généreux envers nous, soyons reconnaissants, soyons généreux et joyeux de l’être.