Je n’ose pas y toucher (Ephésiens 4.1-6)

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C’était le 31 décembre 2023, lors de la soirée festive organisée par l’Église ; nous avons partagé un repas où les participants ont apporté des plats, tous aussi délicieux les uns que les autres.

Pour le dessert, ma femme avait monté une maison en pain d’épices. Une pâtisserie traditionnelle notamment dans les régions de l’Est, en Alsace, en Suisse ou en Allemagne.

Lorsque le moment du dessert est arrivé, il y a eu plusieurs commentaires sur cette maison, par exemple : « c’est trop joli, je n’ose pas la manger ».

C’est un peu comme au restaurant, lorsque l’on nous sert un plat très joliment présenté, on se dit : je n’ose pas y toucher, je ne veux pas détruire cette belle décoration.

C’est le propre de tous les aliments soigneusement exposés, c’est fait pour être mangé, mais on n’ose pas les consommer.

Autrement dit : nous sommes souvent réticents à abimer ce qui est beau.

Cela dit, Dieu a créé de belles choses qu’il nous arrive malheureusement d’abîmer, parfois même sans nous en rendre compte.

Ce matin, nous allons lire un texte où l’apôtre Paul enseigne que c’est Dieu qui a créé l’Église et son unité. C’est son œuvre, c’est l’une de ses plus belles œuvres, bien plus précieuse qu’une maison en pain d’épices. Et pourtant, il nous arrive de ne pas assez en prendre soin.

Ce texte se trouve dans la lettre de Paul aux Éphésiens, chapitre 4, versets 1 à 6, nous poursuivons simplement notre série de prédications sur cette lettre. Si vous n’avez pas les trois premiers chapitres en tête, ce n’est pas grave, je les résumerai dans le cours de mon message.

1 Je vous encourage donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à vous conduire d’une manière digne de l’appel que vous avez reçu.
2 En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour.
3 Efforcez-vous de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.
4 Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation.
5 Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, 6 un seul Dieu et Père de tous. Il est au-dessus de tous, agit à travers tous et habite en nous tous.

[1. Je vous en supplie]

Le chapitre 4 de la lettre de Paul aux Éphésiens marque une deuxième étape dans sa lettre.

Dans les chapitres 1 à 3, l’apôtre rappelle l’œuvre du Seigneur Jésus qui se résume en un mot : réconciliation. Dans les chapitres 4 à 6, il aborde les aspects concrets qui découlent de cette réconciliation.

Par grâce, nous sommes réconciliés avec Dieu le Père. Par grâce, et en Jésus, nous sommes réconciliés les uns avec les autres, quel que soit notre arrière-plan ethnique ou culturel.

Paul fait particulièrement référence à la réconciliation entre juifs et non-juifs, car l’Église est composée de tous les enfants de Dieu, qu’ils soient descendants d’Abraham ou païens.

Grâce au Christ, nous pouvons nous approcher de Dieu et former une famille spirituelle. Au chapitre 3, l’apôtre affirme que nous sommes cohéritiers du royaume de Dieu. Être cohéritiers implique que nous sommes frères et sœurs, aimés de Dieu, bénéficiaires de sa grâce, tous au même titre.

Après avoir expliqué pendant 3 chapitres ce que Jésus a fait, après avoir prié pour qu’ils progressent dans la connaissance de l’amour de Dieu, Paul s’exprime ainsi au chapitre 4 verset 1 :

« Je vous encourage donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à vous conduire d’une manière digne de l’appel que vous avez reçu. »

Le verbe traduit par « encourager » est un verbe utilisé lorsque l’on demande quelque chose de manière intense.

On pourrait donc traduire ainsi, c’est la traduction de la Bible Semeur : « Moi qui suis prisonnier à cause du Seigneur, je vous demande donc instamment ».

Ou selon la traduction Français courant : « je vous en supplie »

La demande de Paul est plus qu’un encouragement, il supplie les Éphésiens, il leur demande quelque chose de primordial.

Un autre terme important doit retenir notre attention, c’est le mot « donc ».

Paul leur dit : « je vous encourage donc », « je vous demande donc instamment », « je vous en supplie, donc, moi qui suis prisonnier ».

Ce terme nous indique que la demande de Paul est la conséquence de tout ce qu’il a dit dans les chapitres précédents.

Autrement dit : « puisque Jésus nous a réconciliés avec lui, puisqu’il nous a réconciliés les uns avec les autres, puisque nous sommes cohéritiers, voici ce que je vous demande instamment ».

Et que leur demande-t-il ?

« Je vous encourage donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à vous conduire d’une manière digne de l’appel que vous avez reçu. »

Les Éphésiens ont reçu un appel et ils doivent s’y consacrer dignement.

Quel est cet appel ?

On pourrait penser qu’il s’agit du témoignage de l’Évangile. On pourrait penser qu’il s’agit de la proclamation de la Parole de Dieu.

Dieu nous demande effectivement tout cela, mais ici, il parle d’autre chose, quelque chose d’encore plus vital, c’est pour cela qu’il les supplie.

La réponse est au verset 2 :

[2. Supportez-vous]

« En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour. »

L’appel que Dieu nous adresse, c’est de nous supporter, de nous soucier de l’unité dans la famille de Dieu.

Nous sommes appelés à bien nous entendre et cela passe par quatre attitudes en particulier : humilité, douceur, patience et amour.

Dans la Bible, l’amour n’est pas avant tout une émotion ou un sentiment.

Pour nous, l’amour a une connotation sentimentale, parce que nous vivons après l’époque romantique, qui nous influence encore aujourd’hui. Cela n’est pas une mauvaise chose, car il faut prendre en compte nos émotions.

Mais lorsque Jésus dit : aimez-vous les uns les autres, il ne dit pas : ayez des sentiments d’amour les uns pour les autres. Dans l’Évangile selon Jean, lorsque Jésus dit à ses disciples « aimez-vous les uns les autres », il ajoute « comme je vous ai aimé ».

Et comment les a-t-il aimés ? Il leur a lavé les pieds.

Dans la bouche de Jésus, aimer, c’est prendre soin de l’autre. C’est se faire serviteur de son frère et de sa sœur dans la foi.

Comment arriverons-nous à nous supporter ?

Avec les personnes que nous apprécions, ça peut aller, c’est faisable. Mais avec les personnes qui nous agacent, ce n’est pas évident.

Parfois, la solution que l’on trouve, c’est la distance. La personne que l’on n’arrive pas à supporter, on préfère simplement l’éviter.

C’est une solution qui peut aider dans un premier temps, mais si cette situation perdure, cela devient la politique de l’autruche, c’est du camouflage.

Alors, comment faire ?

Selon Paul, au chapitre 3, pour réussir à aimer comme Dieu le demande, pour réussir à supporter le frère ou la sœur qui nous irrite, nous avons besoin d’être transformés.

Certainement que lui aussi a besoin d’être transformé, mais la prière de Paul, au chapitre 3, concerne tout le monde. Je vous propose d’en lire un extrait, au chapitre 3, les versets 16 à 19 :

16 Je prie qu’il vous donne, conformément à la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans votre être intérieur,
17 de sorte que le Christ habite dans votre cœur par la foi. Je prie que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour
18 pour être capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de l’amour de Christ, 19 et de connaître cet amour qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu.

Pour réussir à aimer son frère ou sa sœur dans la foi, nous avons besoin de toujours plus comprendre la grandeur et la puissance de l’amour de Dieu, nous avons besoin d’être remplis de son Esprit.

C’est donc avant tout dans la prière que nous devons chercher la solution, nous n’y arriverons pas par nos propres moyens.

Dans nos prières, demandons à Dieu de nous donner l’humilité, la patience, la douceur et l’amour nécessaire pour nous supporter les uns les autres.

Pour nous aimer, nous devons aussi prendre conscience que nous devons mettre de côté notre égo, et même nos droits.

Au verset 1 ; pourquoi l’apôtre Paul précise qu’il est prisonnier à cause du Seigneur ?

Parce qu’il rappelle à ses lecteurs qu’il a payé un prix fort pour Dieu. Il est emprisonné parce qu’il prêche l’Évangile malgré l’hostilité des autorités.

En rappelant sa condition, il leur dit en quelque sorte :

« Moi qui ai mis mes intérêts personnels de côté pour le Seigneur, je vous en supplie, faites pareil, ravalez votre orgueil et supportez-vous les uns les autres. »

Dans sa prière du chapitre 3, je suis personnellement marqué par le fait que Dieu transforme notre être intérieur.

Parfois, il nous arrive de dire : « comme je suis ainsi, il ne faut pas se comporter ainsi avec moi ».

Et sans forcément le vouloir, comme on prend la posture de la victime, on sous-entend que l’autre est un bourreau, et cela crée des malaises qui n’aident pas toujours à l’unité.

Par exemple : « comme je suis hypersensible, il faut éviter de me parler comme ci ou comme ça ».

Je me permets de prendre l’exemple de l’hypersensible, car je le suis.

Quand j’étais plus jeune, lorsque je voyais une personne ou un groupe de personne rire, j’étais persuadé qu’ils se moquaient de moi.

Au début, lorsque je prêchais dans une Église, mon cerveau retenait toutes les expressions de visages de l’assemblée.

Après la prédication j’étais rempli d’adrénaline et de stress. Mon cerveau passait en revue chaque expression de visage et je me demandais : qu’est-ce que cette personne a pensé de moi et de ma prédication pendant que je prêchais. Cela pouvait durer toute la journée jusqu’au soir, et même toute la nuit.

Aujourd’hui les choses ont évolué, même si je reste hypersensible, cela ne prend plus les proportions d’avant.

Tout cela pour dire que nous avons tous nos particularités, mais cela ne doit pas être un prétexte pour se poser systématiquement en victime et dire : « je suis comme ça, donc faites tout en fonction de moi ».

Cela dit : attention ! Nous devons être attentifs aux particularités de chacun, nous devons prendre en compte les sensibilités et les cultures de nos frères et sœurs. Et lorsque nous sommes blessés ou choqués, exprimons-le.

Mais tout comme nous voulons être compris, efforçons-nous de comprendre aussi notre frère ou notre sœur qui nous a heurtés.

Comme Paul, nous sommes appelés à mettre de côté nos propres intérêts, et à demander la transformation de notre être intérieur par le Saint-Esprit. Notre être intérieur, c’est aussi notre caractère, notre personnalité, nos phobies, nos limites, notre cœur, nos motivations, etc.

Se supporter les uns et les autres, c’est parfois très difficile, c’est pour cela que l’apôtre insiste encore au verset 3 :

[3. Efforcez-vous]

« Efforcez-vous de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. »

Si Paul leur dit : « efforcez-vous », c’est bien qu’il y ait des efforts à fournir.

Il nous demande de nous efforcer à conserver l’unité.

Le verbe « conserver » est intéressant, car il suppose que l’unité a déjà été créée. Notre appel n’est pas de créer l’unité, mais de la conserver.

C’est Dieu qui a créé l’unité dans l’Église. Paul a passé 3 chapitres à l’annoncer. C’est le Christ qui a réconcilié tout le monde, c’est lui qui a détruit tous les murs qui nous séparaient les uns des autres.

Devant Dieu, il n’y a plus de différence par exemple entre les juifs et les non-juifs, tous ceux qui confessent Jésus comme Seigneur et sauveur sont intégrés dans la famille de Dieu.

Puisque nous sommes réunis par Dieu, efforçons-nous de conserver cette unité.

Dieu a fait de nous les conservateurs de l’Église.

Dans le milieu professionnel, un conservateur de musée, c’est une personne chargée de gérer et de préserver les objets d’art ou d’archéologie. Les musées ont besoin de conservateur, parce que ces objets sont fragiles.

Nous pouvons faire le parallèle avec l’unité de l’Église.

Elle est fragile, elle a besoin de conservateurs, de conservatrices. C’est notre mission à chacun.

Nous pouvons légitimement nous demander : de quelle Église s’agit-il ? Est-ce l’Église locale ? Est-ce l’Église universelle ? Est-ce seulement l’Église protestante évangélique ?

[4. Quelle unité ?]

L’apôtre Paul aborde cette question dans les versets 4 à 6 :

4 Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation.
5 Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, 6 un seul Dieu et Père de tous. Il est au-dessus de tous, agit à travers tous et habite en nous tous.

Parfois, on peut entendre des phrases du type : « que l’on soit juif, chrétien, musulman, bouddhiste ou hindouiste, nous avons tous le même Dieu ».

Cette affirmation est un peu ambiguë. D’après la Bible, il n’y a en effet qu’un seul Dieu créateur, qui est le Dieu de tous les êtres humain, Paul le dit au verset 6.

Mais la question que nous pouvons nous poser est la suivante : est-ce que tous les croyants de toutes les religions croient au même Dieu ?

Autrement dit : ont-ils tous la même foi ?

L’apôtre Paul expose ici les 7 piliers de l’unité :

Un seul corps, un seul Esprit, une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous.

Nous pouvons déjà noter que dans le verset 4, il est question d’un seul Esprit. Au verset 5, il est question d’un seul Seigneur, terme qui désigne Jésus dans cette lettre, et au verset 6, un seul Dieu et Père de tous.

Nous avons, dans ces trois versets, l’expression de la trinité : l’Esprit, le Seigneur Jésus et le Dieu Père de tous.

L’unité dont Paul parle, c’est l’unité de la famille du Dieu trinitaire. Celui qui a envoyé son Fils pour nous réconcilier avec le Père. Celui qui nous a donné son Esprit saint, afin de transformer notre être intérieur.

L’Évangile est bien universel, la bonne nouvelle est pour toutes les nations et toutes les cultures.

L’Église de Dieu se manifeste dans chaque Église locale qui proclame la même espérance.

L’unité à conserver, c’est à la fois l’unité dans l’Église locale, et l’unité entre les Églises qui confessent la même foi.

C’est notre mission à chacun.

[Conclusion]

Pour conclure, retenons que Dieu nous a réconciliés pour être des conservateurs de l’unité de l’Église.

Reprenons l’exemple de la maison en pain d’épices, que personne n’osait manger.

La maison de Dieu, c’est l’Église. Pas le bâtiment bien sûr, mais la communauté.

Quel regard portons-nous sur la famille de Dieu, sur les relations dans cette famille ?

La trouvons-nous assez belle, au point de ne pas oser l’abimer ?

Je pense que nous avons besoin que Dieu renouvelle sans cesse notre regard sur nos frères et sœurs.

Dieu voit l’Église comme ce qu’il y a de plus précieux à ses yeux. Dans la Bible, Dieu parle de son Église comme de son Épouse. Il l’aime, et il s’est donné pour elle.

Parvenons-nous à aimer celles et ceux que Dieu aime ?

Nous disons souvent que nous sommes des témoins de l’Évangile, et nous nous efforçons à proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus autour de nous.

Cette lettre de Paul nous enseigne que notre mission concerne également l’unité de l’Église.

Pour terminer, je vous invite simplement à prier, afin que Dieu nous aide à accomplir dignement cet appel qu’il nous adresse.

Père de tous qui règne sur tous, aide-nous à nous conduire d’une manière digne de nitre appel. Rends-nous humbles, empreints de douceur et patients. Fais-nous prendre conscience de tout ce que tu supportes en nous, pour que nous apprenions à nous supporter les uns les autres avec amour. Insuffle en nous la volonté de fournir tous les efforts nécessaires, dans notre Église locale, pour conserver l’unité que donne l’Esprit. Montre-nous ce que cela implique concrètement et procure-nous la joie de vivre l’unité. En Jésus, notre seul Seigneur, amen. (Dominique Anger, dans son commentaire des Éphésiens.)

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