Heureuse rencontre (Jean 1.54-51)

Heureuse rencontre (Jean 1.45-51)

Nous voilà au troisième dimanche de l’avent ! L’avent est une période qui rappelle l’attente de la venue du Christ. Pendant cette période, je dis souvent que le Christ est déjà venu il y a deux mille ans, alors qu’attendons-nous précisément aujourd’hui ?

Nous attendons de le fêter de manière particulière le 25 décembre, mais nous attendons aussi son retour. Cela dit, même si le Christ est venu dans l’humanité il y a plus de 2000 ans, il souhaite une rencontre personnelle avec chacun de nous aujourd’hui. Ce n’est pas tout de dire que le Christ est venu, il est surtout venu pour nous rencontrer. L’avons-nous rencontré ?

Et même pour ceux qui l’on rencontré, pour ceux qui ont une relation avec lui, pour ceux qui se sont faits baptisés, il souhaite une rencontre avec nous tous les jours, il souhaite une communion avec nous à chaque instant.

Oui, le Christ est venu il y a 2000 ans et il nous offre sa présence chaque jour, soyons donc prêts à le rencontrer chaque jour.  Je dirais même plus : soyons prêts à une nouvelle rencontre chaque jour, dans le sens où il aura toujours une facette de sa personne à nous révéler et nous aurons toujours quelque chose à apprendre de lui.

Je trouve cette dimension de la foi chrétienne assez fascinante : on peut toujours  apprendre à connaître Jésus davantage, on a toujours à découvrir et redécouvrir la grandeur du Christ, son amour, sa grâce, sa bienveillance, son pardon.

Pendant la période de l’avent, on lit souvent le premier chapitre de l’Évangile selon Jean, en particulier l’introduction, les premiers versets qui relatent l’incarnation de Dieu. Pour ce matin, je vous propose de lire l’un des passages qui suit ce prologue, cette introduction. C’est toujours dans le chapitre 1, mais à la fin du chapitre, les versets 45 à 51. Il s’agit de la rencontre entre Nathanaël et Jésus.

Nathanaël, en tant que juif, attendait le Messie. Dans notre passage, cette attente se réalise d’une manière particulière.

45 Philippe rencontra Nathanaël et lui dit: «Nous avons trouvé celui que Moïse a décrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé: Jésus de Nazareth, fils de Joseph.»
46 Nathanaël lui dit: «Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth?» Philippe lui répondit: «Viens et vois.»

47 Jésus vit Nathanaël s’approcher de lui et dit de lui: «Voici vraiment un israélite en qui il n’y a pas de ruse.» 48 «D’où me connais-tu?» lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit: «Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.»

49 Nathanaël répondit: «Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël.» 50 Jésus lui répondit: «Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois? Tu verras de plus grandes choses que celles-ci.» 51 Il ajouta: «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme.»

Dans le contexte de ce passage, Jean, le prophète que Dieu a envoyé pour préparer la venue du Christ, annonce à quelques-uns de ses disciples que Jésus est le messie, c’est-à-dire, l’envoyé que le peuple attend. Au même moment, Jésus commence à former le groupe des apôtres. Il appelle Philippe à faire partie de ce groupe, et Philippe partage sa rencontre avec Nathanaël.

Nathanaël ne sera pas apôtre, mais il fera quand même partie de l’entourage proche de Jésus. On sait qu’il participera à une pêche miraculeuse avec des apôtres, quelque temps plus tard, lorsque Jésus ressuscité, leur apparaît après sa mort. Revenons à notre texte.

Philippe partage la bonne nouvelle au verset 45 :

«Nous avons trouvé celui que Moïse a décrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé: Jésus de Nazareth, fils de Joseph.»

Nathanaël réagit d’une manière particulière, il est sceptique.

1. « Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? »

Comment comprendre cette interrogation de Nathanaël ? Aurait-il des préjugés sur les gens de Nazareth ? Il est vrai que cette ville n’avait rien de particulier. Beaucoup de commentateurs vont dans ce sens et je pense effectivement que c’est une interprétation possible de sa question.

Nathanaël montrerait à ce moment-là de l’orgueil et du mépris un peu comme nous pourrions en avoir, surtout à notre époque.

Je ne sais pas si cela a toujours été le cas, je n’ai pas assez de recul pour le dire. Mais j’ai l’impression que notre époque est très marquée par les préjugés et les amalgames.

« Lui il est de telle origine, donc il est comme ça. »

Et les préjugés de nos jours ne concernent pas seulement les origines, mais aussi la classe sociale, les centres d’intérêt, le métier, la morphologie, la manière de s’habiller, les études que l’on a faites, l’endroit où l’on vit, les tendances politiques, et même dans le milieu chrétien : l’Église que l’on fréquente.

Selon qu’une personne fréquente une Église charismatique ou une Église traditionnelle, on la verra peut-être d’une manière différente, on pensera savoir ce qu’il pense sur tel ou tel sujet. Selon qu’une personne a un bac +8 ou pas de bac du tout, avant même de la connaître, on la verra peut-être de manière différente.

Et ceux qui bénéficient d’une image prestigieuse un jour peuvent tout à coup être mal vus par la société le lendemain. C’est le cas par exemple de certains scientifiques aujourd’hui, qui perdent la confiance d’une partie de la population, à cause de tous les discours différents que l’on peut entendre, notamment sur  la Covid et la manière de soigner ou gérer cette situation. Un autre préjugé concerne Jésus et la foi chrétienne.

Nous vivons dans une époque post chrétienne où le christianisme est considéré de plus en plus comme une religion dépassée. Pour beaucoup de monde, croire en Dieu, croire en Jésus, c’est bien, mais ce n’est pas très rationnel, pas très cartésien.

Il y a tout juste quelques semaines j’ai discuté avec une personne qui m’a dit : j’ai du mal à croire en Dieu, car j’ai un esprit cartésien. (Je fais juste une parenthèse : le mot cartésien fait référence au mathématicien et philosophe Descartes qui lui-même croyait en Dieu.)

Mais il n’y a pas seulement les gens qui ne connaissent pas qui ont des préjugés sur la foi chrétienne. Ceux qui connaissent bien la Bible peuvent aussi avoir des préjugés, parce qu’ils ont connu la foi sous un certain angle.

Plus d’une fois, j’ai rencontré des gens qui ont baigné dans la culture chrétienne et qui aujourd’hui disent : je connais bien le christianisme, j’ai été enseigné au KT et c’est pour ça que je ne veux pas croire en Dieu.

Mais la foi en Jésus ne se résume pas à une connaissance théorique de la Bible ou de la culture chrétienne. La foi en Jésus ne devrait pas dépendre d’une bonne ou mauvaise expérience avec des chrétiens. Croire en Jésus ce n’est pas non plus adhérer à une liste de principe ou à une doctrine.

Selon la Bible, la foi en Jésus consiste d’abord en une rencontre. Suite à cette question de Nathanaël : Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? Philippe lui fait cette proposition :

2. « Viens et vois »

Nathanaël accepte et va à la rencontre de Jésus. Alors que Nathanaël est en train de s’approcher, Jésus ouvre la conversation : «Voici vraiment un israélite en qui il n’y a pas de ruse.» Que veut-il dire par cette phrase ?

Voici d’autres manières de traduire :

« Voici un véritable israélite en qui il n’est point d’artifice. » (TOB)

Ou encore :

« Voici un véritable israélite, il n’y a rien de faux en lui. »

En résumé, Nathanaël est quelqu’un de vrai, il n’y a pas de tromperie en lui. C’est surtout un véritable israélite, un croyant sincère. Jésus sous-entend-il qu’il y a d’une part, les faux Israélites et d’autre part, les vrais Israélites ?

C’est ce qu’il semble affirmer, dans le sens où il y aurait d’une part les israélites de nom, ceux qui se disent juifs juste parce qu’ils sont nés de parents juifs et pratiquent tous les rituels demandés. Et d’autre part, ceux qui sont juifs et qui croient véritablement. Ceux-là mettent en pratique la foi non pas seulement par tradition, mais par conviction personnelle. Ce sont aussi ceux qui attendent le Messie promis par les prophètes, comme Nathanaël. Il me semble que l’on peut avoir la même observation de nos jours.

Il y a des gens qui se disent chrétiens parce qu’ils sont nés dans une famille chrétienne et suivent des traditions. Et ceux qui ont une foi et une relation intime avec le Christ, ils s’engagent, obéissent, témoignent de l’Évangile, portent du fruit. Personnellement je ne me sens pas la légitimité de dire : lui c’est un vrai chrétien ou lui c’est juste un chrétien de nom.

Je ne lis pas dans les cœurs des gens. Mais ce que le texte nous révèle c’est que Jésus connaît notre cœur à chacun. La rencontre avec le Christ, nous devons la faire personnellement. Cela dit, la dimension horizontale est importante. Si Nathanaël a rencontré le Christ, c’est parce que Philippe l’y a invité. Si la réponse à l’appel de Dieu est personnelle, nous sommes appelés à vivre notre foi en communion les uns avec les autres et à partager cette foi.

Jésus voit donc en Nathanaël quelqu’un de vrai, un croyant sincère et engagé. Il le décrit d’une manière assez positive. Cela qui m’amène à revenir un peu sur la question de départ de Nathanaël : «Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? »

Si Nathanaël est un bon juif, a-t-il vraiment fait preuve d’orgueil et de mépris envers Jésus sous prétexte qu’il venait de Nazareth. Je ne remets pas complètement en cause cette interprétation, mais cela m’interroge. Et je me dis que peut-être, le sens de sa question pouvait être le suivant :

Étant donné que Nathanaël était un juif pratiquant, il connaissait les Écritures et savait que le messie viendrait non pas de Nazareth, mais de Bethléem, en tout cas c’est ce que les prophéties annoncent.

Peut-être que Nathanaël voulait simplement demander : « Selon les prophéties de la Torah, peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? Les Écritures parlent-elles de Nazareth ? »

Vu la description de Jésus, Nathanaël était un juif pieux, je me dis que sa question n’était pas forcément méprisante ou orgueilleuse. C’est juste une hypothèse, je n’ai pas de certitude à ce sujet.

Mais ce dont je suis sûr, c’est que Nathanaël avait un doute. Qu’il ait été méprisant ou pas, il était sceptique. Et malgré ses doutes, il va à la rencontre de Jésus et se laisse interpeller. Il s’étonne de voir que Jésus le connait. Ce qui le marque encore plus, c’est lorsque Jésus lui dit :

«Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.» Que s’est-il passé sous le figuier ?

Il semblerait qu’à l’époque, les maîtres aimaient étudier les Écritures à l’ombre d’un figuier. Mais là encore, le texte ne le précise pas, on ne peut que faire des suppositions. Seuls Nathanaël et Jésus savent ce qui s’est passé exactement sous le figuier. Cette seule parole de Jésus va amener Nathanaël à croire en Jésus. Il va même faire une confession de foi assez étonnante lorsque l’on sait que Jésus est au début de son ministère. L’apôtre Pierre ne fera cette confession qu’à la fin du ministère de Jésus.

3. «Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël»

Nathanaël savait que le messie devait venir. Il avait un doute lorsque Philippe l’a présenté, du fait de son origine : Nazareth. Mais il est allé au-delà de son scepticisme, il a accepté de venir et de voir. Jésus est bien né à Bethléem, mais sa famille était de Nazareth, c’est principalement là où il a grandi.

Lorsque Nathanaël le reconnaît comme étant le fils de Dieu, le roi d’Israël, Jésus précise tout de suite quel genre de messie il est. Il n’est pas un roi militaire et politique. Voici ce qu’il révèle à Nathanaël :

«Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois? Tu verras de plus grandes choses que celles-ci.» 51 Il ajouta: «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme.»

Jésus est au début de son ministère, de son service. Il prépare Nathanaël et les autres disciples à ce qu’ils vont vivre. Ils verront de grandes choses, Jésus enseignera, il prophétisera, il révèlera ce qu’il y a dans le cœur des gens, comme il l’a fait avec Nathanaël. Il révèlera aussi les mauvaises pensées des pharisiens. Il guérira des malades, chassera des démons.

Mais le plus grand miracle reste à venir : celui de sa mort et sa résurrection. Voilà le genre de roi qu’il est. Un roi venu pour servir son peuple. Puis il termine par cette parole qui semble énigmatique : « vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme ». Cette parole fait référence à un rêve de Jacob.

Jacob est le fils d’Isaac, fils d’Abraham, l’ancêtre du peuple juif. Les trois sont souvent cités ensemble : Abraham, Isaac et Jacob. Un jour, Jacob a rêvé qu’une échelle reliait la terre et le ciel, des anges montaient et descendaient par cette échelle. Dieu se tient au-dessus et il lui rappelle les promesses qu’il a faites à Abraham.

Voici un extrait de cette promesse (en Genèse 28.14) : « Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre: tu t’étendras à l’ouest et à l’est, au nord et au sud, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta descendance. »

La descendance de Jacob sera une bénédiction pour toute la terre. Jésus est un descendant d’Abraham, Isaac et Jacob. Il est la réalisation de la promesse, il est le Messie attendu. Il est celui qui relie le ciel et la terre, dans le sens où il est le médiateur entre l’humanité et Dieu.

Si l’homme, à cause de ses limites, est incapable de trouver le chemin pour rejoindre Dieu, Dieu est venu dans l’humanité. Il est venu à notre rencontre. Jésus est le messie médiateur, il vient réconcilier l’homme avec Dieu. Il est à la fois Dieu et homme.

Conclusion

Pour conclure, ce texte nous invite à aller au-delà de nos a priori, nos doutes, notre scepticisme. Il nous invite à rencontrer le Christ. La foi chrétienne ne se résume pas à un catéchisme, à une doctrine, mais c’est une réelle rencontre avec Jésus. Et pour ceux qui connaissent déjà le Christ, il nous invite à le rencontrer encore et encore, car nous avons toujours à découvrir.

En ce sens, l’attente pendant la période de l’avent prend une autre dimension. Oui Jésus est déjà venu, oui nous connaissons peut-être déjà le Christ, mais nous n’avons pas fini de le découvrir. Attendons-nous à sa révélation chaque jour, sachons toujours être à l’écoute avec l’aide du Saint-Esprit et devant sa Parole. Il nous connaît, il connaît nos craintes et nos doutes. Il connaît l’état de notre cœur et il peut encore nous surprendre.

Christian Huy

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