Jésus placé en quarantaine. L’intitulé de cette prédication pourrait paraître comme un titre accrocheur, une mise en scène. Mais c’est véridique. Jésus a bien été placé en quarantaine au début de son ministère. Il n’a pas été mis en quarantaine à cause d’une épidémie, mais à cause de sa mission sur terre, nous y reviendrons.
Nous abordons ce récit dans le cadre d’une série de prédications sur l’Évangile selon Luc. Nous suivons les textes dans l’ordre chronologique, et le passage d’aujourd’hui concerne les quarante jours que Jésus a passés seul dans le désert.
Pourquoi a-t-il dû se retirer pendant cette période ? Comment s’y est-il préparé ? Comment l’a-t-il vécu ? Pouvons-nous en tirer des enseignements, nous qui vivons aussi une sorte de quarantaine actuellement ?
J’ai trouvé ce récit particulièrement parlant pour nous qui subissons cette épidémie, avec toutes les conséquences que cela comporte : confinement, besoin de faire les courses, inquiétudes, questionnements, etc. Voyons comment ce texte nous encourage. Nous lisons dans l’Évangile selon Luc, chapitre 4, versets 1 à 13.
1 Jésus, rempli du Saint-Esprit, revint du Jourdain. Il fut conduit par l’Esprit dans le désert
2 où il fut tenté par le diable pendant 40 jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand cette période fut passée, il eut faim.
3 Le diable lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain.»
4 Jésus lui répondit: «Il est écrit: L’homme ne vivra pas de pain seulement [mais de toute parole de Dieu].»
5 Le diable l’emmena plus haut, [sur une haute montagne,] et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.
6 Puis il lui dit: «Je te donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été donnée et je la donne à qui je veux. 7 Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.»
8 Jésus lui répondit: «[Retire-toi, Satan! En effet,] il est écrit: C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras et c’est lui seul que tu serviras.»
9 Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça au sommet du temple et lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas, car il est écrit: 10 Il donnera, à ton sujet, ordre à ses anges de te garder
11 et: Ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.»
12 Jésus lui répondit: «Il est dit: Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu.»
13 Après l’avoir tenté de toutes ces manières, le diable s’éloigna de lui jusqu’à un moment favorable.
Disons d’abord quelques mots sur le contexte de ce récit. Au chapitre précédent, Jésus se fait baptiser par Jean le baptiste, pour signifier sa solidarité avec le peuple de Dieu appelé à la repentance. Le baptême de Jean symbolisait le changement de vie authentique du croyant. Lors de ce baptême, le Saint-Esprit descendit sur Jésus sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix fit entendre du ciel ces paroles: «Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute mon approbation.» (Luc 3.22)
C’est après ce baptême que Jésus est placé en quarantaine. En effet, dans notre récit, ce n’est pas Jésus qui est parti dans le désert de son propre chef. Relisons les versets 1 et 2 :
« Jésus, rempli du Saint-Esprit, revint du Jourdain. Il fut conduit par l’Esprit dans le désert où il fut tenté par le diable pendant 40 jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand cette période fut passée, il eut faim.»
C’est le Saint-Esprit qui l’a conduit dans le désert, afin qu’il y passe 40 jours. 40 jours où il va jeûner, méditer, prier, et être tenté par le diable.
Le passage de ce matin concerne les tentations qui ont lieu à l’issue de la quarantaine et non pas pendant. C’est intéressant de relever que le diable ne cesse de revenir à la charge, il tente Jésus pendant les 40 jours et après, également, au moment où Jésus commence à avoir faim. C’est peut-être le moment où Jésus est le plus fatigué et éprouvé.
Regardons maintenant en détail les trois tentations. Le diable tente Jésus en utilisant ses besoins, ses angoisses et sa foi.
La première tentation concerne les besoins de Jésus
Le diable dit à Jésus « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » (v. 3)
Le diable provoque Jésus et le tente avec son besoin de se nourrir. « Si tu es vraiment le Fils de Dieu », si tu as vraiment des pouvoirs divins, transforme ces pierres en pain. Jésus avait terminé sa période de jeûne, il aurait pu manger. Il aurait pu aussi transformer ces pierres en pain. Mais il a refusé de le faire. Il refuse d’entrer dans le jeu du diable. Le tentateur use souvent de stratégies subtiles pour nous avoir. Il ne nous incite pas toujours à faire des « grands péchés » comme tuer ou faire du mal aux autres. Il veut juste nous détourner de notre vocation.
Jésus refuse de transformer les pierres en pain, car il n’est pas venu pour se servir lui-même, mais pour servir les autres. C’est cela sa vocation. À aucun moment dans la Bible, Jésus n’a fait de miracle pour lui-même. Ses miracles ont toujours servi à d’autres. S’il avait commencé à utiliser ses pouvoirs pour lui-même, il n’aurait pas vécu comme un simple homme.
Dieu le Fils a décidé de descendre de son trône pour vivre entièrement comme un homme, en mettant de côté ses privilèges divins. Si à chaque difficulté Jésus avait utilisé ses pouvoirs pour s’en sortir, comment aurait-il pu prétendre avoir vécu comme nous ? Voyons comment Jésus répond au diable :
« L’être humain ne vivra pas de pain seulement. »
Il fait là référence à un verset du livre du Deutéronome, chapitre 8 verset 3. Le verset complet s’adressait au peuple d’Israël pendant sa traversée du désert qui a d’ailleurs duré 40 ans :
Dt 8.3 : « l’Éternel t’a humilié, il t’a fait connaître la faim et il t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres non plus n’avaient pas connue, afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel. »
Dieu avait mis le peuple d’Israël à l’épreuve pour lui apprendre à dépendre de Dieu. Il est intéressant de relever ce parallèle entre les 40 jours de Jésus dans le désert et les 40 ans du peuple d’Israël dans le désert. Jésus revit en quelque sorte cette épreuve du peuple pour réussir là où le peuple avait échoué. La dépendance à Dieu n’a pas toujours été le point fort du peuple. Et qu’en est-il pour nous ? Sommes-nous si différents de ceux qui nous ont précédés ?
Ce que nous pouvons dire, c’est que cette parole de Jésus : « l’être humain ne vivra pas de pain seulement », nous encourage et nous exhorte à compter sur Dieu en tout temps, et en particulier dans les moments où notre avenir est incertain. Nous avons besoin d’argent et de nourriture pour vivre, c’est parfois un sujet de préoccupation. Mais nous sommes aussi invités à nous préoccuper de notre relation avec Dieu.
« L’homme ne vivra pas de pain seulement [mais de toute parole de Dieu].»
Après avoir tenté Jésus avec ses besoins, le diable tente Jésus en utilisant son angoisse, c’est notre deuxième point.
Le diable tente Jésus en utilisant son angoisse
Jésus était-il angoissé ? Celui qui procure la paix pouvait-il ressentir la peur ? Jésus sait qu’il a pour mission de mourir à notre place. Il sait qu’après sa mort, il ressuscitera et sera établi roi sur la Terre. Lors de son entrée triomphale à Jérusalem, avant la Pâque, il était acclamé comme un roi, un roi à la manière des hommes. C’était juste un clin d’œil à sa royauté future qui sera bien supérieure.
Mais avant d’être élevé, il devra passer par la croix. Jésus a ressenti de l’angoisse à l’approche de sa mort, car ce sont bien dans des conditions atroces qu’il mourra. Quand le moment de sa crucifixion arrivera, il priera pour que Dieu l’aide à aller jusqu’au bout. La fin de l’Évangile de Luc nous dit que Jésus était – je cite : « en proie à l’angoisse » (Luc 22.44)
Ici, le diable propose à Jésus d’être le roi de la Terre sans passer par la souffrance de la croix. Pour cela, il suffit de se prosterner devant lui. Le diable prétend avoir autorité sur le royaume de la terre. C’est vrai qu’il a une certaine influence sur terre, mais de là à dire qu’il a autorité et qu’il peut donner la gloire à Jésus, c’est un mensonge. Le diable est menteur. Il propose à Jésus d’être le roi de la Terre immédiatement, sans passer par la souffrance, mais en désobéissant à la loi divine, c’est-à-dire en se prosternant devant le diable.
Cependant, Jésus préfère devenir roi en obéissant à Dieu même s’il doit subir une mort atroce. Jésus répond par une autre parole biblique : « C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras et c’est lui seul que tu serviras.»
Nous vivons dans une société où nous pouvons avoir beaucoup de choses rapidement et parfois sans effort. Nous vivons aussi à une époque où nous avons les moyens de soulager des douleurs physiques. Il y a aussi des échappatoires possibles lorsque les douleurs sont d’ordres affectifs ou psychologiques.
La Bible ne nous dit jamais que la vie chrétienne est préservée de souffrance. Cela ne veut pas dire que nous devons nous priver de la médecine pour soulager nos douleurs, mais cela nous rappelle que la souffrance n’est pas signe d’un manque de foi.
Parfois j’entends dire qu’un vrai chrétien ne devrait pas connaître la dépression, ou qu’un vrai chrétien guérit des maladies, sous prétexte que Jésus a tout subi à notre place. Quelques versets, souvent les mêmes, sont cités :
Matthieu 8.17 qui cite Esaïe : « Il a pris nos faiblesses et il s’est chargé de nos maladies. »
Ou encore 1 Pierre 2.24 : « lui qui a lui-même porté nos péchés dans son corps à la croix afin que, libérés du péché, nous vivions pour la justice. C’est par ses blessures que vous avez été guéris ».
Ces versets sont à replacer dans leur contexte immédiat et surtout dans le contexte biblique. Une réflexion plus détaillée sera disponible sur notre site prochainement à propos des maladies. Aujourd’hui je dirais juste un mot sur cette question.
Il y a une tension dans la Bible, entre le présent et le pas encore. Entre ce qui est acquis par Jésus aujourd’hui, et le moment où nous en bénéficierons pleinement. Jésus inaugure le royaume de Dieu lors de sa première venue. Il donne un aperçu de ce que sera notre vie au ciel. C’est pour cela qu’il y a des guérisons, c’est une avant-première. Sur la croix, il a effectivement porté tous nos péchés, nos douleurs et nos maladies. Mais ces grâces ne seront complètement palpables que lorsque nous serons avec lui sur la terre renouvelée.
En attendant, Dieu peut effectivement opérer des guérisons selon sa volonté, mais ce ne sont que des guérisons temporaires, des sursis, car notre vie ici-bas prendra fin de toute façon à cause d’une défaillance de notre corps. Et lorsque Dieu permet la maladie, ce n’est pas forcément un signe de manque de foi. Je ferme la parenthèse, revenons à l’angoisse de Jésus.
Le diable propose à Jésus de devenir le Seigneur de la terre sans passer par la case angoisse. Mais Jésus, muni de la Parole de Dieu, lui répond que « C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras et c’est lui seul que tu serviras.»
Continuer de servir le Seigneur même si cela nous coûte notre confort, c’est aussi à cela que nous sommes appelés.
Jésus répond au diable par la Parole de Dieu, alors le diable utilise à son tour les Écritures pour le tenter. Après avoir utilisé les besoins de Jésus et son angoisse, le diable finit par utiliser sa foi pour le tenter. C’est notre troisième point.
Le diable tente Jésus en utilisant sa foi
«Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas, car il est écrit : « Il donnera, à ton sujet, ordre à ses anges de te garder » et: « Ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre ».»
Le tentateur cite le Psaume 91, il se sert même de la Bible pour tromper. Cela montre qu’il ne suffit pas de lire sa Bible, il faut aussi chercher à la comprendre pour ne pas lui faire dire n’importe quoi. Le diable est malin, il se sert de notre foi pour nous détourner de notre vocation. C’est sans doute le moyen le plus efficace.
Lorsqu’une personne est humble, il suffit au diable de le lui faire remarquer pour qu’elle soit tentée par l’orgueil.
Lorsque quelqu’un a des connaissances bibliques, il lui suffit de le rendre fier de posséder la vérité pour qu’il soit tenté de mépriser ceux qui ne la connaissent pas.
Lorsqu’un fidèle est engagé à fond pour Dieu dans l’Église, il suffit au diable de lui souffler que tout le monde devrait s’investir autant que lui, pour qu’il soit tenté de juger les autres qui ne sont pas autant engagés (ou bien engagés, mais pas dans les mêmes actions).
La réponse de Jésus va droit au but : « Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu. »
Effectivement, ce n’est pas parce que Dieu nous fait beaucoup de promesses, comme dans le Psaume 91, qu’il faut être imprudent et se croire invincible. Nous n’avons pas à nous jeter dans la gueule du lion sous prétexte que de toute façon Dieu est notre protecteur.
Une fois de plus, Jésus résiste par une parole de la Bible. Une parole qui va éloigner le diable, mais seulement pour un temps. Le texte dit bien au verset 13 : « Après l’avoir tenté de toutes ces manières, le diable s’éloigna de lui jusqu’à un moment favorable. » Cela veut dire que le diable est revenu par la suite pour tenter Jésus. Nous sommes appelés à rester attachés à Dieu en tout temps, la tentation n’est jamais loin.
Conclusion
Pour conclure, relevons quelques enseignements de ce passage :
Tout d’abord, soyons sur nos gardes, car nous sommes particulièrement tentés lorsque nous sommes faibles, dans le besoin ou dans l’angoisse. Je ne pense pas que toutes les tentations viennent du diable, elles peuvent simplement venir de nous-mêmes.
Ensuite, nous apprenons que Jésus a résisté à la tentation par la Parole de Dieu. Cela suppose qu’il la connaissait, il la lisait et retenait des passages par cœur. La lecture régulière nous aide à mieux connaitre Dieu et sa volonté pour nous.
Enfin, Jésus est le Fils de Dieu, il a fait plus que résister au tentateur, il l’a vaincu. Ne nous engageons pas dans un combat contre le diable que Jésus a déjà vaincu. Remettons-nous simplement à lui par la foi pour nous approprier sa victoire, une victoire déjà acquise, mais dont nous verrons l’immensité de sa splendeur une fois au ciel.
En attendant, nous sommes encore soumis à la fragilité du monde, mais avec l’espérance, la force et l’Esprit, qui viennent de notre Dieu.
Je vous invite à la prière
Seigneur, en ce dimanche des Rameaux, nous voulons te dire merci, car tu es notre roi. Un roi qui aime son peuple et qui s’est fait serviteur pour lui.
Merci, Jésus, car tu as partagé notre condition humaine et tu t’es rendu proche de nous. Tu nous connais et tu sais ce que nous vivons.
Merci pour ta Parole qui nous guide et nous aide à surmonter les tentations qui nous détournent de ta volonté pour notre vie.
En ce temps difficile pour notre monde, nous te prions pour que tu te révèles comme étant le Dieu glorieux, plein de grâce, plein d’amour. Nous te prions pour nos communautés, nos familles, nos proches, notre entourage, notre pays. Tu es notre secours, nous qui sommes encore soumis à la fragilité de ce monde. Merci pour l’espérance
Musique de la version audio : |Musique libre de droits| Ikson – A Familiar Face