Le bonheur est-il affaire de raison ?

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Comme tous les ans, j’aime bien regarder les sujets du bac philo qui sont tombés pour en faire des sujets de prédication.

La semaine dernière, j’ai traité le sujet numéro 2 du bac général de cette année : « Vouloir la justice, est-ce vouloir la paix » ?

Nous avions vu que nous étions appelés à rechercher et poursuivre la paix, en prenant d’abord conscience que c’est la paix avec Dieu qui nous permet d’être vraiment en paix avec nous-mêmes et avec les autres.

Ce matin, je vais traiter le sujet numéro 1 du bac philo de cette année : « Le bonheur est-il affaire de raison ? »

Qui ne cherche pas le bonheur ? Comment l’atteindre ? La raison peut-elle nous conduire au bonheur ?

Je vous propose de parcourir brièvement ce qu’en disent quelques philosophes, avant de voir comment l’enseignement de la Bible répond à la question.

[1. Bonheur et raison, ce qu’en disent quelques philosophes]

Le premier penseur que j’aimerais mentionner, c’est Épicure, philosophe grec de l’antiquité, à cheval entre le IIIe et Ive siècle.

La recherche du bonheur est justement son sujet favori.

Pour lui, le but ultime de la vie, c’est de ne pas souffrir. Il faut consacrer sa vie à la recherche du plaisir durable et la réduction des désirs excessifs qui peuvent perturber notre tranquillité intérieure.

Selon Épicure, il y a deux types de plaisirs. Les plaisirs supérieurs, à rechercher, et les plaisirs inférieurs, qui sont secondaires.

Les plaisirs supérieurs étaient des plaisirs de l’esprit et de l’âme, tels que l’amitié, la sagesse et la contemplation, tandis que les plaisirs inférieurs étaient des plaisirs physiques éphémères.

Il encourageait donc la poursuite des plaisirs supérieurs, tout en évitant les excès qui peuvent conduire à la douleur.

Épicure n’accordait aucune place à Dieu, ou plutôt aux dieux, car il vivait dans une société polythéiste. Il disait que les dieux ne s’intéressaient pas aux humains, donc il n’y a pas à crainte leur intervention ou leur colère.

Pour résumer, selon ce philosophe, le bonheur est une affaire de raison dans le sens où elle nous permet de discerner les domaines où il faut s’impliquer pour trouver le bonheur, en l’occurrence, les amitiés, la sagesse et la contemplation.

Le deuxième philosophe dont je veux parler est Emmanuel Kant, philosophe allemand des lumières.

Pour lui, le bonheur et la raison pouvaient parfois s’opposer. Il faut ainsi privilégier la raison plutôt que le bonheur. Parce que c’est la raison qui permet de nous guider vers des actions justes.

Le bonheur individuel peut parfois nous amener à faire des choses immorales et injustes, il faut donc donner une place plus importante à la raison.

Pour lui, le but de notre vie, c’est plutôt de développer notre connaissance et d’agir de manière éthique et morale.

Enfin, le troisième philosophe dont je veux parler est John Stuart Mill, un philosophe, économiste et homme politique britannique du 19e siècle.

Il considérait que le bonheur était essentiellement lié à la recherche du plaisir et à l’absence de souffrance.

Il croyait que la raison devait être utilisée pour atteindre le bonheur collectif plutôt que le bonheur individuel.

Selon Mill, la raison nous permettait de prendre des décisions éclairées et de considérer le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes. On pouvait ainsi contribuer à un bonheur durable et à une société harmonieuse.

John Stuart Mill est connu pour avoir développé la philosophie utilitariste. En gros, nos actions sont bonnes lorsqu’elles sont utiles au bonheur du plus grand nombre et non pas seulement pour le bonheur individuel.

En résumé, pour lui, la raison est utile pour chercher le bonheur, mais plutôt le bonheur du plus grand nombre.

En parcourant ces trois philosophes, nous voyons que la raison est utile pour atteindre un certain bonheur.

Les philosophes ont tendance à dire qu’il faut agir de manière raisonnable, sans excès, de sorte à contribuer au bien de tous. Et pour atteindre une telle société heureuse, il faut faire appel à la raison, à ce qui nous semble logique.

Par exemple, pour Kant, pour savoir si une action contribue au bonheur de tous, nous devons nous imager ce qui se passerait si tout le monde faisait cette action, et ainsi discerner si c’est une bonne action ou pas en conséquence.

Maintenant qu’en dit la Bible ?

[2. Qu’en dit la Bible ?]

La Bible contient beaucoup de passages qui nous enseignent comment être heureux. On peut penser évidemment aux béatitudes, ces paroles où Jésus déclare heureux ceux adoptent telle ou telle attitude. On peut penser à tous les psaumes, qui sont des chants et des poèmes adressés à Dieu et qui ont aussi des choses à nous apprendre.

Ce matin, j’ai choisi de me concentrer ce matin sur l’Évangile selon Jean.

Cette année, nous avons étudié cet Évangile dans deux groupes d’étude biblique et une participante nous a fait remarquer quelque chose d’intéressant.

Elle nous a dit que nous pensons souvent aux béatitudes dans l’Évangile selon Matthieu, mais il y a aussi des béatitudes dans l’Évangile selon Jean. En tout cas, des paroles de Jésus qui déclare heureux telle ou telle personne qui adopte tel ou tel comportement.

J’ai donc parcouru cet Évangile et j’ai trouvé 2 paroles de Jésus qui peuvent être assimilées à des béatitudes, des paroles où Jésus déclare des gens heureux.

La première parole se trouve au chapitre 13, verset 17 : « Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique. »

De quoi Jésus parle-t-il ?

« Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique. »

Jésus vient de laver les pieds de ses disciples.

Je vous propose de lire à partir du verset 13 pour un peu mieux comprendre le contexte :

13 Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car je le suis.
14 Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, 15 car je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait. 16 En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé.
17 Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique.

Quel est le rapport entre laver les pieds des autres et le bonheur ?

Au début du chapitre, l’auteur nous apprend que dans ce geste de laver les pieds de ses disciples, Jésus leur manifeste son amour. Il écrit même au verset 1 :

Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père et ayant aimé ceux qui lui appartenaient dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême.

Ensuite, il lave les pieds de ses disciples.

Pourquoi dire que Jésus leur manifeste le plus grand amour en leur lavant les pieds ?

C’est parce que ce lavement des pieds est lui-même une illustration de la croix.

Pour laver les pieds de ses disciples, il est dit que Jésus met un linge autour de sa taille. C’était la tenue des serviteurs.

Dans la société juive, c’était le plus petit des serviteurs qui lavait les pieds de leur maître. Il semblerait même que cette tâche était donnée à des serviteurs non juifs, tellement c’était une tâche ingrate. Un juif ne pouvait pas accepter qu’un serviteur de la même ethnie que lui lave ses pieds.

Ici, Jésus prend la posture du plus petit serviteur en lavant les pieds de ses élèves.

C’est exactement cela la croix.

Jésus, c’est l’incarnation de Dieu, le maître de l’univers, le créateur de toutes choses.

Jésus a commandé à la tempête de se calmer et elle s’est calmée. Il a enseigné avec autorité et il a accompli beaucoup de miracles. C’est ce Jésus-là qui lave les pieds de ses élèves et qui va ensuite aller sur la croix.

Sur cette croix, Jésus se donne entièrement à son peuple. Le Dieu infiniment grand devient homme et se fait crucifier comme un criminel. Par cette mort, il lave non pas nos pieds, mais nos fautes.

Il subit le sort que nous méritions à cause de nos fautes, il meurt à notre place, il le fait de manière consciente et volontaire.

Le lavement des pieds illustre la posture qu’il prend par amour pour nous.

C’est un amour qui se donne entièrement, qui ne cherche pas à écraser, mais à relever. Jésus ne veut pas nous condamner, mais nous pardonner, nous faire grâce.

Jésus lave les pieds de ses disciples et nous dit que c’est un exemple à suivre.

« Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique. »

La Bible enseigne quelque chose de complètement fou sur le bonheur. L’apôtre Paul le dit de manière explicite dans sa lettre aux Corinthiens, il dit que l’Évangile est une folie, rien à voir avec la sagesse des hommes.

Comme il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir, Jésus nous apprend à nous donner entièrement pour notre prochain. Nous ne pouvons pas y arriver par nos propres moyens. Et notre raison ne peut pas nous aider non plus, puisque la logique humaine considère comme folie la sagesse de Dieu.

Alors nous ne pouvons que compter sur Dieu pour nous apprendre à aimer comme il aime et ainsi connaître le bonheur qu’il y a à donner et à se donner.

Le second verset de l’Évangile selon Jean que j’aimerais mentionner se trouve au chapitre 20 verset 29. Dans ce verset, Jésus dit à son disciple Thomas :

«Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru!»

Dans le contexte, Jésus est apparu à tous les disciples après sa mort et sa résurrection, sauf que Thomas n’était pas là. Alors les apôtres ont eu beau lui expliquer que Jésus leur est apparu vivant, il n’a pas voulu croire sans voir.

Jésus est donc apparu plus tard une deuxième fois et il a permis à Thomas de le voir et de le toucher. Au verset 27, il lui dit :

«Avance ton doigt ici et regarde mes mains. Avance aussi ta main et mets-la dans mon côté. Ne sois pas incrédule, mais crois!»
28 Thomas lui répondit: «Mon Seigneur et mon Dieu!» Jésus lui dit: 29 «Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru!»

Là encore, Jésus déclare heureux ceux qui ne se fient pas à leur raison. Croire qu’un homme mort soit ressuscité, puis qu’il est apparu vivant, ce n’est pas raisonnable.

Pourtant, c’est bien l’enseignement de Jésus.

[Conclusion]

Pour conclure, le bonheur est-il affaire de raison ?

Qu’en dit la Bible ?

Nous avons vu que Jésus déclare heureux ceux qui se font serviteurs de tous, ceux qui donnent et se donnent plus qu’ils ne reçoivent, ceux qui croient en Jésus sans le voir.

Toutes ces choses nous paraissent déraisonnables, c’est une folie.

Cela signifie-t-il qu’il faut être fou pour avoir la foi ? Et faut-il être fou  pour être heureux selon la Bible ?

Non, pas vraiment, la Bible n’enseigne pas que l’Évangile est une folie, elle enseigne que d’un point de vue humain cela semble fou, mais c’est la sagesse de Dieu. Il y a bien une sagesse dans la foi chrétienne, mais pas une sagesse une humaine, une sagesse divine.

Cette sagesse divine est tellement loin de la sagesse humaine qu’elle paraît folle, mais elle est bien raisonnable selon Dieu.

Nous avons donc besoin de Dieu pour comprendre sa pensée, son enseignement, et pour croire en lui.

Le bonheur est-il affaire de raison ? Oui et non.

Oui, selon la raison divine et non, pas selon la raison humaine.

Si l’on fait un sondage, je pense que l’on trouvera bien plus de personnes qui témoignent de leur joie de suivre l’enseignement de Jésus plutôt que des personnes qui témoignent de leur joie de suivre les enseignements d’Épicure, Emmanuel Kant ou John Stuart Mill.

Le bonheur se trouve dans une relation avec Dieu, où nous apprenons à penser comme il pense et à agir comme il agit.

« Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique », nous dit Jésus.

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