Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?

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Le mois dernier, le 14 juin plus exactement, les bacheliers ont passé l’épreuve de philosophie. Comme tous les ans, j’aime bien regarder les sujets qui ont été donnés et m’en inspirer pour en faire des sujets de prédications au mois de juillet. L’un des sujets de philo du bac était le suivant : Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?

Cette question est d’autant plus pertinente aujourd’hui, alors que notre pays a traversé une période troublée marquée par des événements récents. L’incident tragique du 27 juin dernier, où un jeune a perdu la vie lors d’une altercation avec la police, a déclenché des émeutes à travers la France. Face à ces événements, il est judicieux de réfléchir à notre aspiration à la paix et à la justice.

Pendant cette période préoccupante, où nous avons vu des images violentes, où nous avons vu aussi dans quelles conditions certaines personnes vivent, je me suis senti privilégié à plusieurs titres.

  • Privilégié de vivre dans un lieu et une cadre relativement calme et épargné des violences urbaines.
  • Privilégié d’être bien entouré par la famille et les amis.
  • Privilégié d’avoir fait ma scolarité dans des établissements de qualité.
  • Et par-dessus tout, je me considère privilégié d’avoir rencontré Dieu.

Tous ces privilèges font que je me sens souvent loin de la pauvreté et des violences auxquels certains sont confrontés tous les jours.

Quand j’étais stagiaire aux GBU, je me souviens avoir animé une fois une étude biblique chez une jeune, elle vivait en banlieue parisienne dans un quartier à risque. Elle m’a donné comme conseil de ne pas oublier ma carte d’identité en cas de contrôle. Je ne savais pas du tout de quoi elle parlait, je ne m’étais jamais fait contrôler de ma vie. Je lui ai demandé : c’est vrai ? Ce genre de choses arrive comme dans les films ?

Elle m’a dit que oui, c’est fréquent là où elle habite.

Et lorsqu’en fin de journée, il fallait retourner à la station de RER, elle nous a proposé de nous raccompagner, parce qu’avec elle, il y avait moins de risque de se faire agresser, étant donné que les gens la connaissaient dans le quartier.

Ce genre de situation, les contrôles de police du fait de la délinquance ou les risques d’agression, c’est le quotidien de beaucoup de gens.

Est-ce que nous nous sentons concernés par ce qui arrive dans notre pays ?

J’avoue que le confort dans lequel je vis me fait trop souvent oublier ce qui se passe parfois juste à côté.

Dans la Bible, voici ce que l’auteur du Psaume 34 dit à propos de la paix :

[1. Éloigne-toi du mal et fais le bien, recherche et poursuis la paix]

Dans ce verset 14, justice et paix sont mises côte à côte.

« Éloigne-toi du mal et fais le bien », c’est un appel à vivre de manière juste.
« Recherche et poursuis la paix », c’est un appel à agir. Ces deux verbes sont très forts.

La paix n’est pas seulement une chose à souhaiter, nous sommes appelés à la rechercher et à la poursuivre.

Lorsque dans un match de foot, on dit qu’un joueur poursuit son adversaire pour lui prendre le ballon, il ne reste pas sur le côté du terrain pour regarder  sans rien faire. Il met plutôt toutes ses ressources en marche pour atteindre son but : son corps, sa pensée, sa motivation et son énergie.

Recherche et poursuis la paix nous dit l’Éternel.

Et nous, comment poursuivons-nous la paix ? Quelles actions mettons-nous en place pour contribuer à la paix ?

Nous reviendrons sur cette question dans quelques instants. Avant cela, remarquons que le psalmiste nous demande de nous éloigner du mal et de faire le bien.

La justice, selon la Bible, ce n’est pas seulement suivre des règles du type : « fais pas ci, fais pas ça ».

La justice, c’est de s’éloigner du mal et de faire le bien.

Les grands penseurs de tous les temps ont réfléchi à ce qui pourrait apporter la justice et la paix dans le monde.

Je vous propose de parcourir ce que disent quelques philosophes, puis de voir ensuite ce que la Bible nous en dit.

[2. Des grands penseurs ont réfléchi à la question]

Je vais mentionner trois philosophes en particulier.

Le premier philosophe que j’aimerais mentionner est Emmanuel Kant, philosophe allemand des lumières.

En 1795, il a écrit un ouvrage dont le titre est « Vers la paix perpétuelle ».

Je trouve que c’est intéressant comme titre, il parle de paix éternelle, en tant que chrétien cela raisonne d’une certaine manière dans mon esprit.

Dans cet ouvrage, il dit que la paix véritable ne peut être atteinte que si les relations internationales sont cadrées par des lois. Il faut que chaque pays accepte de signer des accords mutuels, avec des pactes de non-agression.

La paix passe donc par la justice, par des lois librement acceptées entre tous les pays, sans oublier la dignité de chaque individu. La paix viendrait principalement de l’absence de guerre entre les pays.

Le deuxième penseur que je citerais est un Français, Jean-Jacques Rousseau, lui aussi philosophe des lumières, du XVIIIe siècle. Il accorde aussi une grande place à la justice comme fondement de la paix.

Selon lui, plus une société est juste et équitable, moins il y aura de conflits, et donc plus il y aura de paix.

En 1762, il a écrit un ouvrage assez connu, dont le titre est : « Du contrat social ».

La paix ne peut être atteinte que si les individus renoncent à une partie de leur liberté en échange d’une protection et d’un ordre social équitable.

Pour que tout le monde soit heureux et en paix, il est important de partager les choses de manière équitable.

Imaginons une cargaison de pommes de terre que tout le monde veut partager. Pour que tout le monde soit content, les pommes de terre doivent être réparties équitablement.

Rousseau dit que dans la société, c’est un peu pareil. Les ressources, comme la nourriture, les logements et les opportunités, doivent être partagées de manière juste entre tous les membres de la société.

Rousseau propose ainsi l’idée d’un contrat social. C’est un accord que les gens passent entre eux. Ils acceptent de respecter certaines règles pour vivre ensemble harmonieusement. En échange, ils sont protégés et ils ont une chance égale d’obtenir ce dont ils ont besoin pour vivre heureux.

Selon Rousseau, quand les ressources et les opportunités sont partagées de manière équitable, il y a la paix, les gens sont plus heureux et il y a moins de conflits. C’est pourquoi il est important d’avoir une société où tout le monde a les mêmes chances.

Enfin, pour terminer avec les penseurs, je mentionne un philosophe plus ancien : Aristote. C’est un philosophe grec du IVe siècle av. J.-C.

Pour lui également, la justice est indispensable à la paix.

Il voit deux volets à la justice.

Il y a d’une part la justice distributive, où l’on répartit de manière équitable les ressources, comme avec Rousseau. Aujourd’hui on appellerait cela la justice sociale.
Et d’autre part, il y a la justice corrective, où l’on fait réparer les fautes commises.

Aristote dit aussi que la justice est une vertu individuelle.

Chaque personne devrait chercher à être juste dans ses actions et ses relations avec les autres. Être juste, c’est trouver un équilibre entre l’égoïsme et la générosité, en agissant de manière équitable et en respectant les droits des autres.

Aristote pensait que cultiver la vertu de la justice à titre individuel était essentiel pour vivre en paix. Il croyait que lorsque chaque personne agissait avec justice, cela contribuait à créer un environnement pacifique et harmonieux dans la société.

Donc si je résume ces penseurs : Kant, Rousseau et Aristote, ils pensent tous que la justice et la paix sont étroitement liées. Leurs points de vue sont assez semblables, mais avec des accents différents.

On peut noter que ces philosophes ont influencé la pensée occidentale, surtout la pensée française. Nous n’en avons pas forcément conscience, mais les idées du siècle des Lumières, en particulier, sont à la base de notre société d’aujourd’hui.

Ces idées mettent l’homme au centre. La solution pour avoir la paix, c’est l’intelligence de l’être humain, c’est sa capacité à cultiver la vertu, sa capacité à trouver les bonnes lois pour rendre le monde plus juste et plus en paix.

Les idées des Lumières reviennent à mettre l’humain au centre et à mettre Dieu de côté.

Dans une certaine mesure, cette réaction par rapport au christianisme était compréhensible, car le christianisme majoritaire de l’époque était assez légaliste, basé sur le mérite et des superstitions.

Il y avait de quoi être mal à l’aise vis-à-vis des institutions religieuses.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas seulement une institution qui a été mise de côté, c’est Dieu lui-même.

Quel est le bilan de ces grandes réflexions depuis Aristote jusqu’aux Lumières ?

Est-ce qu’avec ces théories, avec des lois et avec la confiance en l’être humain, le monde est devenu plus paisible ? Avons-nous réussi à instaurer la paix dans le monde ?

Le XXe siècle a été le siècle le plus sanglant de l’histoire de l’humanité. Les guerres qui ont éclaté  n’étaient pas des guerres de religion.

Le XXIe siècle ne présage malheureusement rien de mieux.

Que faire ? Que dit la Bible ?

[3. La réforme de Dieu pour la paix]

Dans la Bible, l’histoire de l’humanité commence avec un monde en paix, mais très vite, l’être humain fait un mauvais usage de sa liberté et s’éloigne de Dieu.

Plus tard, avec Abraham, Isaac et Jacob, Dieu forme un peuple, Israël, et il lui donne des lois pour que la justice règne et que la paix soit présente.

Malheureusement cette solution n’a pas fonctionné. Les lois censées apporter la justice et la paix n’étaient pas respectées. Dieu a également été mis de côté par son propre peuple.

Alors quelle est la solution de Dieu pour apporter la paix ?

Pour un monde en paix, il faut que tout le monde respecte la justice. Le défi, ce n’est pas seulement de trouver les bonnes lois, c’est de faire en sorte que tout le monde les respecte.

Comment faire respecter les règles communes ? Est-ce par une justice répressive ?

Non, la Bible parle d’une réforme particulière pour que la justice soit respectée.

Cette réforme, c’est celle du cœur humain.

C’est le cœur humain qui doit changer.

Lorsque Jésus a commencé sa mission sur terre, c’est la première chose qu’il a prêché : « changez d’attitude », a-t-il dit.

Le cœur du problème se trouve dans le cœur de l’homme, incapable de respecter la justice de Dieu. Et donc pour remédier à ce problème, il faut que le cœur de l’homme change.

Mais peut-il changer par ses propres moyens ?

L’homme peut-il rendre l’homme meilleur ? C’est l’une des questions les plus essentielles que la révélation biblique nous pose : l’être humain peut-il rendre l’humanité meilleure ?

D’ailleurs, chacun de nous peut-il devenir meilleur par ses propres moyens ?

L’histoire du peuple d’Israël nous montre qu’il n’a pas réussi.

Ce n’était pas un échec de Dieu, c’était une pédagogie de Dieu, qui voulait nous faire prendre conscience que ce n’est pas seulement avec des lois que l’on peut rendre le monde meilleur.

Alors quelle est la proposition de Dieu pour rendre l’humanité plus juste ?

Voici ce que Dieu a annoncé à travers le prophète Jérémie :

Voici, les jours viennent, déclare l’Éternel, où je conclurai avec la communauté d’Israël et avec la communauté de Juda une alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs ancêtres le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte, alliance qu’ils ont violée, alors que moi, j’étais leur maître, déclare l’Éternel. Mais voici quelle sera l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là, déclare l’Éternel: je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes, je l’écrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. (Jé 31.31-33)

Dieu relève que l’alliance ancienne est basée sur des lois extérieures, celle alliance montre les limites de l’être humain. Alors Dieu propose d’aller plus loin, il ne remet pas en question l’Ancienne Alliance, mais il en établit une nouvelle, où il grave sa loi dans le cœur des individus.

Cela signifie que la relation avec Dieu ne sera plus seulement basée sur des règles externes, mais sur une transformation intérieure des cœurs et des esprits.

En résumé : Dieu propose de réformer nos cœurs. Cette réforme a lieu dans une rencontre avec lui.

Cette rencontre ne peut se faire qu’en reconnaissant nos limites, notre incapacité à être justes par nos propres moyens et notre besoin d’avoir le cœur transformé par Dieu.

Dans le Nouveau Testament, l’auteur de la lettre aux Hébreux reprend cette promesse et la développe :

Voici en effet quelle est l’alliance que je ferai avec la communauté d’Israël après ces jours-là, dit le Seigneur: je mettrai mes lois dans leur esprit, je les écrirai dans leur cœur; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Personne n’enseignera plus son concitoyen ni son frère en disant: ‘Connais le Seigneur!’, car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand d’entre eux. En effet, je pardonnerai leurs fautes et je ne me souviendrai plus de leurs péchés. (Hébreux 8.8-12)

Dans le contexte, l’auteur explique que Jésus  est l’auteur de la Nouvelle Alliance. Non seulement il est l’auteur de cette alliance, mais en plus, il offre le pardon des péchés.

Ce n’est pas une justice répressive ou punitive, mais une justice qui fait grâce et qui pardonne, car la punition a été acquittée par Jésus lui-même.

[Conclusion]

Pour conclure, je dirais que la solution de Dieu pour apporter la paix, c’est de permettre d’abord la paix avec lui.

La paix avec Dieu permet la relation avec lui. Ensuite, la relation avec Dieu permet qu’il transforme notre cœur. Et un cœur transformé permet d’agir avec plus de justice envers les autres, non par nos propres efforts, mais par la grâce de Dieu.

Alors est-ce que le monde va être plus en paix grâce aux chrétiens ?

Non, pas grâce aux chrétiens, mais grâce à Dieu.

Les chrétiens, bien que transformés et pardonnés, restent pécheurs tant qu’ils sont dans cette vie terrestre. Ce sont des pécheurs pardonnés et des pécheurs en cours de conversion, un peu comme dans l’agriculture biologique.

Quand vous allez dans un magasin bio ou un supermarché, vous pouvez voir des produits avec une étiquette où il y a écrit : « en conversion ». C’est lorsque le producteur est en train de passer de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique, c’est une période de transition.

C’est exactement pareil avec les croyants, nous sommes en transition, en cours de conversion, et nous vivons dans ce monde marqué par le mal et la souffrance.

Dieu promet bien la paix, d’abord la paix avec lui, pour ensuite vivre en paix avec nous-mêmes et avec les autres.

Et lorsqu’il le décidera, cette terre sera renouvelée, il y aura de nouveaux cieux et une nouvelle terre. La justice et la paix règneront. Cette espérance est offerte à tous ceux qui le souhaitent, il suffit d’accepter la main tendue de Dieu, accepter la rencontre.

Alors que faire pour poursuivre la paix ? Que faire pour contribuer à plus de paix ? Dieu nous propose de le rencontrer, de le suivre, et de montrer, par notre manière de vivre, l’espérance que nous avons : celle qu’un jour, sa justice sera établie ainsi que sa paix.

En attendant, nous sommes en cours de conversion et nous sommes ses témoins.

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