Take the A train !!! (Philippiens 2.19-30)

Cette semaine j’ai découvert un album de jazz, il s’agit d’un groupe basé au Canada, avec une chanteuse nommé Nikki Yanowski. Dans cet album, une chanson a attiré mon attention, elle s’intitule : Take the A train. En français, cela donne : prenez le métro de la ligne A.

Cette chanson date de 1939, elle a été rendue célèbre notamment par Duke Ellington, un célèbre pianiste et compositeur de jazz.

J’avais déjà entendu cette chanson, mais là elle a attiré mon attention, car je voulais comprendre le sens des paroles.

J’ai donc cherché l’histoire de cette chanson. Les paroles ont été écrites par Billy Strayhorn, un autre musicien et compositeur. Lorsque ses amis allaient lui rendre visite à Harlem, ils se trompaient de ligne de métro, ils prenaient la ligne D en pensant qu’elle passait chez lui. Sauf que la ligne D bifurquait avant d’arriver chez lui, ils ne devaient donc pas prendre la ligne D mais la ligne A.

Cela a donné la chanson : Take the A train, prenez la ligne A.

Cette chanson est plutôt humoristique, les paroles ne sont pas très recherchées ni profondes. C’est même un peu l’inverse.

Pourtant, cette chanson a connu un succès mondial dans le monde du jazz, elle est devenue un standard. Quasiment tous les groupes et tous les chanteurs de jazz ne manquent pas de jouer leur version de ce standard. Et je me dis que finalement, les paroles de ce chant représentent une belle parabole de la vie.

Je vous invite à écouter les premières secondes de cette chanson, ensuite pour ceux, comme moi, qui ne sont pas très bons en anglais, je vais vous donner la traduction.

Traduction :

Vous devez prendre la ligne A pour aller à Sugar Hill à Harlem
Si vous oubliez de prendre la ligne A, vous verrez, vous avez manqué le moyen le plus rapide pour aller à Harlem

Dépêchez-vous, montez maintenant, il arrive
Écoutez les vibrations des rails
Tous à bord, prenez la ligne A
Bientôt vous serez à Sugar Hill à Harlem

Ce qui m’interpelle dans ces paroles, et dans l’histoire de cette chanson, c’est l’insistance de l’auteur. Prenez la ligne A pour aller à Harlem. Si vous ne prenez pas la ligne A, vous n’arriverez pas à Harlem. Les gens devaient souvent se tromper.

Je trouve cela assez drôle que cela ait donné une chanson. Même si les paroles sont très simple, voire même simplistes, elles ont un rapport direct avec la réalité : les gens se trompent de ligne et il faut les avertir.

Oui les paroles sont limitées, mais elles vont droit au but et elles informent concrètement les usagers du métro de New York.

Cette chanson m’interpelle à plusieurs titres.

Si l’on fait un parallèle avec la foi chrétienne, faut-il toujours de longs discours théologiques pour que cela nous parle et ait un impact dans notre vie ? Je ne dis pas qu’il n’en faut pas, mais ce n’est pas systématique.

Ensuite, y a-t-il un train à ne pas rater dans notre vie ?

Jésus se présente comme l’unique chemin qui mène à Dieu. Mais il me semble qu’il y a un autre train que l’on pourrait louper, c’est celui de l’Église avec toutes ses richesses.

Je ne parle pas du bâtiment et je ne parle pas uniquement du culte. Je parle de l’Église comme communauté vivante.

Y a-t-il de la vie et de la joie dans ce que nous vivons ensemble dans la semaine ? Pourquoi est-ce que cela vaut-il le coup de prendre le train de l’Église et de faire de l’Église une communauté joyeuse et vivante ?

Faire vivre l’Église est un travail d’équipe, un travail de relations humaines.

Je vous propose de lire un texte qui traite de ce sujet, dans la lettre de Paul aux Philippiens au chapitre 2.

Juste pour résumer en quelques mots le contexte : l’apôtre Paul encourage les Philippiens à suivre l’exemple du Christ. Jésus a mis de côté sa gloire divine pour prendre notre condition, il a été à notre service, il est mort et il a vaincu la mort. Désormais, il nous offre la vie éternelle.

L’apôtre Paul demande aux chrétiens de la ville de Philippe de suivre l’exemple de Jésus, de considérer les autres comme supérieurs à soi-même et de mettre en œuvre notre salut, c’est-à-dire, d’agir conformément à notre statut d’hommes et de femmes sauvés.

Dieu nous accorde sa grâce pour que nous puissions rayonner autour de nous.

Voici maintenant la suite de son discours au chapitre 2, versets 19 à 30 :

19 J’espère dans le Seigneur Jésus vous envoyer bientôt Timothée afin d’être moi-même encouragé par les nouvelles que j’aurai de vous, 20, car je n’ai personne qui partage mes sentiments pour prendre vraiment votre situation à coeur.
21 Tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ.
22 Vous savez que Timothée a fait ses preuves en se consacrant au service de l’Évangile avec moi comme un enfant avec son père.///
23 J’espère donc vous l’envoyer dès que je serai au clair sur ma situation.
24 Et j’ai confiance dans le Seigneur que moi aussi, je viendrai bientôt.
25 J’ai cependant estimé nécessaire de vous renvoyer mon frère Epaphrodite, mon collaborateur et mon compagnon de combat, que vous aviez envoyé afin de pourvoir à mes besoins.
26 Il désirait vous revoir tous et se tourmentait parce que vous aviez appris sa maladie.///
27 Il a été malade en effet, tout près de la mort, mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, mais aussi de moi, afin que je n’aie pas tristesse sur tristesse. 28 Je m’empresse donc de le renvoyer pour que vous puissiez vous réjouir de le revoir et que je sois moi-même moins triste. 29 Accueillez-le dans le Seigneur avec une joie sans réserve et ayez de l’estime pour de tels hommes.
30 En effet, c’est pour l’oeuvre de Christ qu’il a été près de la mort; il a risqué sa vie afin de vous remplacer dans le service que vous ne pouviez pas me rendre.

Dans cette partie de sa lettre, l’apôtre Paul parle de deux de ses collaborateurs : Timothée et Epaphrodite. Il souhaite les envoyer à Philippe pour qu’ils puissent continuer à travailler à l’édification de l’Église par l’enseignement et la formation. En lisant ce passage, quelques détails ont particulièrement retenu mon attention.

 [1. Chercher les intérêts du Christ, c’est s’occuper de l’Église]

Quand l’apôtre Paul annonce qu’il espère leur envoyer Timothée, il signale au verset 20 qu’il envoie précisément Timothée parce qu’il ne trouve personne d’autre qui prenne vraiment la situation de l’Église à cœur.

Autrement dit, parmi toutes les personnes que Paul connaît, peu ont le réel souci de l’édification de l’Église.

Au verset 20, l’apôtre dit : « Car je n’ai personne ici qui partage mes sentiments pour prendre sincèrement à coeur votre situation. » Et il ajoute au verset 21 : « En effet, tous cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. »

Ce qui m’a interpellé, c’est le lien entre ces versets 20 et 21. L’apôtre dit que seul Timothée se soucie vraiment de l’Église, en effet les autres ne cherchent que leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ.

En se souciant de l’Église de Philippe, Timothée cherche l’intérêt de Jésus. Cela veut dire que chercher l’intérêt de Jésus-Christ équivaut à se soucier de l’édification de l’Église. C’est le premier détail que j’aimerais souligner : chercher l’intérêt de Jésus-Christ équivaut à se soucier de l’édification de l’Église.

Dans tous les enseignements de Paul, on peut percevoir l’importance de l’Église aux yeux de Dieu. Pour lui, l’Église n’est pas seulement un groupe de personne que l’on fréquente optionnellement si on y trouve notre compte.

L’Église, c’est le lieu où l’on s’engage en partageant les mêmes préoccupations que Jésus-Christ. Pour comprendre cela, il faut renoncer à ses propres intérêts, tout comme Paul nous le fait remarquer au verset 21 lorsqu’il dit : « Tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. »

On est ainsi appelé à laisser de côté nos intérêts personnels si on veut vraiment laisser Dieu conduire notre vie. Si on veut laisser le volant à quelqu’un, il faut d’abord le lâcher et quitter la place du conducteur. C’est pareil avec Dieu.

Une fois que l’on aura compris cela, on aura du plaisir à le suivre, parce que Dieu sait ce qu’il y a de mieux pour chacun de nous.

Timothée est donc fidèle à Dieu parce qu’il se soucie de la même chose que Jésus, à savoir l’édification et la formation des chrétiens. Il s’engage dans l’Église non pas parce qu’il y trouve un intérêt personnel, non pas parce qu’il y a des gens parfaits qui sont toujours heureux et optimistes.

Non, Timothée s’engage à l’Église, car il aime ce que Dieu aime et cela lui fait plaisir de servir Dieu ainsi. Chercher l’intérêt du Christ, c’est s’occuper des autres et en particulier de l’édification des chrétiens.

[2. Les critères de fidélité de Dieu ne sont pas les mêmes que les nôtres]

Le deuxième détail que j’ai trouvé intéressant se trouve au verset 22. L’apôtre Paul dit aux Philippiens qu’ils peuvent avoir confiance en Timothée parce qu’il a fait ses preuves en se consacrant au service de l’Évangile.

Timothée est donc digne de confiance, pourquoi ? Parce qu’il a enseigné fidèlement la Bonne Nouvelle concernant Jésus le Seigneur. Il me semble qu’il est important de souligner ce critère.

À notre époque où on a tendance à tout juger sur le critère de l’émotion ou du spectaculaire, il ne faut pas oublier que les critères de Dieu ne sont pas les mêmes que les nôtres. Comment savoir si un prédicateur, un responsable, un conseiller, un serviteur est digne de confiance ?

Dans le milieu protestant évangélique, on risque parfois de se tromper de critère. Ce n’est pas parce qu’une personne montre un certain charisme que son enseignement théologique est digne de confiance.

L’enseignement d’une personne n’a pas non plus une plus grande valeur selon qu’il est un homme ou une femme, selon qu’il est populaire ou peu connu, diplômé ou pas, en costume ou en tenue décontractée, etc.

L’apôtre Paul dit aux Philippiens qu’ils peuvent faire confiance à Timothée parce qu’il a fait ses preuves en se consacrant à l’enseignement de l’Évangile.

Paul n’a pas dit : « regardez tous les signes spectaculaires que Timothée a faits, vous pouvez lui faire confiance. » Il n’a pas dit non plus : « regardez sa prestance et son allure ».

L’apôtre Paul a dit : « Timothée a renoncé à lui-même pour se mettre au service de l’Église. Il a été obéissant et fidèle à Dieu, il s’est consacré à l’annonce de l’Évangile. Il a fait ses preuves, c’est donc quelqu’un de confiance. » (Paraphrase du texte.) 

Les critères de fidélité de Dieu ne sont pas toujours les mêmes que les nôtres.

Le troisième point que j’aimerais relever concerne l’estime que Dieu nous demande d’avoir pour ses serviteurs.

[3. Dieu nous demande d’avoir de l’estime pour ses serviteurs]

À partir du verset 25, l’apôtre Paul parle de son autre collaborateur Epaphrodite.

Epaphrodite a été envoyé à Paul par les Philippiens pour pourvoir à ses besoins. Paul était, en quelque sorte, en garde à vue à Rome parce qu’il annonçait l’Évangile, ce qui était interdit par les autorités.

Il semblerait qu’à l’époque, les prisonniers qui étaient dans ce cas n’étaient pas nourris par les gardes. Il fallait vraisemblablement que le prisonnier soit nourri par d’autres personnes.

On sait par ailleurs qu’Epaphrodite a apporté de l’argent à Paul de la part des Philippiens (voir chapitre 4). Il a donc été envoyé pour prendre soin de Paul.

On sait aussi qu’Epaphrodite est tombé gravement malade, on suppose qu’il est tombé malade pendant le voyage.

Entre Philippe et Rome, il y a environ 1100 kilomètres. Epaphrodite a dû faire environ 40 jours de voyage pour rejoindre Paul dans des conditions inconfortables. Il n’y avait pas les moyens de transport de notre époque. Il a peut-être été fragilité à cause du voyage, on n’en sait pas plus. En tout cas, il a donné de sa personne pour prendre soin de Paul.

Voici ce que l’apôtre Paul demande aux Philippiens au verset 19 : « Accueillez-le dans le Seigneur avec une joie sans réserve et ayez de l’estime pour de tels hommes. »

Paul demande que les chrétiens aient de l’estime envers ceux qui se sacrifient pour le service de l’Évangile. En l’occurrence, Epaphrodite, lui qui a servi l’Évangile en se mettant au service d’un autre serviteur.

Une fois de plus, les critères de Dieu sont différents de nos critères. Dans notre société, les gens admirent les personnes célèbres. On a de l’estime pour les gens beaux, riches, intelligents ou puissants.

Ici, Paul demande aux Philippiens d’avoir beaucoup d’estime pour les gens comme Epaphrodite, ceux qui se sacrifient pour les autres dans le but de servir le Seigneur.

Enfin, le dernier détail qui me frappe dans ce passage, c’est que ce texte soit dans la Bible !

[4. L’entraide dans l’Église est importante pour Dieu]

Dans la Bible, on s’attendrait à trouver toujours des textes rassurants, des textes consolateurs, des textes qui parlent d’amour, des prières, des textes qui nous enseignent la volonté de Dieu pour notre vie, …

Ici, on assiste à un échange assez personnel où l’apôtre évoque des détails pratiques. Il va envoyer Timothée à Philippe, il est reconnaissant d’avoir reçu l’aide d’Epaphrodite qu’il va d’ailleurs renvoyer chez eux à son tour, etc.

Pourquoi la Parole de Dieu contient un tel passage qui n’est qu’un échange entre des personnes qui s’organisent entre elles ?

Ce passage nous montre justement ce qu’est l’Église et quelle place elle devrait avoir dans notre vie.

L’Église, ce sont des personnes en relation, qui s’entraident pour accomplir une mission commune.

C’est justement parce que nous avons un même Dieu et un même Seigneur que nous sommes appelés à nous unir dans cette mission commune. Dieu ne nous appelle pas à le servir dans notre coin, en solitaire.

Dieu nous appelle à nous organiser entre nous pour accomplir ensemble la mission qu’il a confiée à l’Église : le témoignage de l’Évangile et l’édification de la communauté chrétienne.

[Conclusion]

Pour conclure, revenons à la chanson : Take the A train, prenez la ligne A !

Comme dans la chanson, ce passage de la lettre de Paul ne contient pas un grand discours théologique. Ce sont des communications d’ordre pratique.

Mais cela reflète l’importance de l’Église pour l’apôtre Paul. Chercher les intérêts du Christ, c’est aussi s’occuper de l’Église.

Dans l’Église, il n’y a pas les mêmes critères que dans la société. Ce qui compte le plus, ce ne sont pas les diplômes ou les apparences, c’est la consécration à Dieu.

Dans l’Église, nous sommes appelés à prendre soin les uns des autres et à être particulièrement attentifs envers ceux qui servent le Seigneur discrètement, mais avec dévouement et humilité, comme Epaphrodite.

Enfin, l’Église, c’est une famille, ce sont des personnes en relation, qui s’entraident pour accomplir une mission commune.

Ne ratons pas la ligne A comme dans la chanson, participons pleinement à la vie de l’Église, continuons de chercher toujours plus les intérêts du Christ, consacrons-nous entièrement à lui, lui qui nous a tout offert par grâce.

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