Chers étrangers

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L’apôtre Pierre appelait les chrétiens : les étrangers. Plus précisément : les gens de passage et les étrangers. Je vous propose aujourd’hui de lire dans la première lettre de Pierre, nous nous intéressons aujourd’hui simplement aux versets 1 et 2. C’est le texte proposé par le livret de lectures quotidiennes de notre Union d’Église, édité spécialement pour ce début d’année, sur le thème : « Partout et tout le temps, suivre le Christ tout simplement ».

Je reconnais que le titre est long : « Partout et tout le temps, suivre le Christ tout simplement ».

L’idée est dire que l’on est disciple du Christ pas seulement le dimanche matin, pas seulement lors d’activités de l’Église, mais aussi le reste de la semaine, tout le temps.

Comment vivre en tant que disciple du lundi au dimanche ?

Le texte proposé aujourd’hui est donc l’introduction de la première lettre de Pierre. Nous lisons simplement les deux premiers versets :

1 De la part de Pierre, apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui sont étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. À vous qui avez été choisis 2 conformément à la prescience de Dieu le Père et conduits à la sainteté par l’Esprit afin de devenir obéissants et d’être purifiés par le sang de Jésus-Christ: que la grâce et la paix vous soient multipliées !

Avec le groupe de Gaubert-Ingré, nous avions étudié l’ensemble de la première lettre de Pierre l’année dernière, mais nous ne nous sommes pas arrêtés très longuement sur ces deux versets en particulier.

Pierre se présente comme apôtre de Jésus-Christ, l’un des douze qui ont été auprès de Jésus pendant son ministère sur terre.

Il écrit à des chrétiens d’origine juive et surtout d’origine non juive. Ces chrétiens se trouvent dans différentes provinces de l’Empire romain. Nous avons quelques indices dans la lettre qui nous permettent de dire qu’il s’agit de chrétiens d’origine païenne.

Par exemple, au chapitre 1 verset 14, Pierre évoque le temps de « l’ignorance » de ses destinataires. Au chapitre 2 verset 10, il leur dit qu’autrefois, ils ne faisaient pas partie du peuple de Dieu, et maintenant ils en font partie.

L’apôtre écrit à des non-juifs qui sont originaires du Pont, de la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. Ces lieux sont situés dans la Turquie actuelle.

La première question qui nous intéresse est la suivante :

[1. Des étrangers…]

Si les destinataires de la lettre sont originaires de là où ils habitent, pourquoi Pierre les appelle-t-il « les étrangers » ? D’autres traductions parlent « hôtes de passage ».

Si Pierre les nomme ainsi, c’est parce que le chrétien vit dans le monde, mais il n’est pas du monde. Celui qui a mis sa foi en Jésus devient un citoyen du Royaume de Dieu. Jésus a dit : « mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18.36)

Le chrétien trouve son identité en Christ et il n’est que de passage sur terre. Sa destination finale, c’est le royaume de Dieu.

Le terme « étrangers » est très intéressant, car il décrit très bien la condition du chrétien.

Prenons un instant pour nous arrêter sur ce terme.

Vous êtes-vous déjà senti comme un étranger ?

Lorsque l’on est étranger, on nous regarde parfois bizarrement, on nous fait comprendre que l’on n’est pas comme tout le monde. On peut être victime de discrimination. On peut se moquer de nous. On peut nous mépriser. L’étranger peut aussi faire peur.

Les étrangers peuvent davantage être victimes d’escroquerie, surtout lorsqu’ils ne parlent pas bien la langue du pays et qu’ils ne connaissent pas les prix habituels.

Souvent, en tant qu’étranger, on se fait repérer facilement : on n’est pas toujours habillé comme les autres, on a souvent un accent, on n’a pas la même culture, pas la même alimentation.

Les étrangers connaissent le sentiment de ne pas être chez soi.

Cela dit, l’étranger peut aussi faire l’objet d’une bienveillance particulière. On peut s’intéresser à nous, nos différences.

Trouvez-vous des liens entre l’étranger et le chrétien ? Personnellement je trouve qu’il y a beaucoup de similitudes.

Par ailleurs, les étrangers se reconnaissent assez bien entre eux et ils se comprennent. Ils cherchent donc souvent à se retrouver, ils s’entraident et apprécient se parler dans leur langue maternelle.

Là aussi je vois des similitudes avec les chrétiens qui se reconnaissent parfois entre eux même s’ils ne se connaissent pas. Et on parle parfois une langue incompréhensible pour d’autres, un certain patois de Canaan.

L’un des risques qui existent est le communautarisme, c’est-à-dire rester seulement entre étrangers. Mais il ne faut pas confondre communautarisme et communion. La communion c’est l’esprit d’unité et pas le repli sur soi.

En général, le sentiment de se sentir étranger n’est pas agréable, alors certains cherchent à s’intégrer, afin de ne plus ressembler à un étranger.

On cherche donc à être accepté, parfois à cacher ses origines. On veut vivre comme tous les autres et passer pour l’un d’eux.

Je trouve que l’apôtre Pierre a trouvé un terme très intéressant pour parler des chrétiens : ce sont des étrangers dans un monde où ils se sentent différents, parce que leur royaume n’est pas de ce monde.

Comment vivons-nous le fait d’être étranger à ce monde ?

Cachons-nous notre foi ? Exprimons-nous notre foi seulement entre nous ? Essayons-nous parfois d’être ce que nous ne sommes pas pour faire comme tout le monde ? Assumons-nous notre manière de vivre différente de celles des autres ?

En tant qu’étrangers de passage dans ce monde, nous avons besoin de nous retrouver pour nous encourager. Mais nous ne sommes pas appelés à rester seulement entre nous. Dieu nous dispersés dans des lieux différents. C’est le deuxième terme intéressant dans la salutation de Pierre.

Les chrétiens forment un peuple dispersé.

[2. Dispersés]

Une fois de plus, Pierre utilise un terme qui semble étrange. En effet, les chrétiens à qui il s’adresse sont originaires de là où ils vivent, ils n’ont pas été dispersés.

En fait, Pierre utilise ce terme pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, en désignant les chrétiens comme des étrangers et des gens dispersés, il parle d’eux comme s’ils faisaient partie des juifs déportés à Babylone.

En effet, au vie siècle, les Babyloniens ont attaqué le royaume de Juda, ils ont pris Jérusalem et ont déporté la population juive. On parle alors des juifs exilés, ils sont dispersés.

Les chrétiens non juifs sont assimilés aux juifs dispersés, autrement dit, au peuple de Dieu.

L’autre raison concerne la configuration du peuple de Dieu dans le monde.

Les chrétiens forment un seul peuple, mais c’est un peuple qui n’est pas lié à un territoire spécifique, car il n’est que de passage sur terre.

Dans sa salutation, Pierre s’adresse aux chrétiens dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. Il semble qu’il s’adresse aux Églises de ces lieux.

Il y a plusieurs Églises locales, mais elles ne forment qu’un seul peuple.

De même, il me semble que l’on peut dire la même chose des membres d’une Église locale. La plupart du temps dans la semaine, nous sommes tous dispersés dans nos lieux de vie et d’activité. Mais nous faisons partie de la même Église.

Que nous soyons réunis ou dispersés, nous formons l’Église.

Le mot dispersé sous entent qu’il y a un mouvement, un déclencheur qui a opéré la dispersion. Il me semble que l’on peut dire que c’est Dieu qui nous a placés chacun là où nous sommes.

C’est Dieu qui nous a placés là où nous habitons, c’est lui qui nous a placés dans nos foyers, nos familles, notre lieu de travail et nos lieux d’activité.

La salutation de Pierre met l’accent sur l’action de Dieu. C’est lui qui dirige toute chose. Le verset 2 précise que c’est Dieu le Père qui nous a choisis. Il nous a mis à part pour lui par son Esprit, afin que nous devenions obéissants et que nous soyons purifiés grâce à Jésus-Christ.

Le Père, le fils et le Saint-Esprit sont tous les trois mentionnés pour parler de Dieu qui agit.

Le Père planifie, l’Esprit agit et le Fils permet que nous puissions être en relation avec le Père en nous purifiant.

C’est Dieu qui nous a choisis pour nous placer là où nous sommes.

Et pourquoi nous a-t-il dispersés à différents endroits ? Quelle est la finalité ?

Pierre précise que c’est pour « obéir à Jésus-Christ ».

[3. Pour obéir à Jésus-Christ]

Le verbe obéir est aussi intéressant, car il présuppose une action de notre part.

Dans toute son introduction, Pierre met l’accent sur ce que Dieu fait. Dieu le Père nous choisit et son Esprit nous consacre à Dieu. Mais c’est afin que nous devenions obéissants et que nous soyons purifiés par le Christ.

L’obéissance est étroitement liée à l’action de Dieu et en particulier à l’œuvre de Jésus pour nous.

Lorsque l’apôtre parle de purification par le sang du Christ, il fait référence à sa mort sur la croix. Cette mort nous purifie, car Jésus a pris sur lui toutes nos impuretés, toutes nos fautes et il meurt avec.

Il a payé pour nos fautes.

D’après l’apôtre Pierre, nous ne pouvons pas obéir à Dieu sans avoir été appelés, sans avoir été consacrés par l’Esprit, sans avoir été purifiés par Jésus.

Mais que signifie obéir à Dieu ?

Nous demande-t-il d’annoncer l’Évangile là où nous sommes ? Nous a-t-il dispersés pour que l’Évangile soit annoncé partout ?

Oui, en partie, mais l’annonce de l’Évangile est loin d’être la seule manière d’obéir.

L’obéissance concerne tous les domaines de notre vie et c’est avant tout pour glorifier Dieu.

Parfois on présente la vie chrétienne comme étant un témoignage. « Je dois bien me comporter avec ma famille pour être un bon témoignage. Je dois être honnête au travail pour être un bon témoignage. Je dois aimer mon prochain pour être un bon témoignage. » Etc.

Mais l’obéissance est avant tout pour Dieu, pour lui faire honneur, pour vivre en tant qu’hommes et femmes consacrés à Dieu et purifiés par Jésus. Ce sera effectivement un témoignage, mais le témoignage est la conséquence de notre obéissance, ce n’est pas le but.

Le Nouveau Testament ne se présente pas comme un code civil. Il ne se présente pas comme une liste de règles à obéir.

L’obéissance dont il est question, c’est un comportement de tous les jours. Un comportement d’étranger de passage dans ce monde.

Parfois on aimerait bien avoir une liste des choses à faire et que l’on pourrait cocher pour se rassurer. Mais ce n’est pas ce genre de relation que Dieu souhaite avoir avec nous.

Il souhaite que nous marchions à ses côtés jour après jour, heure après heure.

L’obéissance demande une responsabilité de notre part, mais l’action de Dieu est première. L’apôtre Pierre dit bien que c’est l’Esprit qui nous rend saint, c’est-à-dire consacrés à Dieu.

L’apôtre Pierre termine par une bénédiction.

[Bénédiction : grâce et paix]

 « Que la grâce et la paix vous soient multipliées ! »

Ce genre de bénédiction, à force de l’entendre, peut nous paraître banal. Mais elle implique beaucoup de choses.

Une fois de plus, l’action de Dieu est mise en avant, car c’est de Dieu que l’on reçoit la grâce et la paix.

Cette bénédiction a été adressée aux destinataires de la lettre, et elle nous est aussi adressée.

Elle nous invite à attendre de grandes choses de Dieu. La formule de Pierre évoque l’abondance : « Que la grâce et la paix vous soient multipliées ! »

Nous sommes sans cesse en attente des bénédictions de Dieu.

Non pas parce qu’il ne nous en a pas encore donné, mais parce qu’il va les multiplier encore et encore.

Ainsi, puisque nous sommes toujours dans l’attente de ce que Dieu fera pour nous, la bénédiction nous invite à fixer notre regard vers le Seigneur.

De plus, la bénédiction après avoir été entendue et reçue, elle rejoint notre vie quotidienne. C’est dans notre vie de tous les jours que nous attendons la grâce et la paix de Dieu.

Enfin, la grâce et la paix de Dieu sont précieuses, d’autant plus si elles sont multipliées. En effet, cette grâce et cette paix sont gratuites pour nous, mais le Christ en a payé le prix.

En général lorsqu’une chose est gratuite, c’est qu’une personne l’a achetée pour nous l’offrir.

Cette bénédiction de Pierre nous renvoie une fois de plus à l’œuvre de Jésus sur la croix.

Ce début de la lettre de Pierre nous encourage à nous abandonner toujours plus à Dieu et à nous attendre lui.

Pour terminer, j’aimerais vous parler du « Domaine des dieux ».

[Conclusion]

« Le domaine des dieux », c’est le titre d’un film de la série Astérix et Obélix.

Comme toujours, Jules César souhaite éliminer les irréductibles Gaulois.

Pour ce faire, un architecte lui suggère une idée très maline. Il propose de construire un quartier romain tout près du village gaulois et de voir ce qui se passe. Ce quartier est nommé : « Le domaine des dieux ».

Les Romains se sont donc installés à la porte du village gaulois, mais ce sont des civils, donc ils ne sont pas attaqués.

Petit à petit, ces civils romains vont côtoyer les Gaulois, ils vont faire leurs courses au village. Les Gaulois, quant à eux, vont gagner de l’argent et vont aussi vouloir vivre comme les Romains, dans leur confort, dans leur domaine des dieux.

Les Romains vont alors faciliter cette intégration des Gaulois dans ce mode de vie luxueux.

Les Gaulois partent ainsi de leur village pour s’installer dans le domaine des dieux.

Une fois que le village gaulois se sera complètement vidé de ses habitants, Jules César n’aura même plus à se battre pour coloniser le village. Il n’aura plus qu’à y entrer.

Sauf qu’une fois de plus, les Gaulois ne se laisseront pas faire.

Je ne vous raconte pas tout, mais nous connaissons les forces de ces Gaulois : l’attachement à leur peuple, l’unité, la solidarité et évidemment : la potion magique.

Je voulais terminer avec cette histoire, car elle me fait penser à nous en tant qu’étrangers dans un monde où nous côtoyons le luxe, en tout cas un certain confort.

Les Gaulois, des étrangers dans un monde romain, se sont laissé tenter, petit à petit par le mode de vie romain.

Pour notre part, en tant qu’étrangers de passage dans ce monde, nous sommes invités à ne pas nous laisser entraîner vers d’autres objectifs que l’obéissance à Dieu.

Nous sommes appelés à manifester notre attachement au peuple de Dieu, à faire preuve d’unité et de solidarité.

Enfin, nous n’avons pas vraiment de potion magique, mais nous avons le Saint-Esprit. Sans lui, nous ne pouvons rien. Avec lui, nous sommes consacrés à Dieu et rendu capables d’être obéissants.

Que la grâce et la paix nous soient multipliées !

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