Dansons la capucine (Proverbes 15.17)

Version audio ici

Vous êtes-vous déjà posé la question : que ferait Jésus à ma place ?

Parfois, dans des situations où je n’arrive pas à discerner quelle est la volonté de Dieu, je me demande : « que ferait Jésus à ma place » ? Parfois cela me donne des idées, mais pas tout le temps.

Il faut aussi dire que Jésus n’était pas tout le temps doux et chaleureux. Il a aussi été dur, exigeant, sévère et même virulent face au mal, face à l’injustice, face aux chefs religieux qui conduisaient le peuple dans l’égarement.

Ma prédication de ce matin ne concerne pas ce thème, mais celui de la nourriture.

Quel lien entre ce que je viens de dire et la nourriture ?

Je vous avoue que ces derniers temps, les repas fraternels me manquent. Et je me suis posé plusieurs fois cette question : qu’aurait fait Jésus s’il avait été empêché de partager des repas ?

Dans les Évangiles, une grande partie des enseignements de Jésus ont eu lieu autour d’un repas. En tant de Covid, y aurait-il eu la multiplication des pains ? Y aurait-il eu des repas de Pâques et l’institution de la cène ?

Je n’ai pas vraiment de réponse. Dans tous les cas, ces questions partent d’une situation hypothétique. Au temps de Jésus, les choses étaient relativement différentes et les événements ont déjà eu lieu, on ne peut pas revenir sur le passé.

Par ailleurs, lors d’un repas, qu’est-ce qui est le plus important ? Qu’est-ce qui fait qu’un repas devient un bon moment ou même un moment édifiant ?

Le texte qui fait l’objet de ma prédication ce matin répond en partie à cette question qui est plus spirituelle que ce que l’on pense. Mais avant de lire le passage, ou plutôt le verset en question, j’aimerais vous parler d’une chanson que vous connaissez certainement : Dansons la capucine.

Cette chanson est considérée comme une comptine. Nos enfants aiment beaucoup écouter les comptines mais certaines paroles nous semblent très étranges.

Généralement, on connaît surtout la première strophe de « Dansons la capucine » :

Dansons la capucine
Y a pas de pain chez nous
Y en a chez la voisine
Mais ce n’est pas pour nous
You !

Ces paroles semblent énigmatiques à première vue : la mélodie est très gaie, le cri de joie à la fin laisse même entendre que la chanson est joyeuse, mais qu’y a-t-il de joyeux dans cette situation ?

Il n’y a pas de pain chez nous, il y en a chez la voisine, mais ce n’est pas pour nous !

Voici les autres strophes, il y en a 4 en tout :

Dansons la capucine
Y’a pas de vin chez nous
Y’en a chez la voisine
Mais ce n’est pas pour nous

(Une petite parenthèse, je trouve cela curieux  que les deux premiers éléments essentiels sont le pain et le vin.)

Et voici le troisième :

Dansons la capucine
Y’a pas de feu chez nous
Y’en a chez la voisine
Mais ce n’est pas pour nous

Enfin, la dernière strophe nous éclaire sur tout le reste :

Dansons la capucine
Y’a du plaisir chez nous
On pleur’ chez la voisine
On rit toujours chez nous

Dans cette chanson, les enfants chantent avec joie qu’ils n’ont pas de pain chez eux alors qu’il y en a chez la voisine. Ils sont dans la joie, car malgré la pauvreté, ils ont le plaisir et les rires, alors que chez la voisine, on pleure.

Cette chanson a été publiée pour la première fois par Jean-Baptiste Clément en 1868. C’était une chanson révolutionnaire, parodique et satirique. Dans le contexte, la voisine mentionnée dans la chanson fait partie des riches qui exploitent les pauvres qui n’ont pas de pain.

Cette chanson n’a rien d’inédit, car la Bible contient des paroles semblables, et mêmes plus profondes.

Revenons à notre question de départ : lors d’un repas, qu’est-ce qui est central ?

Pour aborder cette question, je vous invite à lire un simple verset dans le livre des Proverbes. Livre qui a été rédigé des siècles avant la comptine « Dansons la capucine ».

Chapitre 15 verset 17 :

« Mieux vaut un plat de légumes là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé dans la maison de la haine. »

En lisant ce verset, je ne peux m’empêcher de penser aux familles, car c’est un lieu où les risques de division et de conflits sont présents. C’est aussi le lieu des moments de repas fréquents !

Mais plus largement, ce verset ne parle pas uniquement des familles, il parle des relations en général. Les relations entre nous, entre amis, entre voisins ou collègues, etc.

Ce verset nous livre un constat assez simple, on ne prend pas de plaisir à partager un bon repas dans une ambiance conflictuelle.

Mais alors que propose l’auteur ?

Il me semble que cette petite phrase des proverbes nous donne matière à réflexion.

Le meilleur repas du monde peut devenir le pire si mon esprit n’est pas en paix. Cela m’incite à prendre du recul par rapport aux plaisirs de la vie, surtout en cette période de restriction où les lieux de détente et de loisir sont pour la plupart inaccessibles. Qu’est-ce qui me rend heureux ?

Il me semble que dans notre société, et surtout à notre époque, nous mettons un accent sur la recherche du plaisir dans les choses matérielles.

On cherche le plaisir dans la nourriture, on cherche le plaisir dans l’acquisition de biens matériels ou dans les loisirs. Beaucoup de gens vivent en apnée la semaine en attendant le week-end ou les vacances, les moments où enfin, ils pourront se faire plaisir.

L’auteur des proverbes nous fait réfléchir à cette notion de plaisir. Si je passe mon week-end, mes vacances ou mon temps de loisir avec des gens que je ne supporte pas, est-ce toujours un plaisir ?

À l’inverse, si je passe du temps avec des personnes que j’aime, quel que soit le moment de la semaine ou le lieu, que ce soit dans un cadre luxueux ou un cadre modeste, j’y prendrai du plaisir, je serai en paix.

Le plaisir de partager un repas ne dépend pas avant tout du prix que l’on y met, mais de l’amour qu’il y a dans les relations.

Je précise que l’auteur ne nous dit pas que le luxe est mauvais en soi, il dit que la simplicité là où règne l’amour est meilleure que le luxe dans une maison où l’on se déteste.

La Bible ne condamne pas les biens matériels ou les loisirs, mais trop souvent, la recherche de cela nous détournent du vrai bonheur, car le bonheur ne se trouve pas dans les choses matérielles, il se trouve dans des relations animées par l’amour du prochain.

Faut-il alors faire une sélection dans nos relations afin d’être entouré seulement de personnes avec qui on s’entend bien ? Et ainsi, serions-nous plus heureux ?

Pas du tout. L’auteur des Proverbes nous invite à faire un travail en nous. La Bible nous demande d’aimer notre prochain, quel qu’il soit. C’est vrai que l’on n’a pas d’affinité avec tout le monde, c’est normal.

Nous ne sommes pas obligés de nous entendre avec tout le monde comme si chaque individu était notre meilleur ami.

Mais toutes les relations demandent des efforts. Je pense que l’auteur des Proverbes nous invite à faire ces efforts.

Il me semble que ce verset nous invite à tout faire pour que les relations dans nos familles et dans notre entourage soient bonnes, cela sera profitable à tout le monde.

Si nous voulons trouver le bonheur, pas la peine de dépenser de grosses sommes pour acheter de la viande de luxe, un plat de légumes peut suffire, mais il faut de l’amour.

Cela a l’air simple et facile dit comme ça, mais aimer n’est pas toujours évident. C’est facile d’aimer les gens aimables, mais comment aimer les autres, ceux qui nous agacent ou ceux qui nous font du mal ?

Dans la Bible, aimer n’est pas seulement un sentiment, c’est surtout un verbe d’action. Aimer, ça se travaille, et il me semble que l’auteur des Proverbes nous donne une piste pour apprendre à aimer.

Notre verset 17 est à lire avec le verset qui précède, le verset 16 : « mieux vaut peu avec la crainte de l’Éternel qu’un grand trésor avec le trouble. »

Et verset 17 : Mieux vaut un plat de légumes là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé dans la maison de la haine.

Dans un cas, il est préférable d’avoir peu avec la crainte de l’Éternel. Dans l’autre cas, il est préférable d’avoir peu là où règne l’amour.

Cette manière de dire sensiblement la même chose dans deux phrases à la suite est assez courante dans l’Ancien Testament. C’est un procédé littéraire oriental pour attirer notre attention.

L’auteur veut nous faire comprendre qu’il y a un lien entre la crainte l’Éternel, l’amour de notre prochain et le bonheur.

Dans la Bible,la crainte de l’Éternel nous pousse à aimer notre prochain. L’amour pour l’autre est donc une conséquence de la crainte de l’Éternel.

Mais qu’est-ce que la crainte de l’Éternel ? Cette manière de parler de Dieu peut sembler un peu troublante.

La « crainte de l’Éternel » est une expression qui peut faire peur, c’est le cas de le dire !

Mais comme je viens de le relever, c’est une expression. Je ne pense pas que Dieu veuille nous terrifier, il ne veut pas nous diriger par la peur. D’ailleurs, la peur s’oppose à la foi, à la confiance.

L’Éternel est un Dieu qui nous invite à lui faire confiance, non pas à avoir peur de lui comme s’il était méchant et lointain.

La crainte de l’Éternel, dans la Bible, c’est respecter l’Éternel. Le respecter en tant que notre créateur. C’est l’honorer et chercher à vivre selon sa volonté. Autrement dit, craindre l’Éternel, c’est l’aimer comme il se doit.

Je trouve cela significatif que dans ce passage des Proverbes, la crainte de l’Éternel du verset 16 est mis en parallèle avec l’amour du prochain au verset 17, car finalement ce sont les deux plus grands commandements de Dieu.

Dans les Évangiles, un professeur de la loi a demandé à Jésus : « quel est le plus grand commandement de la loi » ?

Et Jésus a répondu (Matthieu 22) :

« 37 Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. 38 C’est le premier commandement et le plus grand. 39 Et voici le deuxième, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.»

Ces versets interpellent chacun de nous dans notre rapport à Dieu et aux autres. Ici, Dieu s’intéresse à ce que nous pouvons faire pour les autres et non ce que les autres peuvent faire pour nous.

Je dis cela, car dans les milieux chrétiens, il y a parfois la tentation d’être exigent envers son frère ou sa sœur dans la foi. On peut exiger plus de bienveillance, on peut exiger plus de générosité.

On peut être tenté de se dire : lui en tant que chrétien, il ne devrait pas agir ainsi, ou il devrait plus agir ainsi.

Mais les deux plus grands commandements ne concernent pas ce que les autres doivent faire.  Ils concernent ce que Dieu m’invite à faire : l’aimer de tout mon cœur, et aimer mon prochain imparfait.

Notre verset des Proverbes parle des relations, et dans les relations, on a souvent des attentes. Mais je pense que l’exhortation principale des Proverbes concerne notre action à nous, à chacun de nous.

Pour conclure, qu’est-ce que l’auteur des Proverbes souhaite nous enseigner ?

Ce passage nous invite à réfléchir à l’objectif de notre vie. Il nous rappelle que la paix dans les relations procure plus de bonheur que les plaisirs matériels.

Et si l’auteur nous parle de respecter Dieu, autrement dit, aimer Dieu, c’est parce que notre bonheur dépend aussi et surtout de notre relation avec lui.

L’amour et la paix dans nos relations humaines sont une source de joie. À plus forte raison, la paix et l’amour dans notre relation avec Dieu, est LA source de joie.

Cette paix, elle est possible grâce au Christ, qui a tout accompli. Durant toute sa vie, il a fait la volonté du Père, il a mérité tout son amour. C’est à travers lui que nous pouvons être en paix avec Dieu.

Notre relation avec lui n’est plus entravée par notre imperfection, car Jésus est notre représentant auprès du Père, nous sommes en paix avec lui.

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