Drôle de journée à l’hôtel (Luc 10.25-37)

Prédication audio / culte entier audio (avec baptême)

C’était il y a trois jours, en début d’après-midi. Je m’apprêtais à faire la sieste, quand soudain, j’entends un homme frapper à la porte de manière insistante :

« Ouvrez la porte, ouvrez la porte ! » criait-il.

D’habitude, j’ai peu de clients à l’hôtel à cette heure-ci. J’étais perplexe, que se passait-il ? L’homme insistait lourdement, je me sentais agressé par son acharnement, il frappait encore et encore à la porte. Alors j’entrouvre la porte et j’aperçois un homme torse-nu, les mains pleines de sang.

Je lui demande : « Que voulez-vous ? » Et l’homme me répond : « S’il vous plaît, aidez-moi, j’ai trouvé un homme au bord du chemin, il est gravement blessé, il a besoin d’un lit. »

Son accent étranger, son allure d’escroc, ses mains pleines de sang, tout cela est suspect, je refuse de le laisser entrer.

« Je ne veux pas me mêler de vos règlements de compte, allez trouver un lit ailleurs. »

Mais l’étranger força la porte, il portait un homme dans ses bras.

« Ne le laissez pas mourir, suppliait-il. Je l’ai trouvé au bord du chemin, je lui ai fait des bandages avec mes vêtements, il a besoin de soin et de repos. »

L’homme blessé était inconscient et plein de sang. Je l’ai observé et j’ai répondu à l’étranger :

– Monsieur, il est mort.
– Pas du tout, répondit-il. Il respire encore, il a ouvert les yeux tout à l’heure sur le trajet. Dépêchez-vous de lui trouver un lit, j’ai de quoi vous payer et vous dédommager.

Impossible de discuter avec l’étranger, il ne me laissait pas le choix, il était déjà en train de traverser tout l’hôtel. Je lui montre alors une chambre libre où s’installer à l’étage. Les deux hommes y restèrent enfermés toute la nuit.

Le lendemain, l’étranger vint me voir avec deux pièces d’argent :

« Je vous laisse deux deniers, me dit-il. Prenez bien soin de lui s’il vous plaît. Quant à moi, je dois continuer mon voyage, mais je reviendrai bientôt vous voir et je règlerai les dépenses supplémentaires s’il y en a. »

J’accepte ses deux pièces et je monte aussitôt dans la chambre, voir dans quel état il me l’a laissé.

La victime était allongée, les yeux fermés, immobile. Est-il vraiment vivant ? L’étranger m’aurait-il laissé un mort dans mon hôtel ?

Pour en avoir le cœur net, je m’approche et l’observe attentivement en scrutant le moindre signe de vie. Mais toujours rien. Je tends alors l’oreille vers son visage pour écouter s’il respire.

« Restez où vous êtes ! »

Tout à coup je vis deux soldats romains arriver sur le pas de la porte.

« Le voisinage nous a signalé qu’un étranger est venu chez vous pour cacher un homme mort. Suivez-nous. Nous allons vous interroger. Nous cherchons des brigands qui ont fait plusieurs victimes dans la région. »

Heureusement, je venais juste d’entendre sa respiration, j’avais de quoi leur répondre :

« Messieurs, je n’y suis pour rien, croyez-moi, et il n’est pas mort, il a été agressé lui aussi, c’est une victime, je dois rester là pour le soigner. »

Les soldats me regardèrent moi, puis la victime, allongée sur le lit. Puis ils reprirent :

« Ne quittez pas la ville, nous reviendrons vous interroger. »

La journée passe, le lendemain matin, je monte dans la chambre, j’ouvre la porte, et là : personne. Où est-il passé ? Je descends dans la salle à manger et je trouve notre homme assis, en train de manger du pain. Il me raconte son agression et me remercie de lui avoir porté secours. Je lui raconte alors à mon tour comment il est arrivé là, que je n’y suis pour rien, mais c’est un étranger qui l’a secouru.

Il aurait voulu rester pour attendre son retour et le remercier, mais il devait rejoindre sa famille qui devait s’inquiéter à son sujet. Il a insisté pour me rembourser les frais engagés quand il en aura les moyens, mais je lui ai bien dit que ce n’était pas la peine.

« Tout est déjà payé. »

C’est ce que je lui ai dit, nous nous sommes quittés sur ces paroles : ne vous inquiétez pas, tout est déjà payé, vous ne me devez rien.

///////////

Cette narration est inspirée d’une parabole de Jésus, c’est-à-dire une histoire fictive, racontée pour illustrer une vérité ou un enseignement. On appelle cette histoire : la parabole du bon Samaritain.

Les Samaritains étaient considérés par les Juifs comme des étrangers, issus d’un métissage entre des Juifs et des envahisseurs, les Assyriens notamment. Les Juifs ne les aimaient pas, surtout depuis qu’un groupe de Samaritains avait déposé des ossements humains dans le temple de l’Éternel. C’était un acte de souillure extrêmement grave.

Dans sa parabole, Jésus met en scène un bon Samaritain.

Je vous propose de lire cette histoire dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 10, des versets 25 à 37.

25 Un professeur de la loi se leva et dit à Jésus pour le mettre à l’épreuve: «Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle?»
26 Jésus lui dit: «Qu’est-il écrit dans la loi? Qu’y lis-tu?»
27 Il répondit: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même.»
28 «Tu as bien répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras.» 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: «Et qui est mon prochain?» 30 Jésus reprit la parole et dit: «Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent en le laissant à moitié mort.
31 Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance.
32 De même aussi un Lévite arriva à cet endroit; il le vit et passa à distance.
33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion lorsqu’il le vit.
34 Il s’approcha et banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. 35 Le lendemain, [à son départ,] il sortit deux pièces d’argent, les donna à l’aubergiste et dit: ‘Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le rendrai à mon retour.’
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?» 37 «C’est celui qui a agi avec bonté envers lui», répondit le professeur de la loi. Jésus lui dit [donc]: «Va, et toi, fais de même.»

[1. Le professeur de la loi et Jésus]

On remarque que le point de départ de la parabole est une discussion entre un professeur de la loi et Jésus. Le professeur de la loi est un enseignant de la Torah, un homme reconnu pour ses connaissances dans la société juive. Aujourd’hui, on dirait que c’est un docteur en théologie, quelqu’un qui a beaucoup de diplômes et qui connaît bien la Bible et la religion.

Le narrateur nous apprend qu’il veut piéger Jésus, le mettre à l’épreuve. On sait que Jésus n’était pas apprécié par les hommes religieux, parce qu’il bousculait toutes les traditions. Dans le Nouveau Testament, les partis religieux n’arrêtent pas de comploter contre Jésus, ce qui va le conduire à la croix et à une mort terrible.

J’aime beaucoup ce passage de la Bible car je le trouve assez humoristique. Le professeur de la loi, voulant tester Jésus, lui demande : «Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle?»

On image que la foule attend la réponse de Jésus. Va-t-il encore annoncer une théologie révolutionnaire ?

Jésus lui répond par une question : «Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ?»

Et le professeur répond en citant la Torah : «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même.»

À cela, Jésus répond, je paraphrase : ben voilà, je n’ai rien à ajouter, tu connais la réponse, je te félicite, tu as bien répondu, va, met cela en pratique, et tu auras la vie éternelle.

Le professeur voulait piéger Jésus, mais il se retrouve un peu embarrassé, il pose une question dont il a la réponse. Jésus le félicite même pour cette bonne réponse, en l’invitant maintenant à mettre cela en pratique.

Mais survient une autre question, peut-être pour ne pas paraître trop ridicule devant la foule. Le narrateur précise bien au verset 29 : « Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » »

Cette question présuppose que certaines personnes seraient nos prochains et il faudrait les aimer. Alors que d’autres ne sont pas nos prochains et on ne serait pas obligé de les aimer. Qui est notre prochain ?

[2. Mon prochain et moi]

Jésus raconte alors la parabole. Un homme se fait agressé et dépouillé, il est tellement mal en point qu’il est entre la vie et la mort. Un prêtre passe par là. Remarquez les verbes utilisés au verset 31 :

« Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance. »

D’abord il descend, ensuite il voit, enfin, il passe à distance.

Les prêtres faisaient partie des gens respectables dans la société juive. C’est eux qui enseignaient le peuple et qui offraient les sacrifices à Dieu au nom du peuple.

Pourquoi ce prêtre évite-t-il la victime ? Probablement parce que dans la loi juive, on se rendait impur en touchant un cadavre ou même du sang. Ce n’était pas un péché, mais cela rendait impur. Il fallait ensuite s’abstenir d’aller au temple et faire des rituels de purification.

Un deuxième personnage arrive au verset 32, on peut noter les mêmes verbes.

« De même aussi un Lévite arriva à cet endroit; il le vit et passa à distance. »

Un Lévite était un homme qui faisait partie de la tribu de Lévi, une tribu d’Israël que Dieu avait consacré au service du temple. On peut dire que c’étaient les hommes religieux de l’époque.

Le troisième personnage est le Samaritain. Remarquez les verbes utilisés cette fois-ci aux versets 33 et 34, ils sont différents.

« Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha et banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. »

Contrairement aux autres, le Samaritain arrive près de la victime.
Lorsqu’il le vit, il fut rempli de compassion.
Et lorsqu’il s’approche, c’est pour le soigner.

Il l’amène ensuite dans une auberge pour s’occuper de lui. Et lorsqu’il repart, il le confie à l’aubergiste, en lui donnant deux pièces d’argent, et en promettant de revenir payer les dépenses supplémentaires.

Pour un juif, être aidé par un Samaritain, c’était impensable. Cette population avait mauvaise réputation et mauvaise presse, il fallait les éviter à tout prix. De nos jours, les populations qui ont cette réputation sont par exemple les immigrés ou les gitans. Pour beaucoup de gens, ce sont des personnes à ne pas fréquenter.

Jésus remet en cause tous les a priori en faisant de cet étranger, ce Samaritain, un bienfaiteur.

Jésus interroge ensuite le professeur de la loi : « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? »

Cette question est très intéressante. Souvenez-vous de la question de départ. Le professeur de la loi voulait savoir qui est son prochain, qui doit-il aimer ?

Pour lui, le prochain est donc avant tout considéré comme la personne qui bénéficie d’une aide. Mais Jésus met en scène un prochain qui aide. Au lieu de voir mon prochain comme celui qui a besoin de moi, Jésus m’invite à voir mon prochain comme celui dont j’ai besoin.

Jésus va encore plus loin. Dans la parabole, la victime n’a pas la capacité d’accepter ou de refuser l’aide du Samaritain.  La seule chose qu’il peut faire, c’est se laisser faire. Non seulement il se laisse faire, mais ensuite, il n’a même pas la possibilité de rembourser son bienfaiteur. Et le Samaritain ne demande rien en échange, il n’attend même pas des remerciements, il s’en va incognito.

Le personnage du Samaritain illustre l’amour de Dieu, gratuit, inconditionnel. Un amour qui n’attend rien en retour. Et la victime représente chacun de nous, si nous nous reconnaissons comme des hommes et des femmes dans le besoin.

[Conclusion]

Pour conclure, revenons au tout début du texte, à la question de départ, au verset 25 :

« Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? »

Notez la formulation de la question : que dois-je faire ?

La parabole de Jésus nous enseigne que recevoir la vie éternelle, ce n’est pas une question de faire, mais de se laisser faire.

Lorsque Jésus dit au professeur de la loi : va et fais de même, il ne lui dit pas de faire comme le Samaritain, mais de faire comme l’homme à moitié mort. Il s’est laissé faire. Il s’est laissé soigner par un homme qu’il n’aurait jamais voulu fréquenter en temps normal.

Il n’a pas pu faire autrement que d’accepter la gratuité, la grâce de ce prochain, parce que son état misérable ne lui permettait pas de refuser.

« Va et fais de même », nous dit Jésus. Avant de se demander comment aimer notre prochain, recevons d’abord l’amour de Dieu. C’est en expérimentant cet amour inconditionnel que nous serons capables d’aimer véritablement notre prochain.

Dessin animé vecteur créé par brgfx – fr.freepik.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *