Il ne lâche rien ! (Jonas 4)

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Aujourd’hui nous continuons et terminons notre série de prédications sur le livre du prophète Jonas. Mais j’aimerais commencer par évoquer quelques phrases de Jésus dans l’Évangile selon Matthieu.

À l’étude biblique de Gaubert-Ingré, il y a dix jours, nous avons étudié le début du sermon sur la montagne, avec les béatitudes, où Jésus déclare heureux, notamment, ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle, car le royaume des cieux leur appartient. Heureux aussi ceux qui sont doux et humbles, car ils hériteront de la terre.

Nous avions noté que dans notre monde, habituellement, les pauvres ne reçoivent pas grand-chose. Et ceux qui sont doux et humbles, on a tendance à leur marcher sur les pieds.

Ici-bas, la vie n’est pas toujours facile, et elle l’est encore moins lorsque l’on est faible, pauvre et humble.

Les plus faibles, en plus d’être délaissés, souffrent d’un manque de confiance envers eux-mêmes et envers la société.

Mais dans la logique de Dieu, c’est l’inverse.

L’apôtre Paul déclare que Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes. (1 Co 1.27)

Je vous avoue que ces paroles résonnent d’une manière particulière en moi, car pendant mon enfance, je me suis souvent senti « pas à la hauteur », et cela m’a poursuivi pendant de longues années.

Dans la vision du monde biblique, peu importe que l’on soit faible ou fort, ce qui compte, c’est de laisser Dieu prendre notre vie en main.

Jésus a choisi des hommes ordinaires pour faire partie des apôtres. Plusieurs d’entre eux sont de simples pêcheurs de poisson. Et lorsque l’on observe leurs différentes réactions, ils étaient souvent à côté de la plaque.

En gros, Jésus s’est choisi une équipe loin d’être compétent, mais sa puissance s’est révélée à travers eux et plus tard, ils ont accompli de grandes choses pour la gloire de Dieu.

De même, si l’on regarde les rois et les prophètes que Dieu a choisis, c’est pareil.

Moïse était un homme qui bégayait et manquait de confiance en lui, mais Dieu l’a choisi pour conduire les israélites hors de l’esclavage en Égypte et pour leur donner la loi sur le mont Sinaï.

David était le plus jeune des fils de son père, un simple berger. Pourtant, Dieu l’a choisi pour devenir roi d’Israël et il est devenu l’un des plus grands rois d’Israël, connu pour sa foi et sa musique.

Gédéon était un homme timide et peu sûr de lui, mais Dieu l’a appelé à conduire les israélites à la victoire contre leurs ennemis les Madianites.

Ruth était une étrangère (moabite) et une veuve, mais elle est devenue un exemple de foi et d’obéissance envers Dieu. Elle est également l’arrière-grand-mère du roi David.

Jérémie était un jeune prophète qui se sentait inapte à la mission que Dieu lui avait confiée, mais il est devenu un prophète majeur de l’Ancien Testament.

Là où je veux en venir, c’est que Jonas également, était un prophète particulier avec un esprit assez complexe. Ses réactions sont toujours extrêmes, c’est tout ou rien.

Lorsqu’il ne veut pas obéir à Dieu, il fuit très loin et demande même d’être jeté dans la mer, au risque de mourir.
Lorsqu’il s’engage, il fait de belles prières inspirées des psaumes.
Lorsqu’il obéit, il fait ce que Dieu lui demande.
Et lorsqu’il est irrité, il désire la mort, cela même à plusieurs reprises.

Dans le chapitre 4 que nous allons lire, nous assistons en effet à un dialogue très particulier entre Jonas et Dieu. Jonas désire la mort et Dieu use de pédagogie pour le faire réfléchir.

Mais avant de lire ce dernier chapitre du livre, voici un bref résumé des trois chapitres précédent.

Le livre débute par l’appel de Dieu à Jonas, pour aller prophétiser en dehors d’Israël, à Ninive.

Nous sommes au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, à une période où l’Assyrie faisait régner la terreur dans le Moyen-Orient ancien. Ninive était la capitale de l’Assyrie, ses habitants étaient connus pour être cruels et barbares, ils pratiquaient la torture, la décapitation publique et des sacrifices humains.

Au début du livre, Jonas ne veut pas aller transmettre les messages et les avertissements de Dieu, il fuit donc loin de Ninive, il prend un bateau, mais Dieu fait se lever une tempête.

Les membres de l’équipage font alors appel chacun à leur dieu, mais la tempête ne s’apaise pas. Ils apprennent alors que leur malheur arrive à cause de Jonas, qui leur explique la situation.

Celui-ci tente de fuir loin de son Dieu, le créateur de la mer, du ciel et de la terre. S’ils veulent survivre, il leur propose de le jeter à la mer. C’est ce qu’ils finissent par faire, avec regret.

La tempête se calme, les marins mettent leur foi en Dieu et Jonas se retrouve dans l’eau, en danger de mort.

Au chapitre 2, alors qu’il est proche de la mort, Jonas fait appel à Dieu, et l’Éternel vient à son secours en opérant deux miracles assez spectaculaires. Tout d’abord, il fait venir un grand poisson pour l’avaler, ensuite, il permet à Jonas de survivre 3 jours dans le ventre de ce poisson.

Pendant cette période, Jonas prie encore et décide de se réengager pour servir Dieu.

Au chapitre 3, il parcourt Ninive en transmettant le message suivant de la part de Dieu : « Dans 40 jours, Ninive sera détruite ! »

De manière assez spectaculaire, tous les habitants de la ville se repentent et Dieu renonce au mal dont il les avait menacés.

Voici maintenant la suite (ch. 4) :

1 Jonas le prit très mal et fut irrité.
2 Il pria l’Éternel en disant: «Ah! Éternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays? C’est ce que je voulais éviter en fuyant à Tarsis. En effet, je savais que tu es un Dieu de grâce et de compassion, lent à la colère et riche en bonté, et qui regrettes le mal que tu envoies.
3 Maintenant, Éternel, prends-moi donc la vie, car mourir vaut mieux pour moi que vivre.»

4 L’Éternel répondit: «Fais-tu bien de t’irriter?» 5 Jonas sortit de la ville et s’assit à l’est de la ville. Là il se fit une cabane et s’y tint à l’ombre en attendant de voir ce qui arriverait dans la ville.
6 L’Eternel Dieu fit pousser une plante qui s’éleva au-dessus de Jonas pour donner de l’ombre à sa tête et le délivrer de son mal. Jonas éprouva une grande joie à cause de cette plante,
7 mais le lendemain à l’aurore, Dieu fit venir un ver qui la rongea, et la plante sécha.

8 Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent chaud d’est, et le soleil frappa la tête de Jonas au point qu’il tomba en défaillance. Il demanda la mort en disant: «Il vaut mieux pour moi mourir que vivre.»
9 Dieu dit à Jonas: «Fais-tu bien de t’irriter à cause de la plante?» Il répondit: «Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort.»

10 L’Éternel dit: «Tu as pitié de la plante qui ne t’a coûté aucune peine et que tu n’as pas fait pousser, qui est née une nuit et qui a disparu l’autre nuit,
11 et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de 120’000 êtres humains incapables de distinguer leur droite de leur gauche et un grand nombre d’animaux!»

Ce chapitre 4 commence fort, avec la colère de Jonas.

[1. La colère de Jonas]

Jonas dit enfin ce qu’il pense. C’est seulement dans ce chapitre qu’il révèle le fond de sa pensée. Maintenant qu’il est contrarié au plus haut point, il ose enfin s’exprimer, un peu comme nous, parfois.

Pourquoi est-il en colère ? Parce que les habitants de Ninive se repentent.

Écoutons encore sa réaction :

2 Il pria l’Éternel en disant: «Ah! Éternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays? C’est ce que je voulais éviter en fuyant à Tarsis. En effet, je savais que tu es un Dieu de grâce et de compassion, lent à la colère et riche en bonté, et qui regrettes le mal que tu envoies.
3 Maintenant, Eternel, prends-moi donc la vie, car mourir vaut mieux pour moi que vivre.»

Ce passage est très ironique, car en général, nous sommes en colère lorsque l’on ne nous écoute pas. En tout cas, à la maison, lorsque je demande quelque chose aux enfants à plusieurs reprises et qu’ils font comme s’ils n’avaient rien entendu, cela me fâche.

Pour prendre un exemple plus significatif, nous pouvons penser au prophète Élie, qui a prophétisé en Israël et qui n’a pas été écouté. Il a dit à Dieu vouloir mourir tellement il se sentait seul, incompris, inutile, car il parlait dans le vent.

Ici c’est l’inverse. Jonas est en colère et veut mourir parce que sa proclamation a été entendue, comprise et suivie d’effet.

De même, normalement, les gens se mettent en colère face au mal, ils ne comprennent pas pourquoi Dieu ne met pas les méchants hors d’état de nuire.

Là encore, c’est l’inverse. Jonas est en colère, car le message de Dieu a changé les cœurs des méchants, au point qu’ils se repentent et s’écartent de leurs mauvaises actions.

Comme nous l’avons dit tout à l’heure, les habitants de Ninive étaient les plus grands ennemis d’Israël. Jonas n’accepte pas que son Dieu soit aussi le Dieu des ennemis.

Dans la vision du monde de l’époque, chaque peuple avait son Dieu, et chaque Dieu était là pour protéger son peuple.

Ici, Dieu fait grâce aux ennemis ! Le Dieu d’Israël est aussi le Dieu des païens, c’est impensable pour un juif de l’époque.

Avons-nous des réactions similaires à celles de Jonas ?

À chaque fois que nous avons envie de donner des conseils à Dieu, je pense que nous faisons un peu comme lui.

Y a-t-il des situations où nous disons à Dieu : pourquoi tu n’interviens pas tout de suite ? Pourquoi tu ne réponds pas à ma prière comme je le demande ? Ma prière est pourtant louable. Ma vision de la justice est pourtant justifiée.

L’histoire de Jonas nous apprend que lorsque nous ne comprenons pas le Seigneur, le problème vient de nous et pas de lui…

Nous venons de voir la réaction de Jonas, quelle est la réaction de Dieu ? Il use de pédagogie.

[2. La pédagogie de Dieu]

En général, lorsqu’une personne est en colère à tort, on veut lui répondre et lui dire que sa réaction n’est pas la bonne.

Dieu aurait pu dire à Jonas ses 4 vérités, il aurait pu lui dire qu’il réagit comme un enfant immature. Au lieu de cela, au lieu de se confronter à lui, il l’accompagne.

Il pose une question toute simple à Jonas : « Fais-tu bien de t’irriter ? »

Par cette question, il ouvre le dialogue et il l’invite à réfléchir.

Cette pédagogie de Dieu se retrouve à travers toute la Bible, à commencer par Caïn, fils d’Adam et Eve, qui projetait de tuer son frère par jalousie.

Dieu lui demande en Genèse chapitre 4 verset 6 : « Pourquoi es-tu irrité et pourquoi arbores-tu un air sombre ? »

Le point commun, entre Jonas et Caïn, c’est que leur jalousie les mène à la colère, et la colère leur donne des envies de mort. La colère les ronge de l’intérieur.

Caïn veut tuer son frère, Jonas aurait voulu que Ninive soit jugée, mais comme cela ne va pas arriver, il veut sa propre mort.

Pour accompagner Jonas dans sa réflexion, Dieu fait pousser en un jour une plante qui donne de l’ombre et de la joie à Jonas.

On remarque une fois de plus à quel point Jonas a des émotions fluctuantes, tantôt il est irrité au point de vouloir mourir, tantôt il est joyeux grâce à une plante, un ricin, en l’occurrence.

Mais voilà que Dieu, cette fois-ci, au lieu d’envoyer un gros poisson, envoie un petit ver, afin de détruire la plante. En plus de cela, Dieu envoie aussi un vent chaud, ce qui accélère et exacerbe la réaction de Jonas : une fois de plus, il s’irrite au point de vouloir mourir.

Donc si l’on résume, Jonas est d’abord en colère parce que Dieu n’a pas détruit Ninive, il les a épargnés. Et lorsque Dieu détruit une simple plante, Jonas se fâche.

Dieu veut lui faire comprendre son incohérence. Il éprouve de l’affection pour une plante, mais pas pour des êtres humains. Il aurait voulu que Dieu épargne la plante, mais les habitants de Ninive, il aurait fallu les détruire.

Pour conclure, que retenir de ce dernier chapitre ?

[Conclusion]

Il me semble que la fin du livre de Jonas traite de l’universalité de l’amour de Dieu. Pour nous c’est certainement une évidence, mais cela n’était pas le cas en Israël au temps de Jonas.

Mais plus que l’universalité de l’amour de Dieu, cette fin de livre nous interroge nos personnellement.

Comment Jonas a-t-il réagi ? Nous n’avons pas la fin de l’histoire, ce qui nous renvoie à notre propre réaction.

Au premier chapitre, nous assistons à la conversion des marins. Au chapitre 2, nous assistons au réengagement de Jonas. Au chapitre 3, nous assistons à la repentance de Ninive. Et au chapitre 4, qui change d’attitude ?

Il me semble que l’auteur nous pose la question à nous.

Comme Jonas, avons-nous un problème avec Dieu ? Sachant que Dieu est le Dieu de tous, et donc aussi mon Dieu, comment je réagis à sa main tendue ? Comment je réagis au message de l’Évangile malgré mes incompréhensions ? Malgré ce qui me semble injuste de la part de Dieu ?

Ce chapitre fait écho à un verset bien connu dans nos Églises : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle.

Dieu a bien aimé le monde entier, pas seulement un peuple en particulier, mais le monde entier, donc moi y compris.

Enfin, ce chapitre nous montre que Dieu ne lâche rien, il ne lâche personne.

Le livre de Jonas aurait pu se terminer au chapitre 3, cela aurait été une belle fin.

La mission de Jonas a été un succès, Ninive se repend et Dieu fait grâce, fin de l’histoire.

Mais l’histoire se poursuit, Jonas n’est pas content. Dieu aurait pu lui dire : si tu n’es pas content, tant pis pour toi, au moins Ninive est sauvé. Si tu n’es pas content, c’est ton problème, car c’est toi qui a un problème.

Au lieu de cela, comme depuis le début du livre, Dieu use de tous les moyens pour accompagner Jonas dans sa foi, de la tempête en pleine mer jusqu’au gros poisson. De la plante, au petit ver, sans oublier le vent chaud, Dieu, dans sa grande patience, use de moyens incroyables pour ouvrir les yeux et le cœur de Jonas.

Dieu ne lâche rien, Dieu ne lâche personne, l’Éternel est bien le Dieu tous. Amen

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