Un Jésus américain ? (Jonas 3)

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Récemment j’ai commencé un livre écrit par Peter Scazzero, un pasteur américain, et j’ai été interpellé par une remarque qu’il soulève à propos de l’américanisation.

Il trouve que dans les Églises américaines, trop souvent, on présente un Jésus américanisé. C’est-à-dire, un Jésus superhéros, un Jésus à notre service, pour le bien du monde. Un Jésus qui pardonne nos fautes, qui fait grâce et qui nous protège de toute souffrance.

Un tel Jésus est comparable à Superman. Même si de nos jours, les séries récentes mettent en avant le côté sombre des super héros, on garde une certaine image positive de ces héros. Quand j’étais petit, je pensais que les gentils gagnaient toujours. Selon la Bible, Dieu aura le dernier mot, mais en attendant, durant notre vie terrestre, les gentils peinent parfois à gagner et n’obtiennent pas toujours justice.

Peter Scazzero affirme que la culture américaine s’est propagée dans le monde entier, surtout en Occident. Il n’y a qu’à voir l’influence américaine en France pour constater que nous sommes baignés dans la culture américaine : Google, Amazon, Apple, Uber, Rbnb, Nike, Coca-Cola, les ketchups Heinz, les céréales Kellogg’s, les friandises M and M’s, les yaourts Danone ou Yoplait, les thés Twinnings ou infusions Yogi Tea, etc. Toutes ces marques sont américaines.

En 2017, tous les journaux en ont parlé, les ventes de hamburgers ont dépassé les ventes du jambon beurre ! Il est même servi dans des restaurants gastronomiques  où il dépasse le steak-frites français.

Pourquoi Jésus a-t-il été américanisé ? C’est pour des raisons marketing. Un Jésus superhéros, c’est un produit plus vendeur qu’un Jésus qui nous demande de nous repentir.

Pourtant, la repentance est au cœur de la foi chrétienne selon la Bible. On ne peut pas recevoir le pardon de Dieu sans repentance sincère.

Aujourd’hui, vous le devinez, nous allons parler de repentance à travers le livre de Jonas, que nous avons commencé il y a deux semaines.

Avant de lire le chapitre 3, voici un résumé des deux premiers chapitres.

Le livre débute par l’appel de Dieu à Jonas, chapitre 1 versets 1 à 3 :

1 La parole de l’Éternel fut adressée à Jonas, fils d’Amitthaï:
2 «Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car sa méchanceté est montée jusqu’à moi.»
3 Jonas se leva pour s’enfuir à Tarsis, loin de la présence de l’Éternel.

Au début du livre, Jonas ne veut pas aller transmettre les avertissements de Dieu, car il sait que Dieu est bon, et si les habitants de Ninive se repentent, Dieu va les gracier.

Jonas ne veut pas que Dieu leur accorde sa bonté, puisque ce sont ses ennemis, les ennemis d’Israël.

Ces événements se déroulent vers le VIIIe siècle avant Jésus-Christ, à une période où l’Assyrie faisait régner la terreur dans le Moyen-Orient ancien. Ninive était la capitale de l’Assyrie, ses habitants étaient connus pour être cruels et barbares, ils pratiquaient la torture, la décapitation publique et des sacrifices humains.

Jonas ne veut pas aller prophétiser chez eux pour qu’ils se repentent, il veut qu’ils soient punis.

Il fuit donc loin de Ninive, il prend un bateau, mais Dieu fait se lever une tempête. Les membres de l’équipage font alors appel chacun à leur dieu, mais la tempête ne s’apaise pas. Ils apprennent alors que leur malheur arrive à cause de Jonas, qui leur explique la situation.

Il tente de fuir loin de son Dieu, le créateur de la mer, du ciel et de la terre. S’ils veulent survivre, il leur propose de le jeter à la mer. C’est ce qu’ils finissent par faire, avec regret.

La tempête se calme, les marins mettent leur foi en Dieu et Jonas se retrouve dans l’eau, en danger de mort.

Au chapitre 2, alors qu’il est proche de la mort, Jonas fait appel à Dieu, et celui-ci vient à son secours en opérant deux miracles assez spectaculaires. Tout d’abord, il fait venir un grand poisson pour l’avaler, ensuite, il permet à Jonas de survivre 3 jours dans le ventre de ce poisson.

Pendant cette période, Jonas prie encore et décide de se réengager pour servir Dieu.

Nous arrivons chapitre 3 que je vais lire maintenant :

1 La parole de l’Éternel fut adressée à Jonas une deuxième fois:
2 «Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais-y la proclamation que je t’ordonne.»
3 Jonas se leva et alla à Ninive, conformément à la parole de l’Éternel. Or Ninive était une immense ville: il fallait trois jours de marche pour en faire le tour.
4 Jonas fit d’abord dans la ville une journée de marche; il proclamait: «Dans 40 jours, Ninive sera détruite!»
5 Les habitants de Ninive crurent à Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et s’habillèrent de sacs, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits.
6 Le roi de Ninive apprit la nouvelle. Il se leva de son trône, retira son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre.
7 Et il fit faire dans Ninive cette proclamation: «Par ordre du roi et de ses grands, que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis ne goûtent de rien, ne mangent pas et ne boivent pas d’eau!
8 Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et qu’ils renoncent tous à leur mauvaise conduite et aux actes de violence dont leurs mains sont coupables!
9 Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne reviendra pas sur sa décision, s’il ne renoncera pas à son ardente colère, de sorte que nous ne mourions pas?»
10 Dieu vit ce qu’ils faisaient, il vit qu’ils renonçaient à leur mauvaise conduite. Alors Dieu regretta le mal dont il les avait menacés et ne le fit pas.

Ce chapitre est un chapitre qui parle clairement de repentance.

Commençons par la repentance de Jonas, c’est la plus discrète et la moins crédible, même si elle est probablement sincère.

[1. Jonas, une repentance timide]

Le verset 1 nous donne un détail intéressant : « La parole de l’Eternel fut adressée à Jonas une deuxième fois ».

Si on devait trouver un titre à ce chapitre 3, on pourrait le nommer : Jonas, le retour.

Dieu s’adresse à Jonas une deuxième fois. Cette fois-ci, c’est différent, puisque Jonas est revenu à Dieu. Sa prière au chapitre 2 laisse entendre qu’il va désormais obéir et prophétiser sur Ninive au nom de l’Éternel.

Avons-nous affaire à un nouveau Jonas ?

Oui et non.

Oui, car il obéit. Et non, car il n’a pas l’air très motivé. Le comportement de Jonas est ambigu.

Alors qu’au chapitre 1, il s’enfuit à l’opposé, ici, nous lisons au verset 2 : « Jonas se leva et alla à Ninive, conformément à la parole de l’Éternel. »

Jonas coopère, mais en même temps, c’est mon impression personnelle, il n’a pas l’air si impliqué que ça.

Je suis peut-être influencé par le chapitre 4, où Jonas regrette la repentance des habitants de Ninive et se met en colère contre Dieu, nous le verrons la semaine prochaine.

Voici comment Jonas prophétise ici, versets 3 et 4 : « Or Ninive était une immense ville: il fallait trois jours de marche pour en faire le tour. 4 Jonas fit d’abord dans la ville une journée de marche; il proclamait: «Dans 40 jours, Ninive sera détruite! »

L’auteur nous décrit l’action de Jonas de manière très succincte, comme s’il faisait le minimum syndical. Il fait ce que Dieu lui demande, sans plus. Il prononce juste une phrase à répétition : «Dans 40 jours, Ninive sera détruite ! »

On ne perçoit pas de conviction, pas d’émotion, pas d’insistance, pas de vie, il fait ce qu’il faut faire et c’est tout.

À vrai dire, le personnage de Jonas est très complexe dans ce livre, et il devait l’être en réalité.

C’est quelqu’un qui a défié Dieu, qui a voulu s’enfuir loin de Dieu tout en sachant qu’il ne pouvait pas fuir Dieu. Il a demandé qu’on le jette à la mer, comme s’il n’avait pas conscience du danger certain. Était-il dépressif ? Était-il conscient ? ON ne sait pas vraiment.

Quoi qu’il en soit, il manifeste un changement face à la mort. Sa prière dans le ventre du poisson marque un tournant, il se réengage.

Mais dès qu’il est de nouveau en scène, il ne montre aucune motivation, et au chapitre 4, il va encore vouloir mourir.

Les émotions de Jonas, ainsi que son comportement sont très lunatiques. Tantôt il veut mourir, tantôt il veut vivre et obéit à Dieu, tantôt il regrette ce qu’il vient de faire et veut à nouveau mourir.

Son parcours peut nous rappeler notre vie, où nous pouvons avoir des hauts et des bas dans notre relation avec Dieu et dans notre moral.

Certaines personnes ont des personnalités plus changeantes que d’autres.

Et pourtant, Dieu l’a appelé pour être prophète.

Nous aimons bien lorsque les choses sont claires, lorsque le gentil est vraiment gentil, que le méchant est vraiment méchant, et que le croyant soit vraiment croyant.

Mais le prophète Jonas nous montre que l’être humain est plus complexe que cela. Dans ce livre où l’Éternel semble se montrer comme un Dieu juge et un Dieu en colère, on voit aussi Dieu accompagner Jonas dans la complexité de sa foi et de sa personne.

Il agit de même avec nous. Malgré nos faiblesses, nos changements, nos luttes intérieures, nos doutes, notre complexité psychologique, Dieu continue de nous appeler et de faire preuve de pédagogie. Il nous laisse toujours la possibilité de repartir à zéro.

Passons maintenant aux habitants de Ninive.

Suite à la prédication de Jonas, ils se repentante de manière totale.

[2. Ninive, une repentance extrême]

De manière étonnante, les quelques paroles de Jonas prononcées dans trop de motivation font effet.

Le roi, les habitants et même les animaux s’humilient devant Dieu. Le texte dit qu’ils crurent, ils se repentent, ils changent de comportement, ils se couvrent de sacs, font une jeûne et s’assoient par terre dans la cendre.

À l’époque, ces rituels manifestaient le deuil ou l’affliction. Ils sont tristes comme s’ils étaient en deuil, mais leur tristesse vient de leur péché. Ils comprennent qu’ils ont mal agi devant Dieu, ils ont été méchants, alors ils s’humilient.

Je qualifie leur repentance d’extrême, car même en Israël à l’époque, on ne trouve pas une repentance de cette ampleur.

Lorsque l’être humain veut se faire pardonner, en général, il demande pardon, il essaye de réparer sa faute, et il fait un cadeau pour montrer ses regrets. Les sacrifices sont souvent pratiqués pour demander pardon.

Ici, les habitants de Ninive ne font pas de sacrifice, la seule chose qu’ils font, c’est de s’affliger et s’humilier. Devant leur faute, devant l’Éternel, ils savent qu’ils ne peuvent pas offrir quoi que ce soit à Dieu pour recevoir le pardon. La seule chose qu’ils ont à faire, c’est de s’attendre à sa grâce, ils ne peuvent rien faire d’autre.

Ce qui m’interpelle, c’est le message de Jonas. Comment, avec un tel message, a-t-il réussi à produire autant d’effet ?

« Dans 40 jours, Ninive sera détruite! »

Dans ce message, il n’y a même pas d’appel à la repentance.

Dans notre Église, nous aimerions bien que le message de l’Évangile soit proclamé de manière efficace et nous aimerions bien que ce message soit entendu et produit d’effets. Nous aimerions bien voir des gens se tourner vers Dieu, pour qu’ils connaissent la joie et la liberté en Jésus.

Que dire à nos contemporains pour les amener à Jésus ?

De manière étonnante, c’est un message sévère qui a amené Ninive à se convertir.

Quelle est donc la solution ? Faut-il menacer les gens du jugement ? Faut-il instrumentaliser la peur ?

Non, je pense qu’il faut juste dire le message en entier, de manière intacte, sans dilution, et ne pas avoir peur de ce que les gens vont penser.

Jonas était totalement indifférent par rapport à l’opinion de ses auditeurs, il a fait ce que Dieu lui a demandé de faire. Ce n’est pas lui qui a converti Ninive, c’est Dieu et son message.

En gros, ne prêchons pas le Jésus américanisé, prêchons le Jésus des Évangiles qui pardonne nos fautes par grâce, sans oublier de dire la nécessité de la repentance, de la reconnaissance de notre péché.

Passons maintenant au troisième et dernier point :

[3. Dieu, une repentance surprenante]

La repentance de Dieu nous surprend, car il est dit au verset 10 : « Dieu regretta le mal dont il les avait menacés et ne le fit pas. »

Arrive-t-il à Dieu de regretter ses projets ?

Dieu nous avons affaire à un Dieu qui change d’avis et de plan, pouvons-nous lui faire confiance ?

La repentance de Dieu n’est pas la même repentance que la nôtre. Pour l’être humain, c’est la repentance face au péché. La repentance c’est la prise de conscience de nos fautes, c’est les regretter, c’est changer d’attitude suite à une remise en question.

La repentance de Dieu, c’est un revirement dans son jugement.

Il avait prévu de juger Ninive, mais il leur fait grâce, c’est un revirement que rien ne justifie à part sa grâce et l’œuvre de Jésus plus tard.

En effet, si Dieu pardonne les fautes, c’est parce qu’il a déjà prévu dans son plan que Jésus prendrait les fautes de l’humanité sur lui. Dans l’Ancien Testament, c’est par anticipation que Dieu pardonne déjà.

Ce changement de plan de Dieu nous surprend, mais il n’est pas si surprenant, car Ninive a bien compris que c’était une issue possible. Je ne dis pas que c’était une issue certaine, mais possible.

La preuve : pourquoi Dieu a-t-il laissé un délai de 40 jours ?

Pourquoi Jonas n’a-t-il pas prophétisé : « Dès ce soir Ninive sera détruite! » ?

Pourquoi laisse 40 jours de délais entre la sentence et son accomplissement ?

C’est pour laisser une porte de sortie, c’est pour laisser un délai supplémentaire à Ninive, afin que ses habitants se repentent.

Cette porte de sortie était bien prévue, cette possibilité de gracier la ville faisait partie de son plan.

Aujourd’hui Dieu laisse à chacun encore un délai. Jusqu’à notre mort, la repentance est encore possible. Le pardon peut encore être accordé.

Finalement, le message de Jonas était une bonne nouvelle : « Dans 40 jours, Ninive sera détruite! » Seulement dans 40 jours, d’ici là, vous pouvez encore vous repentir.

[Conclusion]

Pour conclure, vous l’avez compris, ce chapitre nous invite à nous repentir de nos fautes, mais nous avons du mal à le faire, pourquoi ? Parce que nous ressemblons parfois aux israélites.

À votre avis, pour qui le livre de Jonas a-t-il été écrit ? Ce n’est pas pour les habitants de Ninive, c’est pour le peuple d’Israël.

À cette époque déjà, le peuple de Dieu se détournait de lui. Ils se sont mélangés aux autres peuples malgré l’interdiction de Dieu, et la conséquence, c’est qu’ils ont adopté d’autres dieux. Ils se sont détournés de l’Éternel et ils ont commis des injustices.

Mais comme ils se considéraient comme le peuple de Dieu, ils se croyaient bénis, ils se croyaient protégés.

Par cette histoire de la repentance de Ninive, Dieu leur montre que même les peuples païens font mieux qu’Israël.

Cela me rappelle une parole de Jésus en Matthieu chapitre 8 verset 10. Un officier romain, non juif, demande de l’aide à Jésus, et dans la conversation, voyant sa foi, voici ce que Jésus déclare : Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.

C’est exactement le message de Jonas pour Israël : à Ninive, peuple méchant et barbare, on trouve une repentance et une conversion plus grande qu’en Israël.

Ce message nous interpelle aussi, nous, protestants évangéliques, qui déclarons souvent avoir la vérité et de fait, nous sommes sauvés.

Nous ne possédons pas la vérité, c’est Dieu qui la possède. Cette vérité, nous ne faisons que la recevoir, et nous en sommes responsables. Parfois, nous comprenons mal cette vérité, cela devrait nous mener à l’humilité.

Et cette vérité, sans repentance, elle est vaine.

Sachons nous reconnaître petits et pécheurs devant Dieu, c’est cela la vérité. Et sachons nous repentir sincèrement. Et la grâce de Dieu, manifesté en Jésus, sera notre secours. Tant qu’il y a de la vie, il y a une possibilité de repartir à zéro avec Dieu.

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