Pris de compassion (Luc 7.11-17)

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Avez-vous déjà eu de la compassion pour une personne en difficulté ? Difficulté financière, difficulté affective, physique ou autre… Je pense qu’autour de nous, dans notre pays et dans le monde, il ne manque pas de pauvre, de malade ou de gens tristes. Que fait Dieu face à la misère ?

C’est souvent une question que l’on se pose et que l’on nous pose. Si Dieu est tout-puissant, pourquoi ne règle-t-il pas le problème des guerres ou de la famine dans le monde par exemple ?

Le sujet est très vaste et je n’ai pas toutes les réponses. Je vous propose juste de lire un texte qui peut apporter un début d’éclairage. C’est un passage assez court des Évangiles,  un texte qui parle de la compassion de Jésus, dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 7, versets 11 à 17.

Ce texte suit le passage que nous avons lu il y a quelques semaines où Jésus admire la foi d’un officier romain et guérit son serviteur qui était mourant.

11 Le jour suivant, Jésus alla dans une ville appelée Naïn; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui.
12 Lorsqu’il fut près de la porte de la ville, voici qu’on portait en terre un mort, fils unique de sa mère qui était veuve; beaucoup d’habitants de la ville l’accompagnaient.
13 En voyant la femme, le Seigneur fut rempli de compassion pour elle et lui dit: «Ne pleure pas!»
14 Il s’approcha et toucha le cercueil; ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit: «Jeune homme, je te le dis, lève-toi!»
15 Et le mort s’assit et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère.
16 Tous furent saisis de crainte et ils rendaient gloire à Dieu en disant: «Un grand prophète a surgi parmi nous» et: «Dieu a visité son peuple.»
17 Cette déclaration sur Jésus se propagea dans toute la Judée et dans toute la région.

Dans ce passage, deux cortèges se rencontrent. D’un côté, Jésus et ses disciples, et de l’autre, la veuve avec le cercueil de son fils. Que se passe-t-il lorsque cette rencontre a lieu ?

Avant d’évoquer la rencontre, le texte insiste d’abord sur le malheur de la veuve. La phrase est redondante au verset 12 : « voici qu’on portait en terre un mort, fils unique de sa mère qui était veuve ».

L’auteur aurait pu écrire : « on portait en terre un mort, il était fils unique d’une veuve ».

Au lieu de cela, l’auteur précise qu’il est fils unique de sa mère qui était veuve. Un accent sur mis sur la situation misérable de cette femme. Non seulement c’est une épouse qui a perdu son mari, mais maintenant, elle est aussi une mère qui a perdu son seul fils.

À cette situation éprouvante se rajoute la pauvreté. Cette femme n’avait maintenant plus aucun moyen de subsistance. Dans cette société, il n’y avait pas d’assurance, pas de RSA, pas d’APL ni de sécurité sociale. Les femmes seules avaient un statut très précaire, car c’étaient surtout les hommes qui se chargeaient de pourvoir matériellement aux besoins de la famille.

Cette femme allait certainement se retrouver à la rue.

En la voyant, Jésus fut rempli de compassion pour elle. Ce verbe : « être rempli de compassion » est très fort en grec. On pourrait aussi traduire: « il fut saisi par ses entrailles ».

Le texte ne dit pas que Jésus a eu compassion d’elle, c’est plus fort que cela. C’est la compassion qui s’est imposée à lui. Verset 13 : « en la voyant, il fut rempli de compassion pour elle ». C’était plus fort que lui.

Certains spécialistes pensent que si Jésus était si ému, c’est parce qu’il aurait perdu son père vers l’âge de 12 ans, et il sait ce que représente la détresse d’une veuve.

En effet, après l’épisode où Jésus enseigne dans le temple à 12 ans, il n’est plus jamais mention de Joseph, son père, alors que les Évangiles nous parlent encore de Marie, sa mère.

Le décès de son père est donc une hypothèse parmi d’autres.

Quoi qu’il en soit, de manière plus générale, Dieu a souvent manifesté son attention envers les personnes démunies. Dans l’Ancien Testament, Dieu demande sans cesse à son peuple de prendre soin de la veuve, de l’orphelin et de l’immigré. Par exemple :

Deutéronome 10.18 : « Il fait droit à l’orphelin et à la veuve, il aime l’étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements ».

Psaume 82.3 : « Rendez justice au faible et à l’orphelin, Faites droit au malheureux et au pauvre ».

Esaïe 1.17 : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, Protégez l’opprimé; Faites droit à l’orphelin, Défendez la veuve ».

Et même dans le Nouveau Testament en Jacques 1.27 : « La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions ».

De tout temps, ces catégories de personnes existent dans la société et se trouvent dans des situations précaires.

Revenons à notre texte. Jésus est extrêmement bouleversé en voyant la détresse de cette femme. Sa compassion le pousse à agir en sa faveur. Il opère un miracle, une résurrection.

Ce qui est marquant, quand on lit ce texte à la suite du passage précédant, c’est de voir qu’ici, Jésus agit non pas en vertu de la foi de quelqu’un, mais il agit parce qu’il a compassion.

Dans le passage précédant, un officier romain envoie des gens demander à Jésus de guérir son serviteur. Jésus voit la foi de cet officier et il guérit le serviteur. La foi est explicitement mise en lien avec la guérison.

Dans d’autres textes des Évangiles, par exemple dans l’Évangile selon Marc au chapitre 10, un aveugle demande la guérison et Jésus lui dit : « vas, ta foi ta sauvé ».

D’après ce genre de texte, on pourrait en déduire que Jésus guérit les maladies si on le lui demande avec foi. Mais cette manière de voir les choses me dérange un peu.

Que se passe-t-il s’il n’y a pas de guérison ? Cela voudrait-il dire que la personne qui demande n’a pas assez de foi ? Et s’il y a guérison, pourrait-on se glorifier d’avoir eu assez de foi ? La foi n’est-elle pas aussi une grâce, un cadeau ?

Je suis convaincu que Dieu a le pouvoir de guérir les malades et il est légitime de prier pour eux. Mais lui seul a le dernier mot. Ne cherchons pas à tout prix des règles, comme si nous pouvions obliger Dieu à agir en notre faveur si nous avons appliqué la bonne méthode et avec assez de foi.

Dans notre texte, Jésus ne reçoit aucune demande. Il voit la femme, il est bouleversé, il est rempli de compassion et il agit en sa faveur. Rien n’est dit sur la foi de la femme, ce miracle est une pure grâce qui découle non pas d’une quelconque foi, mais de la compassion de Jésus.

Ce passage met l’accent sur la compassion de Jésus et la grâce qui en découle.

Si Dieu fait grâce, ce n’est pas parce que nous avons fait quoi que ce soit pour le mériter, c’est parce qu’il a compassion de nous.

L’apôtre Paul le précise clairement dans sa lettre aux Éphésiens, chapitre 2 verset 8 : « En effet, c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. »

C’est Dieu qui fait grâce, il nous a aimés le premier, il a compassion de nous.

Ce texte sur la résurrection du fils peut nous questionner de manière plus large. Si Jésus a le pouvoir de soulager nos détresses, en guérissant des maladies ou en ressuscitant des êtres chers, pourquoi ne le fait-il pas plus souvent ?

Je vais vous répondre franchement : je ne sais pas.

Ce que je peux dire c’est que lui seul est maître de ses décisions. Et rappelons-nous que les maladies et la mort corporelle ne sont que des symptômes d’un mal bien plus grave, la séparation avec Dieu.

La plus grande détresse de ce monde, c’est d’être séparé de Dieu.

La Bible nous dit que Dieu traite ce problème en profondeur. Il fait plus que soigner les symptômes, il s’attaque à l’origine du mal.

Imaginez que la toiture de votre maison soit défaillante et laisse passer l’eau de la pluie. Imaginez que pour régler ce problème, après chaque pluie, vous épongez les flaques dans votre maison. Est-ce vraiment la bonne solution ?

Le vrai problème, n’est-ce pas plutôt le trou dans la toiture ?

Eh bien, le vrai problème de l’humanité, c’est qu’il s’est coupé de sa relation avec Dieu, il s’est éloigné de lui. Mais Dieu a tout fait pour réconcilier l’humanité avec lui.

Pour cela, il fallait un médiateur, un intermédiaire, un homme qui puisse représenter l’humanité devant Dieu et qui soit aussi agréé par Dieu. Seul Jésus correspond à ces caractéristiques. Seul Jésus est assez saint pour se tenir dans la présence de Dieu en notre nom.

Grâce à lui, nous pouvons être réconciliés avec lui.

L’humanité reste cependant fragile face à la maladie et à la mort car nous sommes soumis à la fragilité de ce monde, mais nous avons cette espérance que la mort n’a pas le dernier mot, car Dieu nous promet une nouvelle terre, des nouveaux cieux, et une nouvelle vie pour tous ceux qui auront accepté ce cadeau de Dieu.

En attendant, il est vrai que nous vivons dans un monde rempli de détresse, mais nous ne pouvons pas accuser Dieu de ne rien faire. Cette réconciliation dont je viens de parler, Jésus en a payé le prix. Il a été rejeté par le monde et crucifié comme un criminel.

Dieu se préoccupe de l’humanité et il l’a payé cher. De plus, il nous appelle à prendre soin de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger. Il nous appelle à avoir la même compassion que lui.

Finalement, nous pourrions retourner la question à ceux qui vivent dans des pays riches, et nous en faisons partie. Nous qui avons la possibilité de soulager les pauvres, que faisons-nous avec les moyens que Dieu nous a donnés ?

Une fois, une personne m’a demandé pourquoi Dieu ne faisait rien pour les pauvres qui mourraient de faim, et au cours de la conversation, elle en est venue à me parler de mère Teresa, comme quoi elle avait beaucoup d’admiration pour ce qu’elle a fait en faveur des pauvres.

Ce que je trouve un peu paradoxal, c’est que les gens peuvent avoir beaucoup d’admiration pour ceux qui aident les autres, tout en restant passifs face à la pauvreté.

Dans les Évangiles, Jésus se préoccupe sans cesse des plus faibles et même des pécheurs. Il se préoccupe de chacun de nous. Soyons assurés que Dieu est rempli de compassion pour nous et son amour ne doit pas nous laisser passifs.

Pour conclure, regardons la fin du texte et intéressons-nous à la réaction de la foule au verset 16 :

[Conclusion]

« Tous furent saisis de crainte et ils rendaient gloire à Dieu. »

Pourquoi la crainte ?

Mettons-nous un instant à leur place. Imaginez-vous à un enterrement. Vous êtes présent aux côtés de la famille, vous vous joignez à sa peine. Et tout à coup, le défunt ouvre les yeux, s’assoit et se met à parler !

À l’époque les cercueils n’étaient pas fermés, c’est pour cela que le mort a pu se mettre assis si rapidement.

Si nous étions dans la foule, je pense qu’avant d’être dans la joie, nous aurions bien peur.

Mais après la crainte, la foule rend gloire à Dieu en disant :

«Un grand prophète a surgi parmi nous» et: «Dieu a visité son peuple.»

Nous ne savons pas qui de la foule a vraiment suivi Jésus par la suite. Mais nous pouvons nous poser la question pour nous.

Et nous, considérons-nous Jésus comme un grand prophète ? Comme étant la manifestation de Dieu parmi nous ?

Ce texte nous enseigne deux choses en particulier.

Premièrement, il nous invite à voir en Jésus l’envoyé de Dieu, rempli de compassion pour l’humanité.

Il peut nous arriver de douter de cela. Personnellement, la question effleure parfois mon esprit. Lorsque nous voyons tant de souffrance dans ce monde, tant d’injustice, tant de victimes. Lorsque nous vivons nous-mêmes une détresse et que Dieu nous semble absent ou lointain.

Ce texte nous invite à ne pas douter de l’amour de Dieu. Il est venu dans le monde et il a souffert pour nous, afin de nous offrir la vie dans l’éternité.

Ensuite, ce texte nous invite à ne pas rester indifférents face à ce Jésus qui sait faire preuve de compassion. Mettons notre foi en lui, comptons sur lui, et ayons la même compassion que lui.

Il nous appelle à être ses représentants sur terre, à avoir compassion de la veuve, de l’orphelin, du pauvre et de l’étranger. Il s’agit d’une compassion qui ne se limite pas seulement à offrir des choses matérielles, mais qui témoigne aussi de la bonté de Dieu et de sa grâce.

Que la compassion du Christ nous touche et nous transforme, qu’il nous rendre aussi bienveillants envers le prochain qui se trouve près de nous.

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