Un exemple de foi déconcertant (Luc 7.1-10)

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Jésus avait tendance à dire des paroles-chocs, des paroles pas agréables à entendre. Assez souvent, il ne prenait pas de gants, il ne tournait pas autour du pot.

De nos jours on a tendance à enrober nos paroles pour qu’elles soient plus acceptables. La société est très sensible à la moindre parole qui peut être mal interprétée. Il suffit de suivre l’actualité, dès qu’une célébrité ou une personnalité politique prend la parole, chaque parole est scrutée et peut faire l’objet de scandale. Les médias et les réseaux sociaux, où le citoyen lambda peut s’exprimer, accentuent ce phénomène.

Les paroles trop directes, trop percutantes, sont difficiles à entendre.

C’est au point où dans certains pays, les instituteurs et institutrices ont des consignes particulières à ce sujet. Par exemple : lorsqu’un instituteur corrige un devoir ou un contrôle et qu’il émet une critique sur le travail d’un élève, il est obligé de faire aussi 3 éloges. Une critique : 3 éloges, 2 critiques : 6 éloges.

Nous vivons dans une culture où l’on a souvent du mal à se remettre en question lorsque quelqu’un met le doigt sur des choses qui ne vont pas.

Mais à travers la Bible, Dieu met sans cesse le doigt sur des choses qui ne vont pas dans le monde et dans le cœur humain, et la plupart du temps il n’enrobe pas ce qu’il dit. Cependant, à force de lire la Bible, si vous êtes un lecteur régulier, il arrive que l’effet « électro-choc » des paroles de Jésus puisse perdre de son efficacité.

Le texte que nous allons lire dans quelques instants est un texte assez connu pour ceux qui sont familiers avec la Bible. Et en le lisant pour le méditer, j’ai remarqué quelque chose qui ne m’avait pas forcément frappé jusqu’à récemment. Je me suis dit : « tient, finalement Jésus dit quelque chose de choquant à ses auditeurs, il est en train de leur faire des reproches sévères. »

C’est un texte qui se trouve dans l’Évangile selon Luc, chapitre 7, versets 1 à 10. Nous continuons notre série de prédications sur l’Évangile selon Luc.

1 Après avoir prononcé toutes ces paroles devant le peuple qui l’écoutait, Jésus entra dans Capernaüm.
2 Un officier romain avait un esclave auquel il était très attaché et qui était malade, sur le point de mourir.
3 Il entendit parler de Jésus et il lui envoya quelques anciens des Juifs pour lui demander de venir guérir son esclave.
4 Ils arrivèrent vers Jésus et le supplièrent avec insistance, disant: «Il mérite que tu lui accordes cela,
5, car il aime notre nation et c’est lui qui a fait construire notre synagogue.»

6 Jésus partit avec eux. Il n’était plus très loin de la maison quand l’officier envoya des amis pour lui dire: «Seigneur, ne prends pas tant de peine, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.
7 C’est aussi pour cela que je n’ai pas jugé bon d’aller en personne vers toi. Mais dis un mot et mon serviteur sera guéri.
8 En effet, moi aussi je suis un homme soumis à des supérieurs et j’ai des soldats sous mes ordres; je dis à l’un: ‘Pars!’ et il part, à un autre: ‘Viens!’ et il vient, et à mon esclave: ‘Fais ceci!’ et il le fait.»
9 Lorsque Jésus entendit ces paroles, il admira l’officier et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit: «Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»
10 De retour à la maison, les personnes envoyées par l’officier trouvèrent l’esclave en bonne santé.

[1. Une parole-choc]

Avez-vous remarqué cette parole-choc de Jésus ? Il parle à des juifs qui faisaient partie du Conseil des Anciens. Les termes employés désignent très probablement des membres du sanhédrin, l’Assemblée législative juive, des gens haut placés.

Et que dit-il à ces juifs ainsi qu’à toute la foule ? Il parle d’un officier romain et il dit au verset 9 : «Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»

Israël était pourtant le pays et le peuple à qui Dieu s’est spécialement révélé !

Abraham, Isaac et Jacob sont les ancêtres du peuple d’Israël. C’est ce peuple à qui Dieu a envoyé des prophètes, à qui il a donné la Torah. C’est ce peuple qui est censé le mieux connaître Dieu.

Et Jésus leur dit : « même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»

Jésus aurait très bien pu dire : « Que sa foi est grande ! » Il aurait pu dire : « J’ai rarement vu une aussi grande foi. »

Mais au lieu de cela, il mentionne délibérément Israël : « Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi. »

Son intention n’était peut-être pas de critiquer Israël. Il a probablement parlé d’Israël juste parce que c’était là où il était censé trouver beaucoup de foi, et en voyant celle du Romain, il a été stupéfait.

Mais même si l’intention de Jésus n’était pas de critiquer, quel effet ses paroles ont-elles eu sur les juifs ?

À mon avis, ils ont dû prendre cela comme une claque !

Il faut aussi savoir que les Romains étaient les occupants d’Israël. Les Israélites ont été vaincus par les Romains, ils étaient sous leur domination. Les juifs qui travaillaient pour les Romains, comme les collecteurs de taxes,  étaient considérés comme des collabos et des pécheurs.

Même si l’officier romain de notre texte était gentil et aimable envers les juifs, cela ne devait pas être facile d’entendre cette parole de la bouche de Jésus : « même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»

En quoi cet officier avait une grande foi ?

[2. Une grande foi]

Revenons au début du texte.

L’officier romain avait un esclave auquel il était très attaché. Il s’agit probablement d’un serviteur, un domestique. L’esclavage dans l’Empire romain n’était pas le même que celui qui a été pratiqué à partir du XVe siècle avec la traite des noirs.

Par exemple, l’esclave dont il est question dans le texte était certainement un esclave de ville. Ces esclaves étaient souvent proches des familles et certains étaient même considérés comme des membres de la famille.

En tout cas, l’officier est très attaché à son serviteur qui est mourant. Il entend parler de Jésus et il envoie des anciens du peuple juif pour lui demander de guérir son esclave.

Ces anciens supplient Jésus en mettant en avant ses mérites aux versets 4 et 5 : «Il mérite que tu lui accordes cela, car il aime notre nation et c’est lui qui a fait construire notre synagogue.»

Si l’on tient compte du texte dans son ensemble, il me semble que ces arguments ne viennent pas de l’officier, mais des anciens.

Il est intéressant de voir ces arguments. Ils mettent en avant les qualités de l’officier, son amour pour le peuple et ses bonnes œuvres. C’est ce qui peut être visible de l’extérieur. D’un point de vue humain, il est tout à fait naturel qu’un tel homme mérite les faveurs de Dieu.

De nos jours, on pourrait le comparer à un citoyen qui fait le bien autour de lui, qui fait des dons à des associations humanitaires, qui prend soin des personnes dans le besoin. Un citoyen riche, mais qui se soucie du sort des pauvres, des immigrés et des personnes fragiles.

Pour les religieux juifs, ce genre d’homme mérite d’être exaucé.

Le texte ne mentionne aucune réaction de la part de Jésus, à part qu’il se met en route.

Et voilà qu’une autre délégation envoyée par l’officier arrive pour transmettre un autre message à Jésus, verset 6 :

«Seigneur, ne prends pas tant de peine, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.
7 C’est aussi pour cela que je n’ai pas jugé bon d’aller en personne vers toi. Mais dis un mot et mon serviteur sera guéri. 8 En effet, moi aussi je suis un homme soumis à des supérieurs et j’ai des soldats sous mes ordres; je dis à l’un: ‘Pars!’ et il part, à un autre: ‘Viens!’ et il vient, et à mon esclave: ‘Fais ceci!’ et il le fait.»

Je trouve que l’officier fait preuve d’une grande humilité. Il aurait pu faire valoir ses mérites. Il aurait pu montrer à Jésus à quel point il est quelqu’un de bien. Il aurait pu dire :

« Jésus, regarde tout ce que j’ai fait pour les juifs. Regarde tout le bien que je procure autour de moi. Regarde mon esclave malade. C’est mon esclave et pourtant j’y suis attaché. Je te demande de le guérir, ce n’est pas pour moi, mais pour lui. »

Au lieu de cela, l’officier ne mentionne jamais les raisons pour lesquelles Jésus devrait guérir son esclave.

L’officier ne parle pas de lui, mais il parle de Jésus. En fait il parle de lui, mais c’est pour parler de Jésus.

Ses paroles montrent qu’il voit en Jésus un homme qui a autorité sur la maladie.

Tout comme lui peut donner des ordres à ses hommes, et ils s’exécutent, Jésus peut simplement dire un mot et l’esclave peut guérir.

L’officier, qui possédait une certaine autorité militaire, était complètement impuissant face à la maladie. Il a vu en Jésus un homme puissant et capable de guérir. Un homme capable de donner vie à celui qui est destiné à la mort.

Plus encore, malgré toutes ses qualités et ses mérites, l’officier ne se sentait pas digne de recevoir Jésus chez lui. Il voyait en lui une trop grande sainteté.

Ce texte nous rappelle que face à la mort, nous sommes tous impuissants. L’officier était un homme influent, un homme puissant, un homme riche, un homme bien. Mais rien de cela ne lui permet de vaincre la mort. Cela nous appelle à l’humilité, la même humilité que l’officier romain.

Lorsque Jésus entendit ses quelques paroles, il l’admira. Et se tournant vers la foule qui le suivait, il dit: «Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.»

Et à leur retour à la maison, l’esclave était guéri.

Ce texte ne parle pas avant tout de guérison, mais de foi. La foi, c’est voir en Jésus un être saint, un envoyé de Dieu capable de vaincre la mort. Et c’est aussi se reconnaître petit devant lui, indigne d’être en sa présence tellement il est saint et puissant.

[3. Une sainteté et une puissance extraordinaires]

L’officier a reconnu que Jésus, en disant un seul mot, pouvait guérir. Luc, qui nous relate ces évènements, ne prend même pas le soin de nous dire quel mot Jésus a prononcé pour guérir le serviteur. On ne sait même pas si Jésus a prononcé un mot. C’est pour dire la puissance de Jésus. Un seul mot, voire aucun mot de sa part, peut vaincre la mort.

Et nous, avons-nous conscience que nous ne méritons rien ? Que nos mérites ne sont rien devant la sainteté de Jésus ? Que nos richesses et notre pouvoir ne sont rien devant la grandeur du Seigneur ?

Les juifs de notre texte, qui connaissaient pourtant bien la Torah, n’en avaient pas entièrement conscience. Ils viennent à Jésus en pensant qu’avec leurs arguments ils pourront obtenir une guérison.

Mais ce n’est pas par des arguments que l’on obtient des choses de Dieu. Nous ne méritons pas d’obtenir quoi que ce soit de sa part. Nous ne méritons même pas de servir Jésus. Lorsque Jean le baptiste parlait de Jésus, il disait : « je ne suis pas digne de détacher la courroie de ses sandales » (Jean 1.27).

Et c’est alors que nous reconnaissons cette indignité que Jésus nous relève et nous dit : « reçois ma grâce et suis-moi ».

Jésus a fait de l’officier romain un exemple de foi inattendu, car il ne correspond pas à l’image que l’on se faisait du bon croyant. Il ne faisait pas partie du peuple juif et n’allait pas à la synagogue.

Cela a de quoi nous remettre en question. En tant qu’Église, nous faisons partie du peuple de Dieu, mais nous avons toujours des choses à apprendre sur la foi.

[Conclusion]

Pour conclure, je pense que ce passage devrait aussi nous faire un effet « électro-choc ».

Pensons-nous être dignes de servir Jésus ?

Pensons-nous mériter quoi que ce soit de sa part ?

Pensons-nous qu’il y a des méthodes pour obtenir la guérison d’une maladie ?

Pensons-nous que notre famille d’Église est la seule où l’on trouve des gens qui ont la foi ?

Pensons-nous que si nous avons les bonnes compétences ou les bons arguments, nous méritons d’être plus écoutés ?

Cela fait beaucoup de questions à méditer.

Dans ce texte, la foi va de pair avec l’humilité. Pas seulement l’humilité devant Dieu, mais aussi devant tous, dans nos relations les uns avec les autres. Car si nous comprenons que seul Dieu est saint, que seul Dieu est parfaitement bon, que seul Dieu est puissant, alors nous comprenons aussi que sans Dieu, nous ne sommes que des êtres humains, petits et démunis.

Revêtons alors l’attitude humble de l’officier romain. Reconnaissons en Jésus celui qui peut nous donner la vie malgré la mort, le Tout-Puissant, l’envoyé de Dieu tellement saint que nous ne méritons pas d’être en sa présence. Et Dieu, qui voit dans les cœurs, reconnaîtra en nous ses enfants, et nous serons traités comme les enfants de Dieu.

Traitons aussi notre prochain avec humilité, quel qu’il soit. Pour l’officier romain, son simple serviteur était peut-être en dessous de lui, si l’on tient compte de la hiérarchie humaine. Mais devant Dieu, la hiérarchie n’est pas la même.

Au chapitre 14 du même Évangile, Jésus dira : « toute personne qui s’élève sera abaissée, et celle qui s’abaisse sera élevée » (Luc 14.11).

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