
Version audio (Christian Huy)
On entend souvent dire que le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau Testament sont différents. L’Ancien Testament raconte l’histoire du peuple juif avant Jésus, et beaucoup y voient un Dieu qui juge et punit. Le Nouveau Testament commence avec la venue de Jésus et se poursuit avec la naissance des premières Églises chrétiennes. Là, on parle plutôt d’un Dieu de grâce et de pardon.
Je trouve que cette opposition entre le Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament est souvent exagérée. Elle vient aussi du fait que trop souvent, on lit les mêmes passages de la Bible et on n’a pas forcément une vue d’ensemble de toute la Bible.
Depuis janvier, nous avons lancé une série de prédications pour explorer toute la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse. Les semaines précédentes, nous avons traversé la Genèse, en découvrant les débuts de l’humanité et l’histoire des ancêtres du peuple d’Israël : Abraham, Isaac, Jacob et Joseph.
Aujourd’hui, nous abordons le livre de l’Exode, qui se concentre sur Moïse.
Le livre de l’Exode suscite la question de la violence, et notamment la violence de la part de Dieu. Nous verrons qu’il va envoyer des malheurs en Égypte, il y aura même des morts. Est-ce vraiment le même Dieu que le Dieu du Nouveau Testament ?
Plus tard, il y aura aussi la question de la conquête de Canaan, une terre déjà habitée, qui sera donnée par Dieu au peuple d’Israël, sous réserve qu’ils soient fidèles à Dieu.
Les récits de l’Ancien Testament posent donc question, et ça tombe bien, parce que nous allons nous poser quelques une de ces questions à travers la vie de Moïse.
Commençons par les premières années de Moïse.
[1. Les premières années de Moïse]
En Hébreux, Moïse signifie extrait, ou retiré, car il a été retiré des eaux. Voici son histoire.
Les Hébreux s’étaient installés en Égypte grâce à Joseph, le descendant d’Abraham, Isaac et Jacob. Joseph avait été vendu comme esclave par ses frères, mais il est devenu gouverneur d’Égypte après avoir interprété les rêves du pharaon et reçu une sagesse particulière de la part de Dieu.
Il a pu faire venir sa famille en Égypte pour échapper à la famine.
Plusieurs siècles plus tard, les Hébreux sont devenus très nombreux, leur grand nombre inquiète le pharaon. Il se disait – je cite : «Voilà que les israélites forment un peuple plus nombreux et plus puissant que nous. Allons! Montrons-nous habiles vis-à-vis de lui : empêchons-le de devenir trop nombreux, car en cas de guerre il se joindrait à nos ennemis pour nous combattre et sortir ensuite du pays.» (Exode 1.9-10)
Il décide alors de réduire les Hébreux en esclavage et ordonne de tuer tous les garçons nouveau-nés, notamment, en jetant les bébés dans le Nil.
Pour sauver son fils, une mère place son bébé dans un panier sur le Nil. C’est alors que la fille du pharaon le découvre et l’adopte. Elle l’élève comme un Égyptien. Elle lui donne le nom de Moïse, car il a été extrait des eaux.
Moïse grandit parmi les Égyptiens et non auprès de son peuple. Un jour, une fois adulte, il va voir comment les Hébreux sont traités, et il découvre leur dur esclavage.
Voici comment le récit biblique nous en parle :
Exode 2.11-15a
11 Une fois devenu grand, Moïse sortit vers ses frères et vit leurs pénibles travaux. Il vit un Égyptien frapper un Hébreu, un de ses frères.
12 Il regarda de tous côtés, vit qu’il n’y avait personne et tua l’Égyptien qu’il cacha dans le sable. 13 Quand il sortit le jour suivant, il vit deux Hébreux se battre. Il dit à celui qui avait tort: «Pourquoi frappes-tu ton prochain?»
14 Cet homme répondit alors: «Qui t’a établi chef et juge sur nous? Est-ce pour me tuer que tu me parles, tout comme tu as tué l’Égyptien?» Moïse eut peur et se dit: «L’affaire est certainement connue.»
15 Le pharaon apprit ce qui s’était passé et il chercha à faire mourir Moïse, mais Moïse s’enfuit loin de lui et s’installa dans le pays de Madian.
Ce récit nous révèle que très tôt, Moïse a une âme de justicier. Il veut prendre la défense de son peuple, mais il s’y prend mal, il commet un meurtre.
On remarque que l’oppresseur, comme l’opprimé, sont tous deux pécheurs.
Quand il voit un Égyptien frapper un Hébreu, il voit l’oppresseur frapper l’opprimé. Il y a un méchant bien identifié, et une victime bien identifiée.
Mais quand il voit deux Hébreux se battre, c’est un opprimé qui frappe un opprimé, une victime qui frappe une victime. On se rend compte que l’humain reste humain, qu’il soit bourreau ou victime, le cœur humain a quelque chose de corrompu.
Dieu sauvera son peuple de l’oppresseur, de l’esclavage. Mais par la suite, il lui donnera des lois, parce qu’une fois délivré des Égyptiens, ce peuple aura aussi besoin d’être délivré de son propre péché.
J’aime bien la note d’ironie qui se trouve dans le verset 14. Lorsque Moïse interpelle les deux Hébreux en train de se battre. L’un d’eux l’interpelle à son tour : « Qui t’a établi chef et juge sur nous ? »
Dans le chapitre suivant, c’est Dieu qui donne à Moïse cette légitimité, en lui confiant la mission de délivrer son peuple.
Celui qui est rejeté par les siens, c’est celui-là que Dieu envoie pour sauver son peuple.
Le parallèle avec Jésus est alors frappant. Jésus a été rejeté par les siens, sa légitimité a été sans cesse remise en cause par les chefs religieux, ils l’ont même cloué à la croix. Et pourtant, c’est lui que Dieu a envoyé comme sauveur.
Passons maintenant l’appel de Moïse au chapitre 3.
[2. L’appel de Moïse]
Après avoir fui l’Égypte, il trouve refuge à Madian, où il épouse Séphora et devient berger. Un jour, alors qu’il est sur la montagne de l’Horeb, il remarque un buisson qui prend feu, sans se consumer. Il va voir, et c’est là que Dieu lui parle.
Voici un extrait de leur conversation (Exode 3.6-10) :
6 [Dieu lui dit :] «Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.» Moïse se cacha le visage, car il avait peur de regarder Dieu.
7 L’Eternel dit: «J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte et j’ai entendu les cris qu’il pousse devant ses oppresseurs. Oui, je connais ses douleurs.
8 Je suis descendu pour le délivrer de la domination des Égyptiens et pour le faire monter de ce pays jusque dans un bon et vaste pays, un pays où coulent le lait et le miel; c’est l’endroit qu’habitent les Cananéens, les Hittites, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens.
9 Maintenant, les cris des israélites sont venus jusqu’à moi, j’ai aussi vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens.
10 Maintenant, vas-y, je t’enverrai vers le pharaon et tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites.»
Avez-vous remarqué comment Dieu présente la future délivrance de son peuple ?
Il dit (v. 8) : « Je suis descendu pour le délivrer de la domination des Égyptiens et pour le faire monter de ce pays… »
Dieu descend pour délivrer et pour faire monter son peuple.
Cette manière de parler de la libération fait déjà écho à Jésus, car Dieu agit de la même manière tout au long de ma Bible, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, dans l’Ancien et le Nouveau Testament.
Dans la personne de Jésus, Dieu est descendu pour délivrer son peuple de ses péchés, et pour le faire monter vers Dieu le Père à la fin des temps.
La délivrance des Hébreux, c’est Dieu qui va l’opérer, et il choisit Moïse pour en être l’instrument.
Dieu ne pose même pas la question à Moïse. Ce n’est pas une proposition, ce n’est pas une demande, c’est une instruction : « Maintenant, vas-y, je t’enverrai vers le pharaon et tu feras sortir d’Égypte mon peuple ».
Devant cet ordre de mission, Moïse semble réticent, il soulève plusieurs obstacles, voici le premier dès le verset 11.
11 Moïse dit à Dieu : «Qui suis-je, moi, pour aller trouver le pharaon et pour faire sortir les israélites d’Égypte ? » 12 Dieu dit: «Je serai avec toi. »
Cette première question de Moïse n’est pas anodine « qui suis-je » ?
Souvenez-vous, Moïse, un enfant hébreu, a été déposé dans le Nil alors qu’il était bébé, il a été adopté par la fille du pharaon. Il a été élevé parmi les Égyptiens alors qu’il était hébreu. Une fois adulte, quand il a voulu aider son propre peuple, les Hébreux l’ont rejeté.
Il fait partie de ces personnes que l’on voit toujours comme des étrangers, où qu’ils se trouvent.
En plus de cela, Moïse a commis un meurtre, il s’est enfui, puis il est devenu berger sur des terres qui lui étaient étrangères.
Nous comprenons alors que sa question est pleine de signification.
« Qui suis-je ? »
Les Hébreux le voient comme un Égyptien, les Égyptiens le voient comme un hébreu. Tous le voient comme un meurtrier. Est-il légitime pour être à la tête d’un tel peuple pour le mener hors d’Égypte ? »
Dieu ne répond pas précisément à sa question, et en même temps, sa réponse est la plus appropriée.
Il répond : « Je serai avec toi ».
Autrement dit : peu importe ses origines, peu importe son histoire, peu importe ses péchés passés, ce qui compte, c’est que Dieu sera avec lui.
Cette parole de Dieu est aussi valable pour nous aujourd’hui.
Nous vivons à une époque marquée par des crises d’identité. Identité familiale, identité sexuelle, identité de genre, identité d’appartenance à un groupe ou à une nation.
Quelle est mon identité ?
Dieu nous répond que ce qui compte, c’est qu’il nous a choisis pour être ses enfants, ses disciples, et il sera avec nous. Notre identité est avant tout en lui.
Mais Moïse ne s’arrête pas à cette question sur sa légitimité. Comment le peuple va-t-il le croire ? Comment le pharaon va-t-il le prendre ?
Moïse finit par dire à Dieu : « Ah, Seigneur, envoie quelqu’un d’autre que moi !» (4.13)
Mais Dieu ne lui laisse pas le choix, c’est décidé, c’est lui que Dieu envoie. Il concède à Moïse une aide, son frère Aaron. Celui-ci sera son porte-parole.
Moïse retourne donc chez les siens et demande à voir le pharaon. Mais Dieu l’avait prévenu d’avance : le roi d’Égypte dira non, cependant, après une série de malheurs envoyés sur l’Égypte, ce pharaon chassera les Hébreux d’Égypte.
[3. L’obstination du pharaon]
Moïse va voir le pharaon et lui fait la demande suivante (5.3) : « Permets-nous de faire trois journées de marche dans le désert pour offrir des sacrifices à l’Éternel, notre Dieu, afin qu’il ne nous frappe pas de la peste ou de l’épée ».
Dans un premier temps, Moïse ne demande même pas la délivrance, mais juste la possibilité de prendre quelques jours pour aller adorer Dieu sur une montagne.
Pourquoi ne demande-t-il pas la délivrance tout de suite ?
C’est une façon pour Dieu de montrer à quel point le pharaon est têtu. S’il refuse même une simple permission de quelques jours, alors quand il finira par laisser partir tout le peuple pour de bon, ce sera clairement l’œuvre de Dieu.
Comme annoncé, le pharaon refuse. Après chaque refus, Moïse annonce que Dieu fera arriver un malheur. Malgré cela, il refuse toujours. Et à chaque refus, le texte biblique souligne que le cœur du pharaon s’endurcit.
Voici la liste des malheurs, que l’on nomme aussi « les 10 plaies d’Égypte » :
- L’eau changée en sang
- L’invasion de grenouilles
- L’invasion de moustiques
- L’invasion de mouches venimeuses
- La mort du bétail
- Des ulcères pour les animaux et les habitants d’Égypte
- La pluie et la grêle
- L’invasion de sauterelles
- L’obscurité totale pendant 3 jours
- La mort des premiers-nés
Ces récits, qui concernent les 10 plaies d’Égypte, suscitent des questions sur la nature de Dieu.
Tout d’abord, on lit dans la Bible que Dieu a endurci le cœur de pharaon.
Cela est vrai, mais seulement à partir de la 6e plaie.
Lors des 5 premiers fléaux, il est dit que le pharaon endurcit lui-même son cœur. Mais lors de la 6e plaie, il est dit que c’est Dieu qui endurcit le cœur du pharaon.
Pourquoi Dieu fait-il cela ?
Parce que c’est un jugement contre le pharaon. Il a déjà tellement endurci son cœur, qu’il est arrivé à un point de non-retour.
Dans la Bible, les jugements de Dieu sont toujours justes, ils sont proportionnels au cœur de la personne. Je dis souvent que le jugement de Dieu consiste simplement à donner à l’homme ce que son cœur désire.
Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul annonce dans sa lettre aux Romains que les êtres humains ont des mauvais désirs, des désirs corrompus. Et il ajoute que le jugement de Dieu consiste à livrer les humains à leurs propres désirs.
Avec le pharaon, Dieu ne fait que lui donner ce que son cœur désir, c’est-à-dire, le refus de la parole de Dieu.
Le jour du jugement, personne ne pourra dire que Dieu est injuste, car il ne fera que donner ce que chacun désire.
Celui qui a désiré de tout son cœur suivre Dieu sera avec Dieu. Et celui qui aura refusé d’entendre la voix de Dieu sera sans Dieu.
Un autre point qui peut choquer, c’est la mort des premiers-nés en Égypte. C’est la 10e et dernière plaie, celle qui fera enfin céder le pharaon. Il ne se contentera pas de laisser partir les Hébreux, il les chassera du pays.
Mais comment comprendre que Dieu ait fait mourir tous les premiers-nés, qu’ils soient humains ou animaux, enfants ou adultes ?
Cette dernière plaie marque aussi la délivrance des Hébreux. C’est ce soir-là qu’a lieu la première Pâque.
C’est mon 4e et dernier point :
[4. La Pâque]
Dans la nuit de la 10e plaie, Dieu envoie un fléau qui passe à travers toute l’Égypte et fait mourir tous les premiers-nés chez les humains et chez les animaux.
Je vous avoue que moi aussi, j’ai du mal avec ce genre de passage biblique où Dieu reprend la vie à des êtres humains, notamment des enfants.
Mais si l’on remet ce genre de récit dans le contexte de l’histoire biblique, cela nous aide à comprendre un peu mieux, même si l’on reste avec des questions.
Tout d’abord, Dieu n’a pas frappé l’Égypte d’un coup. Il y a eu 9 plaies avant, et à chaque fois, le pharaon, ainsi que les Égyptiens, avait le choix d’arrêter l’arrivée des fléaux. Mais ils ne l’ont pas fait.
Ensuite, Dieu n’a pas pris cette décision sur un coup de tête. C’était un jugement réfléchi contre un peuple qui maltraitait durement les Hébreux. Rappelons que les Égyptiens les traitaient comme des esclaves sans valeur et qu’à une époque, ils faisaient même tuer tous leurs bébés garçons en les noyant dans le Nil.
Il faut aussi rappeler que d’après la Bible, la mort touche chaque personne, depuis qu’Adam et Ève ont désobéi à Dieu. C’est une désobéissance que nous reproduisons nous aussi dès le plus jeune âge.
Concernant cette 10e plaie, non seulement Dieu avait averti, mais en plus, avec le fléau, il a donné l’antidote aux Hébreux. Tout Égyptien qui aurait voulu épargner sa famille aurait pu se renseigner et appliquer les instructions de Dieu pour sauver sa propre famille.
Cette 10e plaie rappelle que nous sommes tous concernés par la mort un jour ou l’autre. Tout comme les Égyptiens et les Hébreux, nous sommes avertis, et nous avons la possibilité de saisir le salut que Dieu nous offre.
Pour épargner sa famille, il fallait sacrifier un agneau sans défaut, prendre de son sang et l’appliquer au-dessus de la porte de sa maison. Ce signe signifiait qu’un animal est mort à la place du premier-né de la maison.
Après ce fléau, le pharaon chasse les Hébreux, on leur donne même des vivres et de l’argent pour qu’ils s’en aillent. C’est la délivrance, c’est la première Pâque.
[Conclusion]
Pour conclure, revenons à cette idée reçue, sur l’opposition entre le Dieu de l’ancien et du Nouveau Testament.
Nous sommes évidemment interpellés par la place de la mort dans ce passage de l’Ancien Testament.
Mais dans le Nouveau Testament, le point culminant, c’est également une mort. La mort d’un innocent au moment de Pâque.
Si la mort des premiers-nés d’Égypte nous choque, nous devrions être également choqués par la mort du Fils de Dieu, innocent de tout péché. Dieu l’a envoyé pour mourir à notre place.
L’agneau que les Hébreux ont sacrifié annonçait l’agneau innocent qui mourra sur la croix pour nous offrir le salut.
La Bonne Nouvelle, c’est que le Christ n’est pas resté mort sur la croix, il est ressuscité, il a vaincu la mort. Cette victoire sur la mort est offerte à tous ceux qui croient. Ils deviennent enfants de Dieu et leur destinée se trouve sur la nouvelle terre, là où il n’y aura plus de pleur et plus de mort.