Jacob, la valeur de la grâce (Genèse 27-36)

Version audio (Christian Huy)

Pendant notre première année de mariage, Aude et moi vivions à Avignon, en Provence, dans un petit studio et il n’y avait pas de lave-linge. Toutes les deux semaines, nous remplissions deux grands sacs à dos de camping, et nous traversions le centre- ville d’Avignon à vélo, pour nous rendre à la laverie la plus proche.

À la fin de cette année de stage à Avignon, nous apprenons que nous sommes appelés par l’Église évangélique libre de Nîmes. L’une des premières choses que nous avons faites a été d’acheter un lave-linge et de nous le faire livrer la semaine de notre déménagement.

Aujourd’hui encore nous sommes heureux et reconnaissants à chaque fois que nous utilisons notre lave-linge. Le fait de ne pas en avoir nous a fait prendre conscience du confort que cela représente.

Si je raconte cette anecdote, c’est pour montrer que souvent, nous oublions vite. Nous vivons chaque jour avec beaucoup d’appareils qui nous rendent la vie plus confortable, mais nous ne réalisons pas toujours de la valeur de ces aides.

Nous pourrions dire la même chose de la santé, des amitiés, de la famille, de la communion dans l’Église, etc. Lorsque nous avons tout cela, nous oublions parfois à quel point c’est précieux.

C’est la même chose avec la grâce. Les chrétiens entendent parler de la grâce, mais réalisons-nous la puissance et la valeur inestimable de cette grâce ?

Parfois, j’ai l’impression que l’on considère la grâce comme un dû. Après tout, si Dieu nous aime, il nous offre son pardon et sa bienveillance par sa grâce, c’est normal.

Mais parler de la grâce ainsi. C’est un peu comme les enfants qui ne se rendent pas compte qu’à chaque fois qu’ils ouvrent le robinet pour faire couler l’eau, le compteur tourne et les stations d’épurations travaillent. Du coup, ils utilisent des litres d’eau pour se laver les mains et négligent la valeur de cette ressource.

Faisons-nous usage de la grâce comme si nous faisions couler l’eau du robinet, sans nous rendre compte de son coût ?

Aujourd’hui je vous propose de parcourir la vie de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham, les ancêtres du peuple d’Israël. En relisant l’histoire de Jacob dans le livre de la Genèse, j’ai redécouvert à quel point la grâce est un cadeau inestimable. Un cadeau qui nous est offert, et que nous négligeons trop souvent.

Je ne pense pas avoir saisi la grandeur de la grâce, mais la vie de Jacob peut nous aider à en avoir un aperçu.

Jacob est un prénom qui signifie : celui qui talonne, du verbe talonner.

Dans une course d’athlètes, « talonner l’adversaire qui est devant soi », signifie « se rapprocher jusqu’à toucher le talon », dans le but de toujours se rapprocher plus et de prendre sa place.

On dit que Jacob signifie aussi : celui qui usurpe.
Il y a l’idée que Jacob veut usurper la place de quelqu’un, en l’occurrence son frère aîné qui est aussi son frère jumeau.

En Hébreux, Jacob se dit Ya’aqov, c’est un nom dérivé du mot ‘aqev, qui signifie talon.
C’est pour cela que j’aime bien dire que Jacob est celui qui talonne.

L’histoire de Jacob commence dans le ventre maternel. À sa naissance, il tenait le talon de son frère jumeau, comme s’il avait lutté pour être le premier-né. C’est pour cela que ses parents l’ont appelé Jacob, celui qui tient le talon, celui qui usurpe.

Sa vie sera marquée par la rivalité entre lui et son frère aîné.

Je vous propose de lire un premier texte qui raconte l’épisode où Jacob cherche à usurper la place de son frère.

[1. Le plat de lentilles]

Genèse 25.27-34

27 Ces enfants grandirent. Ésaü devint un habile chasseur, un homme de la campagne, alors que Jacob était un homme tranquille qui restait sous les tentes.
28 Isaac aimait Ésaü parce qu’il lui amenait du gibier, et Rebecca aimait Jacob.
29 Tandis que Jacob faisait cuire un potage, Ésaü revint des champs, accablé de fatigue. 30 Ésaü dit à Jacob: «Laisse-moi manger de ce roux, de ce plat roux, car je suis fatigué.» C’est pour cela qu’on a donné à Ésaü le nom d’Edom. [(C’était un plat de lentilles rouges, et Edom signifie rouge.)]
31 Jacob répondit: «Vends-moi aujourd’hui ton droit d’aînesse.»
32 Ésaü répondit: «Je vais mourir. A quoi me sert ce droit d’aînesse?» 33 Jacob dit: «Jure-le-moi d’abord.» Il le lui jura, il vendit son droit d’aînesse à Jacob.
34 Alors Jacob donna du pain et du potage de lentilles à Ésaü. Il mangea et but, puis se leva et s’en alla. C’est ainsi qu’Ésaü méprisa le droit d’aînesse.

Ce texte nous dépeint déjà la personnalité des deux frères.

Ésaü est un homme très impulsif, dominé par ses émotions et ses besoins.

Il a faim et il dit qu’il va mourir tellement il a faim, c’est un peu exagéré, mais c’est ce qu’il exprime.

Il ne cherche même pas à savoir ce qu’il y a dans le potage de Jacob, il appelle le plat par sa couleur : le roux. On donnera ainsi à Ésaü le surnom Edom, qui signifie rouge.

Jacob, quant à lui, semble être un homme plutôt calme et posé, mais calculateur et opportuniste.

Jacob a ainsi obtenu le droit d’aînesse de son frère aîné juste avec un plat de lentilles.

À l’époque, le droit d’aînesse désignait les privilèges du fils aîné.

Il avait doit à une double portion de l’héritage familial, il devenait le chef de la famille après la mort du père, il recevait la bénédiction paternelle et devait la transmettre plus tard à ses descendants.

Dans le cas de Jacob et Ésaü, la bénédiction liée à l’alliance conclue entre Dieu et Abraham était également en jeu. Dieu avait promis à Abraham une descendance nombreuse et la possession d’un vaste pays.

Cette bénédiction a été transmise à Isaac, et elle sera transmise au fils aîné d’Isaac. Ésaü avait le droit d’aînesse et devait être le bénéficiaire de toutes ces bénédictions. Mais Jacob a usurpé ce droit d’aînesse.

[2. Le vol de la bénédiction]

Un jour, Isaac se dit que sa fin approche, il est devenu faible et il perd la vue. Il décide qu’il est temps de transmettre la bénédiction à Ésaü.

Isaac demande donc à Ésaü : « Va chasser du gibier, prépare-moi un bon repas, et ensuite, je te donnerai ma bénédiction. »

Rebecca, la femme d’Isaac, entend tout cela. Elle préfère Jacob et elle veut que cette bénédiction lui revienne. Alors, elle élabore un plan pour tromper Isaac.

Rebecca dit à Jacob : « va me prendre deux bons chevreaux dans le troupeau. J’en ferai pour ton père un plat comme il les aime,  et tu le lui apporteras à manger afin qu’il te bénisse avant sa mort ». (Genèse 27.9-10)

Jacob hésite, car Ésaü est beaucoup plus poilu que lui ! Si son père le touche, il va découvrir la vérité.

Rebecca l’incite donc à mettre en place un stratagème. Elle lui fait porter les vêtements d’Ésaü, pour qu’il en ait l’odeur, et elle recouvre ses bras et son cou avec des peaux de chèvre, pour imiter la peau poilue de son frère.

Jacob se présente alors devant Isaac avec le repas et il reçoit la bénédiction.

Peu après, Ésaü revient avec son gibier et un plat préparé. Isaac et Esaü découvrent alors qu’ils ont été trompés.

La colère d’Ésaü est immense. Il décide de tuer Jacob dès que leur père sera mort.

Pour protéger Jacob, Rébecca lui conseille de fuir chez son oncle Laban jusqu’à ce qu’Ésaü se calme.

[3. Chez Laban, Léa et Rachel]

Une fois chez Laban, la vie de Jacob prend une autre tournure. Lui qui avait l’habitude de manipuler, il se fait lui-même manipuler.

D’abord, Laban lui fait travailler pendant 7 ans pour épouser sa fille Rachel, mais au lieu de lui donner Rachel, il lui donne Léa, la sœur aînée. Laban propose alors à Jacob d’épouser Rachel sans tarder, à condition qu’il accepte de travailler encore 7 ans pour lui.

Plus tard, Laban continue de le tromper en modifiant constamment les conditions de son travail. Jacob travaille dur pendant de nombreuses années, en s’occupant des troupeaux de Laban, mais ce dernier tente toujours de l’exploiter, en changeant les salaires et en profitant de son travail.

Cela dit, avec l’aide de Dieu, Jacob fonde une famille, il acquiert des troupeaux, des serviteurs et des servantes.

Après 20 ans chez Laban, Dieu parle à Jacob et lui ordonne de fuir. En Genèse 31:3, Dieu lui dit : « Retourne dans le pays de tes pères et dans ton lieu de naissance, et je serai avec toi. »

Jacob obéit à cet appel et décide de fuir avec ses femmes, ses enfants et ses troupeaux.

Le problème, c’est qu’en retournant dans son pays natal, il doit affronter Ésaü. Comment son frère va-t-il l’accueillir ?

[4. Le retour, la peur d’Ésaü]

Jacob envoie des messagers pour prévenir Ésaü de son retour au pays, et ses messagers reviennent en annonçant ceci :

« Nous sommes allés trouver ton frère Ésaü ; il marche à ta rencontre avec 400 hommes. » (Genèse 32.7)

Comment Jacob réagit-il ?

« Jacob fut très effrayé et saisi d’angoisse. Il partagea en deux camps ceux qui étaient avec lui, les brebis, les bœufs et les chameaux. Il se disait: « Si Ésaü attaque l’un des camps et le bat, le camp qui restera pourra se sauver. » » (Genèse 32.8-9)

Jacob est encore plus effrayé, car il comprend désormais ce que c’est que de vivre avec quelqu’un qui nous manipule, nous exploite et nous opprime injustement. Il a infligé tout cela à son propre frère.

Comme souvent, il réfléchit à une stratégie. Il sépare son camp en deux, pour pouvoir fuir en cas d’attaque.

Il fait également cette prière que je trouve très parlante :

«Dieu de mon grand-père Abraham, Dieu de mon père Isaac, Eternel, toi qui m’as dit: ‘Retourne dans ton pays, dans ton lieu de naissance, et je te ferai du bien’,
11 je suis trop petit pour toutes les grâces et pour toute la fidélité dont tu as fait preuve envers moi, ton serviteur. En effet, j’ai passé ce Jourdain avec mon bâton et maintenant je peux former deux camps.
12 Délivre-moi de mon frère Ésaü, car j’ai peur qu’il ne vienne et ne me frappe, sans épargner ni la mère ni les enfants.
13 C’est toi-même qui as dit: ‘Je te ferai du bien et je rendrai ta descendance pareille au sable de la mer, si abondant qu’on ne peut le compter.’» (Genèse 32.10-13)

Jacob commence à s’humilier et à se rendre compte de ce qu’est la grâce : « je suis trop petit pour toutes les grâces et pour toute la fidélité dont tu as fait preuve envers moi, ton serviteur ».

On commence à comprendre la grâce quand on a compris qu’on n’est pas digne de la recevoir.

Ici, Jacob n’a pas seulement peur de perdre sa propre vie, il a peur pour la vie de ses épouses et ses enfants.

Après cette prière, il fait envoyer de nombreux cadeaux à Ésaü :

200 chèvres, 20 boucs, 200 brebis, 20 béliers,  30 chamelles avec leurs petits qu’elles allaitaient, 40 vaches, 10 taureaux, 20 ânesses et 10 ânes.

Le soir venu, il est seul, et il fait une rencontre surprenante.

Il lutte avec un homme toute la nuit. Je vous invite à lire le passage.

[5. Une lutte surprenante]

Genèse 32.25-33

25 Jacob resta seul. C’est alors qu’un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. 26 Voyant qu’il n’était pas vainqueur contre lui, cet homme le frappa à l’emboîture de la hanche. Celle-ci se déboîta pendant qu’il luttait avec lui.
27 Il dit: «Laisse-moi partir, car l’aurore se lève.» Jacob répondit: «Je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m’aies béni.»
28 Il lui demanda: «Quel est ton nom?» Il répondit: «Jacob.» 29 Il ajouta: «Ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes et tu as été vainqueur.»
30 Jacob lui demanda: «Révèle-moi donc ton nom.» Il répondit: «Pourquoi demandes-tu mon nom?» et il le bénit là. 31 Jacob appela cet endroit Peniel, car, dit-il, «j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauvée.»
32 Le soleil se levait lorsqu’il passa Peniel. Il boitait de la hanche.
33 Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, les israélites ne mangent pas le tendon qui est à l’emboîture de la hanche: parce que Dieu frappa Jacob à l’emboîture de la hanche, au tendon.

Qui est cet homme avec qui il lutte ?

Au verset 31, Jacob dit : « j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauvée ».

Quelques rares fois dans la Bible, avant la venue de Jésus, Dieu se présente sous forme d’un homme, que l’on appelle souvent : « l’ange de l’Éternel ». C’était arrivé avec Abraham, cela arrivera également avec les amis du prophète Daniel lorsqu’ils ont été jetés dans une fournaise.

Dans cette lutte, Jacob aurait dû être vaincu, il aurait pu même perdre la vie comme il le dit, car c’est Dieu le plus fort. Cependant, Jacob s’en sort sain et sauf, il a juste une hanche déboitée, signe qu’il était en position de faiblesse, mais il a eu la vie sauve.

Cette lutte est arrivée le soir même où Jacob a prié Dieu pour lui dire qu’il ne méritait pas la grâce, mais qu’il demandait quand même l’aide à Dieu.

Dieu répond à sa prière en luttant avec lui, pour lui faire comprendre qu’il lui fait grâce.

Voyons comment se passe la rencontre avec Ésaü.

[6. La rencontre avec Ésaü]

Genèse 33.1-6 , 8-10

1 Jacob leva les yeux et regarda. Il constata qu’Ésaü arrivait avec 400 hommes. Il répartit les enfants entre Léa, Rachel et les deux servantes.
2 Il plaça en tête les servantes avec leurs enfants, puis Léa avec ses enfants, enfin Rachel avec Joseph. 3 Lui-même passa devant eux et il se prosterna à terre sept fois, jusqu’à ce qu’il soit près de son frère. 4 Ésaü courut à sa rencontre, l’étreignit, se jeta à son cou et l’embrassa. Et ils pleurèrent. 5 Ésaü leva les yeux, vit les femmes et les enfants et demanda: «Qui sont ceux-là pour toi?» Jacob répondit: «Ce sont les enfants que Dieu a accordés à ton serviteur.»

8 Ésaü demanda: «À quoi destines-tu tout le camp que j’ai rencontré?» Jacob répondit: «A trouver grâce aux yeux de mon seigneur.»
9 Ésaü dit: «Je suis dans l’abondance, mon frère. Garde ce qui t’appartient.» 10 Jacob répondit: «Non, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, accepte ce cadeau de ma part ! En effet, je t’ai regardé comme on regarde Dieu et tu m’as accueilli favorablement.

On remarque que face à l’armée de 400 hommes, Jacob met tout devant les servantes et leurs enfants, et tout derrière Rachel et Joseph, sa femme et son fils préférés.

Il nous est quand même précisé que Jacob passe devant tout le monde et il se prosterne 7 fois jusqu’à ce qu’il soit près de son frère.

On imagine la crainte de Jacob, qui imagine un bain de sang, mais qui espère également l’intervention de Dieu.

Ésaü court à la rencontre de Jacob et le prend dans ses bras. C’est une scène très émouvante. Ésaü n’a pas besoin de dire quoi que ce soit, nous comprenons qu’il a pardonné à son frère. C’est le moment de la réconciliation.

Ésaü refuse les cadeaux de son frère. La grâce ne s’achète pas.

Jacob insiste et Ésaü finit par accepter ces cadeaux, mais ce n’est pas en échange du pardon.

Les cadeaux n’ont pas servi à obtenir la grâce, mais ils sont un signe que la grâce a été accordée, ils sont un signe de la réconciliation.

[Conclusion]

Pour conclure, avez-vous remarqué les paroles de Jacob à Ésaü au verset 10 ?

« Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, accepte ce cadeau de ma part ! En effet, je t’ai regardé comme on regarde Dieu et tu m’as accueilli favorablement. »

Jacob fait un lien avec sa lutte avec Dieu. En regardant la sainteté de Dieu, il aurait dû mourir, mais la grâce lui a été accordée.

En rencontrant son frère qu’il a dépouillé dans sa jeunesse, il aurait dû mourir, mais la grâce lui a été accordée.

Et nous ? Comment comprenons-nous la grâce ?

Comme Jacob, nous devrions comprendre que c’est un cadeau immérité. Ce n’est pas un dû, ce n’est pas un droit, ce n’est pas une excuse, ni un « jocker » que l’on sort pour se rassurer à chaque fois que nous nous écartons de Dieu.

Et en même temps, nous devrions aussi comprendre que nous ne pouvons qu’accepter la grâce de Dieu. Il nous faut l’accepter sans se culpabiliser mais avec soulagement, avec joie et dans la paix.

Par sa grâce, Dieu a envoyé le Christ pour nous offrir son pardon et la vie éternelle. Ces vérités, nous les entendons au temple semaine après semaine, mais prions pour qu’elles ne deviennent pas comme ces objets du quotidien, comme des meubles ou des appareils électroménagers, que l’on ne remarque plus parce qu’ils font partie de notre routine.

Que Dieu renouvelle en nous la joie de sa grâce, jour après jour.

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