Quel bruit aimez-vous ?

Version audio ici

En début de semaine, de lundi à mercredi, je me suis rendu, avec Aude, en région parisienne, à la pastorale nationale de notre union d’Églises. Nous étions une quarantaine de pasteurs réunis.

L’objectif de cette pastorale était d’abord de nous retrouver pour vivre la communion.

Nous nous retrouvons aussi pour discuter de la vie de nos Églises, donner des nouvelles des travaux des commissions, et prier les uns pour les autres.

Et à chaque pastorale, nous abordons un thème.

Le thème de cette année s’articulait autour des « bruits qui nous environnent ».

Nous constatons que le monde d’aujourd’hui est particulièrement anxiogène.

Lorsque nous allumons la télé ou la radio, nous n’entendons quasiment que des mauvaises nouvelles.

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, mais les statistiques montrent que c’est plus intense à notre époque. Le nombre de dépressions est particulièrement élevé chez les jeunes, mais pas seulement les jeunes, cela touche toutes les tranches d’âge. Nos contemporains sont inquiets.

Pourquoi sont-ils inquiets ? C’est souvent à cause des bruits qui nous environnent, les infos, les discours qui annoncent des catastrophes à venir.

En tant que pasteurs, nous voulions échanger autour de ce thème pour savoir comment nous le vivons, comment prendre cela en compte dans la pratique pastorale.

Lors de l’introduction de ce thème le lundi soir, nous étions en petits groupes de discussions, et notre collègue Vincent Miéville a posé une première question : quels bruits aimons-nous entendre ? Et pourquoi ?

Pour ma part, il y a beaucoup de sons que j’aime entendre, mais j’ai dû en choisir un. J’ai répondu que j’aime entendre le rire de mes enfants.

J’aime les entendre rire, parce que cela évoque la vie, des moments de joie, des moments partagés en famille.

La deuxième question, vous le devinez certainement, était la suivante : quels sont les bruits que vous ne supportez pas ?

Et j’ai répondu : les cris de mes enfants lorsqu’ils se chamaillent ou lorsqu’ils râlent. Ces bruits me dérangent parce qu’ils sont fatigants et ils arrivent souvent dans des moments où je suis déjà épuisés.

Finalement, ce ne sont pas tant les bruits qui nous réjouissent ou qui nous repoussent, c’est ce qu’ils évoquent.

Si de nombreuses personnes dépriment à cause des bruits qui nous environnent, à cause des infos alarmantes, et des discours apocalyptiques, c’est notamment à cause du désespoir.

On entend que tout va mal et que la société va s’effondrer !

  • Quel avenir espérer dans un tel monde ?
  • Quel avenir, si l’on pense que notre vie s’arrête au moment de la mort ?
  • Quel avenir si l’on pense que la fin du monde sera la fin de tout ?
  • Quel avenir si l’on pense que nos petites actions ne pourront rien changer à l’écroulement du monde ?

Du temps de Jésus, ses disciples se posaient des questions similaires. L’Empire romain dominait sur Israël. Les juifs se sentaient humiliés, ils n’avaient pas de leader pour libérer le peuple de cette oppression.

Ils attendaient un Messie, un sauveur politique, mais ils n’étaient pas d’accord sur la manière de vivre la foi en attendant ce libérateur. Il y avait beaucoup de divisions entre les partis religieux.

À chaque fois qu’un révolutionnaire prenait un peu de place, Rome n’hésitait pas à le mettre hors d’état de nuire pour éviter les débordements.

Le sujet de la fin des temps était déjà très présent en ce temps-là.

Je vous invite à lire un texte qui aborde ces questions, et qui sonne très actuel, encore plus aujourd’hui.

Il s’agit du premier texte que nous avons lu en pastorale, dans l’Évangile selon Matthieu, chapitre 24, versets 1 à 14.

1 Jésus sortit du temple et, comme il s’en allait, ses disciples s’approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions. 2 Mais il leur dit: «Vous voyez tout cela? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre, tout sera détruit.»
3 Il s’assit sur le mont des Oliviers. Les disciples vinrent en privé lui poser cette question: «Dis-nous, quand cela arrivera-t-il et quel sera le signe de ton retour et de la fin du monde?»

4 Jésus leur répondit: «Faites bien attention que personne ne vous égare. 5 En effet, beaucoup viendront sous mon nom et diront: ‘C’est moi qui suis le Messie’, et ils tromperont beaucoup de gens.
6 Vous entendrez parler de guerres et de menaces de guerre: ne vous laissez pas effrayer, car il faut que toutes ces choses arrivent. Cependant, ce ne sera pas encore la fin.

7 Une nation se dressera contre une nation et un royaume contre un royaume, et il y aura en divers endroits des famines [des pestes] et des tremblements de terre.
8 Tout cela sera le commencement des douleurs.
9 Alors on vous livrera à la persécution et l’on vous fera mourir; vous serez détestés de toutes les nations à cause de mon nom.

10 Beaucoup trébucheront alors, et ils se trahiront, se détesteront les uns les autres.
11 Beaucoup de prétendus prophètes surgiront et ils tromperont beaucoup de gens.
12 A cause de la progression du mal, l’amour du plus grand nombre se refroidira, 13 mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. 14 Cette bonne nouvelle du royaume sera proclamée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin.

Tout commence par une réflexion des disciples sur la construction du temple.

Jésus rebondit sur cette remarque, et il évoque un sujet anxiogène : il évoque la destruction du temple !

Jésus va toujours là où on ne l’attend pas.  Il annonce que le temple sera détruit, et les disciples font un lien avec la fin du monde.

S’ils font ce lien, c’est parce que le temple symbolisait la présence de Dieu sur terre. Le temple était aussi le signe que Dieu soutenait Israël. Ce bâtiment sacré était le centre géographique de leur foi.

Si le temple venait à être détruit, cela signifierait que Dieu n’est plus avec le peuple, et donc que Dieu juge le peuple. Et le jugement de Dieu est lié à la fin des temps.

Pour toutes ces raisons, lorsque Jésus parle de la destruction du temple, ses auditeurs font tout de suite le lien avec le jugement de Dieu à la fin du monde.

Les disciples demandent à Jésus quand cela arrivera, et quels seront les signes.

[1. Les signes de la fin des temps]

Jésus fait alors la liste de tous les signes de la fin de temps. À chaque fois que je lis ce texte, je suis frappé par l’actualité de ces paroles.

Jésus mentionne :

  • Les faux prophètes, autrement dit, les fake news. Ceux qui annoncent des mensonges, ceux qui annoncent un avenir ou une croyance infondé.
  • Ensuite il mentionne les guerres et les menaces de guerre.
  • Des famines.
  • Des pestes, autrement dit, des épidémies.
  • Des tremblements de terre, des catastrophes naturelles.
  • La persécution des chrétiens, comme cela est le cas de nos jours dans beaucoup de pays du monde.
  • La méchanceté, la trahison, la haine les uns contre les autres. Autrement dit, la radicalisation. Tout sera prétexte pour se haïr : l’âge, la culture, les origines ou les opinions.
  • Et il annonce aussi la progression du mal et la diminution de l’amour.

Cette liste est frappante par son actualité.

Au milieu de tous ces malheurs, Jésus ajoute au verset 13 : « celui qui persévèrera jusqu’à la fin sera sauvé ».

Que veut-il dire par persévérer ?

Le verbe grec signifie : tenir ferme, ne pas renoncer, rester fidèle.

Jésus parle de ceux qui ne renoncent pas à l’amour, ceux qui restent fidèles dans la foi.

Dans la liste des malheurs que Jésus décrit, il y a des évènements que nous subissons et nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Par exemple, les épidémies ou les tremblements de terre.

Il y a d’autres événements qui découlent de choix humains, mais à notre échelle, nous nous sentons impuissants, par exemple : les guerres.

Au milieu de tout cela, Jésus nous demande quelque chose qui est de la responsabilité de chacun. Ce n’est pas évident, mais c’est accessible à tous. Il nous demande de ne pas renoncer à l’amour et de ternir ferme dans la foi.

J’aime beaucoup ce texte, non pas parce qu’il parle des catastrophes du monde, mais parce que Jésus a bien conscience que nous vivons dans un monde qui souffre, un monde où le mal règne.

Beaucoup de personnes ne veulent pas croire en Dieu, car ils disent que si Dieu existait, il n’y aurait pas de catastrophes naturelles, il n’y aurait pas de guerre.

Jésus ne nie pas la réalité, il affirme bien que ce monde va mal et il est en train de s’effondrer, et il dit : tenez ferme. Il dit : persévérez.

J’aime beaucoup ce jeu de mot en français, où dans le verbe persévérer, on entend : « percez », et « verrez ».

Percez et vous verrez. Percez à travers le mur, percez à travers les difficultés, et vous verrez.

La promesse, c’est qu’au bout, il y a le salut : « celui qui persévèrera jusqu’à la fin sera sauvé ». Le salut, c’est de vivre sur une nouvelle terre où Dieu règnera entièrement.

Ce n’est pas un monde hypothétique où si Dieu existe, il n’y aura plus de souffrance. C’est un monde renouvelé où Dieu règnera, et comme il règnera, il n’y aura plus de souffrance.

Jésus va encore plus loin, quelques versets suivants au chapitre 25.

Je vous invite à lire notre deuxième texte aux versets 31 à 46 :

31 »Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous les [saints] anges, il s’assiéra sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs;
33 il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: ‘Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création du monde!

35 En effet, j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger et vous m’avez accueilli; 36 j’étais nu et vous m’avez habillé; j’étais malade et vous m’avez rendu visite; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi.’
37 Les justes lui répondront: ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé et t’avons-nous donné à manger, ou assoiffé et t’avons-nous donné à boire? 38 Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons-nous accueilli, ou nu et t’avons-nous habillé? 39 Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous allés vers toi?’ 40 Et le roi leur répondra: ‘Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’

41 Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche: ‘Eloignez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges!
42 En effet, j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire; 43 j’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli; j’étais nu et vous ne m’avez pas habillé; j’étais malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite.’ 44 Ils répondront aussi: ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé, ou assoiffé, ou étranger, ou nu, ou malade ou en prison et ne t’avons-nous pas servi?’

45 Et il leur répondra: ‘Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait cela à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’
46 Et ils iront à la peine éternelle, tandis que les justes iront à la vie éternelle.»

Ce texte est dans la continuité du texte précédent, Jésus fait un zoom sur le fameux jugement de la fin des temps.

[2. Le jugement de la fin des temps]

Il parle du jugement en utilisant une sorte parabole, en tout cas, une image avec des brebis et des boucs.

Jésus parle du fils de l’homme pour parler de lui-même. À sa droite, les brebis entreront dans le royaume de Dieu. Et il ajoute que ce royaume a été préparé pour eux dès la création du monde.

Qu’est-ce que les brebis ont fait pour avoir accès au royaume ?

Jésus dit qu’ils lui ont donné à manger alors qu’il avait faim, qu’ils l’ont habillé alors qu’il était nu, qu’ils l’ont visité alors qu’il était malade, etc.

Les brebis poseront alors la question : quand avons-nous fait tout cela ?

Et Jésus répond : « toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

Si nous lisons rapidement ce texte, nous pourrions en conclure que Jésus enseigne un salut par les œuvres.

Nous pourrions nous dire que pour être sauvé, il suffit de faire le bien autour de nous, et de voir en chaque personne, le christ, que nous sommes appelés à servir.

Mais dans son discours, Jésus ne dit pas seulement que les brebis méritent le royaume parce qu’ils ont bien agi.

Regardons bien ce que dit le texte exactement.

Jésus met en scène des brebis qui ne savent pas qu’elles ont bien agi envers Jésus. Elles sont elles-mêmes étonnées et surprises par ses paroles.

La clé de compréhension de ce texte se trouve dans la surprise des protagonistes. Ils sont surpris que Jésus les récompense d’avoir bien agi envers lui.

C’est là où je veux en venir. Pour les brebis, les bonnes œuvres étaient un mode de vie naturel. C’est au point où lorsque Jésus leur dit qu’elles ont bien agi, elles sont étonnées.

Les œuvres étaient la conséquence de leur cœur. Leurs œuvres étaient la conséquence de leur foi.

Ces brebis ont tenu ferme dans l’amour et dans la foi, elles ont persévéré.

Quant aux boucs, ils sont eux aussi étonnés des paroles de Jésus.

Ils demandent : « Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé, ou assoiffé, ou étranger, ou nu, ou malade ou en prison et ne t’avons-nous pas servi ? »

Ces boucs sont étonnés, car ils pensaient avoir accompli ce qu’il fallait pour être « en règle ».

Mais le fils de l’homme leur dira : « éloignez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges ».

[Conclusion]

Pour conclure, j’aimerais souligner le lien fort entre les deux textes que nous avons lus.

Le premier texte évoque les bruits de ce monde, les bruits inquiétants, les informations anxiogènes, les catastrophes et le mal qui se répand.

Face à tous ces bruits, il y a de quoi être inquiets ou même en colère contre Dieu. Il y a de quoi sombrer dans le désespoir.

Mais au milieu de ces bruits, Jésus nous fait entendre un autre son de cloche.

Il annonce le salut pour celui qui perce à travers les difficultés avec foi, et celui-ci verra. Il nous dit : persévérez, ne renoncez pas à l’amour et tenez ferme dans la foi.

Le deuxième discours de Jésus illustre ce que signifie justement persévérer dans l’amour et la foi.

Celui qui est en communion avec Jésus aime ce que Dieu aime et voit comme Dieu voit.

La foi en Jésus devrait nous inciter à voir Jésus en chaque être humain. La foi devrait nous inciter à marcher sur les pas du Christ, qui a dit : « je suis venu, non pas pour être servi, mais pour servir ».

Jésus réoriente notre regard. Au lieu de voir ce qui ne va pas et de subir le désespoir, regardons à lui notre espérance, et apportons l’espoir.

Jésus ne nous invite pas seulement à de belles œuvres, il nous invite surtout à nous laisser transformer, au point où servir mon prochain n’est plus un effort, mais un automatisme naturel.

J’aime beaucoup l’histoire du petit garçon sur une plage. Sur cette plage, des milliers de poissons sont échoués sur le rivage et sont en train de mourir.

Le garçon va les ramasser les uns après les autres pour les remettre dans l’eau.

Un homme passe par là et lui dit : « tu ne vas pas pouvoir sauver tous les poissons, il y en a trop. Ce que tu fais ne va pas changer grand-chose ».

Et en réponse à ce discours pessimiste, le garçon prend un poisson sous les yeux de l’homme. Il marche jusqu’à la mer et jette le poisson dans l’eau. Ensuite, il lui répond : « pour celui-là, ça change tout ». Au milieu des bruits anxiogènes de ce monde, faisons entendre le son de l’Évangile qui change tout.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *