
Connaissez-vous la fable du scorpion et de la grenouille ? Un jour, au bord d’une rivière, un scorpion voulait traverser l’eau. Mais il ne savait pas nager.
Il aperçut une grenouille qui se reposait sur une feuille de nénuphar. Le scorpion lui demanda :
– Grenouille, s’il te plaît, peux-tu m’aider à traverser la rivière ? Je monterai sur ton dos, et tu pourras me porter.
La grenouille, méfiante, répondit :
– Mais… tu es un scorpion ! Si je te laisse monter sur mon dos, tu risques de me piquer avec ton dard !
Le scorpion secoua la tête et dit :
– Mais non, voyons ! Si je te pique, tu coulerais, et moi aussi, je me noierais. Ce serait stupide de ma part !
La grenouille réfléchit et accepta de l’aider.
Le scorpion monta sur le dos de la grenouille, et elle commença à nager à travers la rivière.
Mais au milieu de l’eau, le scorpion leva son dard… et piqua la grenouille !
La grenouille, surprise et affaiblie, demanda :
– Pourquoi as-tu fait ça ? Maintenant, nous allons tous les deux couler !
Le scorpion répondit tristement :
– Je n’ai pas pu m’en empêcher… C’est dans ma nature.
Et ils coulèrent tous les deux dans la rivière.
Cette fable populaire, aux origines incertaines, nous met en garde quand il s’agit d’accorder notre confiance ou pas. Mais plus encore, cette triste histoire met en scène un certain pessimisme sur la nature humaine.
Ce récit me rappelle, dans une certaine mesure, le livre de la Genèse, où l’être humain cumule les mauvais choix, de génération en génération, comme si c’était dans la nature de l’homme que de pécher.
Mais la Bible nous donne-t-elle une vision si pessimiste de l’être humain ? Le récit biblique nous laisse-t-il entrevoir une espérance ? Un changement possible de la nature humaine ?
Après avoir parlé de la création la semaine dernière, en Genèse 1, nous allons aborder aujourd’hui les révoltes de l’Homme contre Dieu, en Genèse 3 à 11.
Nous n’allons pas lire les 9 chapitres en entier, je vais simplement résumer les différents récits et lire quelques extraits.
Nous verrons à travers ces chapitres comment le péché s’est répandu et ce que Dieu propose pour arrêter la propagation du mal.
Commençons par Genèse 3, où Adam et Ève mangent du fruit défendu.
[1. Adam et Ève, le fruit défendu]
L’histoire commence avec Adam et Ève, les premiers êtres humains, qui vivent dans le jardin d’Éden, un lieu parfait créé par Dieu.
Quand Dieu les a créés, ils étaient nus l’un devant l’autre, et n’éprouvaient pas de honte. Cette nudité symbolisait l’harmonie. L’homme et la femme n’avaient rien à se cacher, ils vivaient dans la confiance la plus totale entre eux, et également avec Dieu.
Au milieu du jardin, Dieu avait placé deux arbres : l’arbre de vie, et l’arbre de la connaissance du bon et du mauvais.
Nous le lisons dans Genèse 2 verset 9 : « L’éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. Il fit pousser l’arbre de la vie au milieu du jardin, ainsi que l’arbre de la connaissance du [bon et du mauvais]. »
Dieu a donné une seule règle à Adam et Ève : ils peuvent manger de tous les arbres du jardin, sauf celui de la connaissance du bon et du mauvais. Sinon, ils mourront.
Un jour, le serpent, figure du diable, parle avec Ève. Il lui dit que si elle mange du fruit défendu, elle ne mourra pas, mais elle deviendra comme Dieu, elle pourra décider elle-même ce qui est bon ou mauvais pour elle. C’est ce que le texte appelle : « la connaissance du bon et du mauvais ».
Adam et Ève sont séduits par cette promesse. L’homme, courageux comme il est, laisse Ève en manger la première. Ensuite, quand il voit qu’il ne lui arrive rien, il ose en goûter lui aussi.
Après avoir mangé, ils se rendent compte qu’ils sont nus, ils couvrent leur nudité avec des pagnes, mais cela ne les empêche pas de ressentir de la honte, alors ils se cachent.
Dieu les cherche et les interroge. Adam rejette la faute sur Ève, et Ève rejette la faute sur le serpent.
En réponse à leur faute, Dieu prononce des malédictions :
Le serpent sera maudit, il y aura de l’hostilité entre lui et l’être humain, mais un descendant d’Ève lui écrasera la tête.
Pour Ève, les accouchements seront douloureux, et pour Adam, travailler la terre deviendra difficile et pénible.
Enfin, Dieu les expulse du jardin d’Éden pour les empêcher d’accéder à l’arbre de la vie et de vivre éternellement dans la désobéissance à Dieu.
Afin de couvrir leur nudité, Dieu leur fabrique des vêtements en peau de bêtes.
Je vous suggère de garder ce résumé en tête, car tous les autres chapitres feront référence à ce premier péché raconté.
Passons maintenant au chapitre 4 et au meurtre de Caïn.
[2. Caïn et Abel, le premier meurtre]
L’histoire se concentre sur deux frères, Caïn et Abel, les fils d’Adam et Ève.
Caïn est cultivateur, tandis qu’Abel est berger. Tous deux offrent des sacrifices à Dieu : Caïn apporte des fruits de la terre, et Abel offre les premiers-nés de son troupeau. Dieu accepte favorablement l’offrande d’Abel, mais rejette celle de Caïn. Pourquoi ?
Voici ce que nous lisons en Hébreux 11.4 : « C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice meilleur que celui de Caïn. Par cette foi, il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes. »
Ce qui importe, ce n’est pas seulement ce qui est offert, mais l’état d’esprit avec lequel les offrandes sont faites à Dieu.
Caïn semble donc ne pas avoir été dans un bon état d’esprit. De plus, comme Dieu approuve l’offrande d’Abel, mais pas le sien, ce dernier devient jaloux.
Dieu prévient Caïn que la colère et le péché sont dangereux, mais Caïn ne l’écoute pas. Il invite Abel dans un champ et le tue, devenant ainsi le premier meurtrier de l’histoire biblique.
Quand Dieu demande à Caïn où est son frère, il répond : « Suis-je le gardien de mon frère ? » Mais Dieu sait ce qu’il a fait et le condamne à devenir errant, maudit sur la terre. Caïn, désespéré, craint d’être tué par d’autres, alors Dieu met un signe sur lui pour le protéger.
Quels sont les liens avec Genèse 3 ?*
Genèse 3 | Genèse 4 |
le Seigneur Dieu appela l’homme ; il lui dit : « où es-tu ? » (v. 9) | le Seigneur dit à Caïn : « où est Abel, ton frère ? » (v. 9) |
qu’as-tu fait là ? (v. 13, litt) | qu’as-tu fait ? (v. 10) |
la terre sera maudite à cause de toi (v. 17) | tu seras maudit, chassé de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère (v. 11) |
jusqu’à ce que tu retournes à la terre, puisque c’est d’elle que tu as été pris, car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière (v. 19) | tu seras errant et vagabond sur la terre (v. 12) |
Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des habits de peau, dont il les revêtit (v. 21) | Le Seigneur mit un signe sur Caïn pour que ceux qui le trouveraient ne l’abattent pas (v. 15) |
Le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d’Eden […] il posta, à l’est du jardin d’Eden, des kerouvim (v. 23-24) | Caïn se retira de devant le Seigneur et s’installa au pays de Nod, à l’est d’Eden (v. 16) |
Dans les deux récits, Dieu prend l’initiative du dialogue, il laisse aux humains la possibilité d’avouer leur faute et ainsi de se repentir.
D’ailleurs, lorsque Dieu demande à Adam et Ève pourquoi ils se cachent, ils avouent leur faute.
Mais quand Dieu demande à Caïn : où est ton frère ? Ce dernier répond à Dieu avec affrontement. Il dira : « je n’en sais rien », et il ajoute « suis-je le gardien de mon frère » ?
Non seulement il ment, mais en plus, il agresse Dieu et lui retourne le reproche. C’est l’attitude typique de quelqu’un chez qui on a découvert une faute, et qui réplique de manière agressive en retournant la situation. Il se dédouane et reproche à celui qui pose la question de manquer de confiance.
De plus, alors qu’Adam et Ève sont restés silencieux en écoutant les sanctions de Dieu, Caïn ose répondre et même juger la condamnation de Dieu, en disant au verset 13 : « mon châtiment est trop dur à porter ».
Malheureusement, cette défiance vis-à-vis de Dieu s’aggrave de génération en génération.
Passons maintenant à l’histoire de Noé et sa famille, qui est racontée des chapitres 5 à 10.
[3. Noé et sa famille, le déshonneur]
Après Caïn et Abel, le temps passe, le cœur de l’homme est de plus en plus mauvais. Voici le constat de Dieu au chapitre 6, verset 5 :
« L’Éternel vit que les hommes commettaient beaucoup de mal sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur se portaient constamment et uniquement vers le mal. »
À ce moment-là, Dieu projette de tout arrêter et de tout détruire. Mais il y a un homme, Noé, qui trouve grâce aux yeux de Dieu. Chapitre 6, versets 8 et 9 :
« Cependant, Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel. Voici l’histoire de Noé. C’était un homme juste et intègre dans sa génération, un homme qui marchait avec Dieu. »
Dieu décide de détruire toute la région habitée en envoyant un déluge, mais il préserve Noé et sa famille, ainsi que les animaux. Il donne des instructions précises à Noé pour construire une grande arche.
Noé obéit. Il rassemble sa famille et un couple de chaque espèce animale dans l’arche. Une fois tout le monde à l’abri, le déluge commence : il pleut abondamment pendant 40 jours et 40 nuits. L’eau recouvre tout, même les montagnes.
Quand la pluie s’arrête, l’arche flotte sur l’eau pendant plusieurs mois. Finalement, les eaux commencent à baisser. Noé envoie une colombe pour vérifier si la terre est sèche. La colombe revient d’abord sans rien, puis elle revient avec une branche d’olivier dans son bec, signe que les eaux se retirent. Plus tard, elle ne revient pas, car elle a trouvé un endroit où se poser.
Noé, sa famille et tous les animaux sortent de l’arche. Pour montrer sa reconnaissance, Noé offre un sacrifice à Dieu, qui promet de ne plus jamais détruire la terre avec un déluge. Comme signe de cette promesse, Dieu place un arc-en-ciel dans le ciel.
Noé devient agriculteur et plante une vigne. Un jour, il boit du vin de sa vigne et se retrouve ivre, allongé nu dans sa tente.
Cham, l’un des fils de Noé, entre dans la tente, voit son père dans cet état, et, au lieu d’agir avec discrétion ou de garder ça pour lui, il sort pour en parler à ses frères avec un manque de respect évident.
Sem et Japhet réagissent différemment : ils prennent un manteau, entrent à reculons dans la tente pour ne pas voir leur père nu, et le couvrent avec respect.
Quand Noé se réveille et apprend ce qui s’est passé, il est très en colère contre Cham. Il prononce une malédiction non pas sur Cham directement, mais sur Canaan, le fils de Cham. À l’inverse, Noé bénit Sem et Japhet pour leur respect envers lui.
À première vue, Cham semble avoir commis une faute pas si grave, mais voir l’un de ses parents nus, s’en moquer et le crier sur tous les toits, c’est une faute et un déshonneur.
Le récit de cet épisode montre encore des similitudes avec Adam et Ève en Genèse 3 :*
Genèse 3 | Genèse 9 |
« Dieu planta un jardin en Eden et il y mit l’homme (…) pour le cultiver et le garder » (2.8.15) | « Noé plante une vigne » (v. 20) |
« elle prit de son fruit et en mangea… il en mangea » (v. 6) | « Il but du vin » (v. 20) |
Adam et Ève sont gênés par leur nudité (v. 7) | La nudité de Noé est problématique (v. 22-23) |
Ils se font des pagnes (v. 7) Dieu les revêt d’habits de peau (v. 21) | Sem et Japhet couvrent leur père avec un manteau (v. 23) |
« Leurs yeux s’ouvrirent, et ils connurent qu’ils étaient nus » (v. 7) | « Lorsque Noé se réveilla de son vin, il connut ce que lui avait fait son fils cadet » (v. 24) |
On voit que le récit est rédigé de façon à faire comprendre que, malgré le déluge et le nouveau départ, le péché a rapidement refait surface comme avec Adam et Ève.
Le récit suivant nous le confirme. Il s’agit de l’histoire de la tour de Babel. Ce sera notre dernière partie avant la conclusion.
[4. La tour de Babel et la gloire humaine]
Comme ce dernier récit est court, je vous invite à le lire en entier :
1 Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.
2 Après avoir quitté l’est, ils trouvèrent une plaine dans le pays de Shinear et s’y installèrent. 3 Ils se dirent l’un à l’autre: «Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu!» La brique leur servit de pierre, et le bitume de ciment. 4 Ils dirent encore: «Allons! Construisons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel et faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la Terre.»
5 L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que construisaient les hommes,
6 et il dit: «Les voici qui forment un seul peuple et ont tous une même langue, et voilà ce qu’ils ont entrepris! Maintenant, rien ne les retiendra de faire tout ce qu’ils ont projeté.
7 Allons! Descendons et là brouillons leur langage afin qu’ils ne se comprennent plus mutuellement.»
8 L’Éternel les dispersa loin de là sur toute la surface de la Terre. Alors ils arrêtèrent de construire la ville. 9 C’est pourquoi on l’appela Babel: parce que c’est là que l’Éternel brouilla le langage de toute la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre.
Babel est le nom hébreu pour désigner la ville de Babylone, qui se trouve dans l’Irak actuelle.
En 1899, des archéologues ont découvert les vestiges de cette tour de Babel. C’était une tour carré qui a pu être construite au moins 23 siècles avant Jésus-Christ et qui abritait plusieurs temples, dont le temple du dieu Marduk, le plus grand Dieu de Babylone.
Babylone signifie « porte de Dieu ». Les hommes qui ont fabriqué la tour de Babel avaient pour ambition de faire le lien entre l’humanité et dieu.
Leur projet était non seulement de former un peuple qui se lève d’une même voix pour s’élever au rang de Dieu, mais aussi de se faire un nom, une réputation, une gloire.
Quels sont les liens avec Genèse 3 et Adam et Ève ? Ici, les points communs sont à regarder au niveau des réactions de Dieu.*
Genèse 3 | Genèse 11 | |
Constat | ainsi, l’homme est devenu comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du bon et du mauvais (v. 22, litt.) | ainsi, (ils sont) un seul peuple… (v. 6, litt.) |
Prévision | et maintenant (litt.), qu’il ne tende pas la main pour prendre aussi l’arbre de la vie, en manger et vivre pour toujours (v. 22) | et maintenant (litt.), rien ne les empêche de réaliser tous leurs projets (v. 6) |
Sanction salutaire | le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d’Eden (v. 23) | « descendons et confondons là leur langue » (v. 7, litt.) |
Maintenant que nous avons parcouru les récits de Genèse 3 à 11, que pouvons-nous en tirer comme enseignement ?
Je vous propose de conclure en revenant à l’histoire du scorpion et de la grenouille.
[Conclusion]
Dans ce conte, le scorpion avoue lui-même que piquer est dans sa nature, il ne peut pas faire autrement, même s’il sait qu’en tuant la grenouille, il se tue lui-même.
De la même manière, Genèse 3 à 11 nous montre qu’à chaque fois que l’être humain se détourne de Dieu, il pique et perce sa propre bouée de sauvetage.
Ces récits illustrent divers péchés, comme le désir d’être égal à Dieu, la jalousie, le meurtre, la moquerie, la recherche de gloire humaine.
Pourtant, Dieu intervient à chaque fois avec des sanctions pédagogiques et salutaires : il chasse Adam et Ève pour les empêcher de vivre éternellement dans la désobéissance, il chasse Caïn, mais le protège, il envoie le déluge, mais préserve Noé pour reconstruire avec lui.
Mais ces mesures suffisent-elles à changer le cœur humain ? Non. Déjà, des indices annoncent un sauveur, comme la descendance d’Ève, qui écrasera la tête du serpent.
En attendant ce sauveur, Dieu va former un peuple et lui confier la mission de diffuser une Bonne Nouvelle. Si l’être humain n’est pas capable de changer son cœur et sa nature, Dieu peut opérer cette transformation. C’est ce que vont annoncer les prophètes, le Christ et les apôtres, dans tout le reste de la Bible.
Christian Huy
*Tous les tableaux sont des reproductions totales ou partielles tirées du livre suivant : Matthieu RICHELLE, Comprendre Genèse 1-11 aujourd’hui, Excelsis, 2021, 300 p.