Un Dieu ordinaire ou extraordinaire ? (Ruth 4)

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Êtes-vous fan d’une personnalité ? À la fin des années 90 et au début des années 2000, il y avait une émission télé qui s’intitulait « Fan de ». Elle passait en revue les stars du moment, et permettait parfois à des fans de rencontrer leur chanteur ou chanteuse préféré(e).

On y voyait des fans émus aux larmes, touchant leur idole, comme s’ils réalisaient le rêve de leur vie. Ces personnes n’hésitent pas à dépenser beaucoup d’argent pour suivre leurs stars en tournée, acheter leurs disques, et même collectionner les magazines qui parlent d’eux.

Dans le milieu chrétien, j’entends parfois des gens dire : « Moi, je ne suis fan de personne, à part de Jésus. »

Pourtant, un phénomène actuel attire mon attention : l’émergence de superstars chrétiennes.

Des pasteurs, orateurs ou chanteurs qui rassemblent des foules entières et qui ont parfois un véritable « fan club ». Ces personnalités ont souvent accompli de belles choses pour Dieu ou partagent des témoignages marquants.

Certains parlent de leur parcours difficile et de comment Dieu les a soutenus ; d’autres sont d’excellents orateurs ou composent des chansons à succès international.

Je précise que je n’ai rien contre ces hommes et ces femmes de foi ; ils peuvent être une bénédiction et un exemple pour nous. Ce qui m’interpelle, cependant, c’est la place importante que le public chrétien leur donne, au risque de les élever de manière excessive.

Parfois, on considère qu’une personne est plus proche de Dieu, plus sainte, ou plus utile dans son service, lorsqu’elle accomplit des œuvres spectaculaires. Par exemple, lorsque ses prières sont accompagnées de miracles, ou lorsqu’à la suite d’un témoignage, des personnes tombent à genoux, ressentant aussitôt leur besoin de Jésus.

Cela peut donner l’impression que les chrétiens plus simples ont une importance secondaire. Cela peut même culpabiliser des communautés ordinaires, qui n’ont pas forcément 100 000 abonnés YouTube par exemple.

J’ai déjà rencontré des personnes qui croient que si une Église est petite, si elle n’est pas riche ou si la moyenne d’âge est élevée, cela veut dire qu’elle ne plait pas assez à Dieu, et donc que Dieu ne béni pas beaucoup cette communauté.

Nous vivons dans une société où l’image est très importante. Le spectaculaire, la grandeur, les richesses et la jeunesse sont des signes de prospérité.

Les jeunes et les moins jeunes prennent en photo leurs exploits et leurs voyages pour les partager sur les réseaux sociaux, et obtenir ainsi des « likes » et des félicitations.

Ces outils de communication, utilisés de manière modérée, sont de bons moyens de partage et de liens entre amis et entre membres d’une même famille. Mais cela comporte également des risques.

À force suivre la vie palpitante des autres, à force d’admirer et d’envier les superstars chrétiennes sur les réseaux sociaux, à force de voir des centaines d’influenceurs atteindre le succès grâce à l’exposition de leur vie excitante, on risque de se comparer et de se demander : et moi ? Qu’est-ce que je fais d’extraordinaire pour Dieu ? Ma vie n’est-elle pas fade ?

Comment ces papas ou mamans font pour élever 3 enfants en bas âge, avoir une maison toujours propre, un gazon toujours bien tondu, tenir un blog, poster 10 vidéos YouTube par semaine, être engagé à l’Église, écrire un livre par an, faire des conférences dans toute la France et avoir toujours le sourire ?

Dans la Bible, j’aime beaucoup le livre de Ruth, car il raconte l’histoire de personnes ordinaires, que Dieu utilise pour son plan extraordinaire.

L’étude de ce livre me fait dire que Dieu agit davantage dans l’ordinaire que dans l’extraordinaire. Et quand il agit dans l’ordinaire, il accomplit son plan extraordinaire.

Lorsque l’apôtre Paul a demandé à Dieu de le libérer d’une écharde dans sa chair – une manière symbolique de parler d’un handicap qui lui pèse – Dieu a répondu : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Co 12.9).

C’est ce que nous découvrons tout au long du livre de Ruth, dont nous avons déjà lu les trois premiers chapitres. Ce matin, je vous propose de lire le 4e et dernier chapitre, mais avant cela, voici un résumé des chapitres précédents.

[Résumé des chapitres 1 à 3]

Le livre de Ruth commence par l’histoire d’une famille de Bethléem, en Israël. Elle est composée d’Élimélec, le père, de Naomi, sa femme, et de leurs deux fils, Machlon et Kiljon. En raison d’une grande famine, Élimélec décide de quitter Bethléem avec sa famille pour aller à Moab à la recherche de nourriture.

Malheureusement, à Moab, Élimélec meurt, laissant Naomi seule avec ses deux fils. Ceux-ci se marient avec des femmes moabites, Orpa et Ruth. Pendant dix ans, la famille vit à Moab, mais les deux fils finissent par mourir, laissant Naomi sans mari et sans enfants.

Un jour, Naomi apprend que la famine est terminée à Bethléem. Elle décide donc de retourner chez elle et encourage ses belles-filles à retourner dans leur famille à Moab, car elle ne peut rien leur offrir. Orpa accepte et rentre chez elle, mais Ruth refuse de quitter Naomi. Elle déclare avec détermination :

« Où tu iras, j’irai; où tu habiteras, j’habiterai. Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu. » (1.16)

Ruth choisit de suivre Naomi et de croire en l’Éternel, même si cela signifie abandonner son pays.

À leur arrivée à Bethléem, leur situation est difficile. Dans le chapitre 2, Ruth décide de ramasser des épis dans les champs pour subvenir à leurs besoins. Selon la loi israélite, les pauvres pouvaient glaner les épis laissés par les moissonneurs.

Ruth se rend dans un champ qui appartient à Boaz, un homme riche et un parent éloigné de Naomi. Elle commence à glaner sans rien savoir du propriétaire.

Boaz apprend alors tout ce que Ruth a fait pour sa belle-mère Naomi, il est touché par sa loyauté. Il lui permet de rester dans ses champs et veille à ce qu’elle ait suffisamment à manger.

Ruth travaille dur et ramène beaucoup d’orge à la maison. En découvrant que Boaz l’a aidée, Naomi se réjouit et loue Dieu, car Boaz pourrait changer leur sort.

À cette époque, une veuve sans enfants, comme Naomi, était souvent vulnérable. Selon la tradition israélite, un parent proche, appelé le go’el ou « rédempteur », pouvait l’aider de deux manières :

  1. Racheter les terres : Si une famille devenait pauvre, le go’el pouvait acheter ses terres pour préserver son héritage.
  2. Se marier avec la veuve : Le go’el pouvait épouser une veuve sans enfants pour lui donner une descendance qui porterait le nom de son mari décédé.

Boaz est donc un potentiel Go’el pour Ruth et Naomi. Dans le chapitre 3, Ruth demande ainsi à Boaz de devenir son rédempteur. Cependant, il explique qu’il n’est pas le parent le plus proche et qu’il doit d’abord consulter un autre homme qui a priorité pour le droit de rachat.

C’est ce qu’il fait au chapitre 4 que nous lisons maintenant.

1 Boaz monta à la porte de la ville et s’y arrêta. Or, celui qui avait droit de rachat et dont Boaz avait parlé vint à passer. Boaz lui dit: «Approche-toi, assieds-toi ici, toi un tel.» Il s’approcha et s’assit.
2 Boaz prit alors dix hommes parmi les anciens de la ville et dit: «Asseyez-vous ici.» Ils s’assirent.
3 Puis il dit à celui qui avait le droit de rachat: «Naomi est revenue du pays de Moab, et elle vend la parcelle de terre qui appartenait à notre frère Elimélec.

4 J’ai cru devoir t’en informer et te dire: ‘Fais-en l’acquisition devant les habitants de la ville et les anciens de mon peuple.’ Si tu veux la racheter, rachète-la, mais si tu ne veux pas, déclare-le-moi afin que je le sache. En effet, il n’y a personne avant toi qui ait le droit de rachat et je l’ai après toi.» Il répondit: «Je la rachèterai.»

5 Boaz dit: «Le jour où tu achèteras le champ à Naomi, tu l’acquerras aussi de Ruth la Moabite, la femme du défunt, et tu devras maintenir le nom du défunt sur son héritage.»
6 Celui qui avait le droit de rachat répondit: «Je ne peux pas exercer ce droit de rachat pour mon compte, sinon je détruirai mon héritage. Prends pour toi mon droit de rachat, car je ne peux pas l’exercer.»
7 Autrefois en Israël, pour valider toute affaire relative à un rachat ou à un échange, on retirait sa sandale et on la donnait à l’autre: c’était ce geste qui servait d’attestation en Israël.

8 Celui qui avait le droit de rachat dit donc à Boaz: «Fais-en l’acquisition pour ton compte» et retira sa sandale. 9 Alors Boaz dit aux anciens et à tout le peuple: «Vous êtes témoins aujourd’hui que j’ai acquis de la main de Naomi tout ce qui appartenait à Elimélec, à Kiljon et à Machlon, 10 et que j’ai également acquis pour femme Ruth la Moabite, femme de Machlon, pour maintenir le nom du défunt sur son héritage afin qu’il ne disparaisse pas parmi ses frères ni à la porte de sa ville. Vous en êtes témoins aujourd’hui!»

11 Tout le peuple qui était à la porte et les anciens dirent : «Nous en sommes témoins ! Que l’Éternel rende la femme qui entre dans ta famille semblable à Rachel et à Léa, qui ont toutes les deux donné naissance à la communauté d’Israël ! Montre ta force dans Ephrata et fais-toi un nom dans Bethléhem !
12 Puisse la descendance que l’Éternel te donnera par cette jeune femme faire ressembler ta famille à celle de Pérets, que Tamar a donné à Juda!»

13 Boaz épousa Ruth; elle devint sa femme et il s’unit à elle. L’Éternel permit à Ruth de devenir enceinte et elle mit au monde un fils.
14 Les femmes dirent à Naomi: «Béni soit l’Éternel qui ne t’a pas laissée manquer aujourd’hui d’une personne ayant le droit de rachat! Que son nom soit célébré en Israël!
15 Cet enfant sera ton réconfort et le soutien de ta vieillesse, car ta belle-fille qui t’aime l’a mis au monde, elle qui vaut mieux pour toi que sept fils.»

16 Naomi prit l’enfant, le serra sur sa poitrine et l’éleva.
17 Les voisines lui donnèrent un nom en disant: «Un fils est né à Naomi», et elles l’appelèrent Obed. Ce fut le père d’Isaï, père de David.
18 Voici la lignée de Pérets.
19 Pérets eut pour fils Hetsron, Hetsron eut Ram, Ram eut Amminadab, 20 Amminadab eut pour fils Nachshon, Nachshon eut Salmon,
21 Salmon eut pour fils Boaz, Boaz eut Obed, 22 Obed eut pour fils Isaï et Isaï eut David.

[1. Boaz, l’honnêteté et la générosité]

La première moitié du récit comporte beaucoup d’éléments culturels.

Avant de pouvoir acheter les terres de Naomi, et avant de pouvoir épouser Ruth, Boaz doit s’assurer que le parent le plus proche refuse son droit de rachat. Pour cela, il convoque cet homme et demande à des témoins d’assister à leur discussion.

Au départ, ce parent proche semble intéressé par les terres. Cependant, lorsqu’il apprend qu’il doit aussi épouser Ruth, subvenir à ses besoins, lui assurer une descendance et lui laisser un héritage, il change d’avis, car financièrement, ce n’est pas avantageux.

Boaz, devant témoins, se déclare prêt à devenir le Go’el, le rédempteur de Ruth.

Ce passage met en lumière l’honnêteté de Boaz. Il agit selon les règles et devant témoins. Cela garantit la légitimité de son rachat des terres et de son mariage.

Nous voyons également la générosité de cet homme. Il a déjà aidé Ruth financièrement et projette maintenant de prendre soin d’elle et de sa belle-mère, Naomi.

La bienveillance de Boaz m’interpelle sur le sens de la famille. Le texte ne nous dit pas précisément ce qui motive Boaz. Il est peut-être amoureux de Ruth. En tout cas, dans les chapitres 2 et 3, il admire sa fidélité à Dieu et sa loyauté envers sa belle-mère.

Boaz a certainement aussi un sens aigu de la famille. En tant que membre de la famille d’Élimelek, il se sentait appelé à jouer le rôle du Go’el.

Nous vivons aujourd’hui dans une société similaire à celle de Boaz, pendant la période des Juges en Israël, où chacun faisait ce qui lui semblait bon sans se soucier des autres.

Notre société peut malheureusement se montrer égoïste et égocentrique. Le sens de la famille, l’honnêteté et le respect peuvent faire défaut. Malheureusement, ces valeurs peuvent même faire défaut chez les chrétiens et dans les Églises.

L’exemple de Boaz nous encourage et nous pousse à réfléchir.

Même dans un monde corrompu, même dans une société divisée par des questions politiques et éthiques, où les familles peinent à rester unies, nous pouvons encore trouver des gens honnêtes, respectueux, généreux, qui ont le sens de la famille au sens large, puisque Boaz était seulement un parent éloigné d’Élimelek.

Nous sommes évidemment invités à nous inspirer de l’exemple de Boaz. Il est lui-même un témoin et une préfiguration de Jésus.

En effet, Jésus est notre rédempteur. Alors que nous étions pauvres spirituellement, sans espérance, il est venu racheter nos faiblesses et nos fautes, pour nous restaurer et nous sauver des conséquences du péché.

[2. Ruth et Naomi, l’extraordinaire dans l’ordinaire]

Dans la seconde moitié du récit, nous découvrons la fin heureuse : le mariage et la naissance d’Obed, le fils de Boaz et Ruth.

Ce garçon est une bénédiction pour Naomie, qui avait perdu son mari et ses deux enfants. Il est également une bénédiction pour Ruth et Boaz, et pour nous aujourd’hui.

L’auteur prend le soin de retracer la généalogie d’Obed.

Nous apprenons que Boaz est le fils de Salmon. Ce n’est pas un personnage très connu, mais il est mentionné dans le Nouveau Testament, dans l’Évangile selon Matthieu chapitre 1 verset 5 : « Salmon eut Boaz de Rahab; Boaz eut Obed de Ruth ».

Rahab, la femme de Salmon est plus connue, car elle apparaît dans le livre de l’Exode. Il s’agit de Rahab la prostituée, celle qui a aidé les espions hébreux à fuir de Jéricho. Elle a exprimé sa foi en Dieu et a demandé à être accueillie par le peuple hébreu.

Elle est la mère de Boaz. C’est peut-être aussi pour cela que Boaz a si bien accueilli une étrangère. Sa mère était elle-même étrangère au peuple.

La généalogie à la fin du livre de Ruth nous apprend également qu’Obed est le grand-père du roi David, ancêtre de Jésus.

Depuis la Genèse, le plan de Dieu pour sauver l’humanité du péché est centré sur Jésus. Sa venue était prévue depuis le départ. Boaz et Ruth ont été choisis pour être les ancêtres de Jésus.

À travers cette histoire ordinaire, Dieu réalisait son plan extraordinaire, qui consiste à sauver l’humanité entière.

La venue de Jésus et son œuvre sur la croix représentent la plus grande manifestation de l’amour de Dieu. Naomie, Ruth et Boaz ont participé à ce plan sans même le savoir.

Naomie et Ruth étaient deux femmes qui avaient tout perdu et cherchaient simplement à survivre dans un monde difficile, confrontées à la famine, aux épreuves et à l’insécurité financière.

Elles ont choisi de suivre Dieu et de se laisser guider. Boaz, pour sa part, a agi avec respect, loyauté et générosité, et Dieu les a utilisés pour participer à son grand projet : la naissance du Sauveur du monde.

[Conclusion]

En conclusion, nous aussi, dans notre quotidien, dans les choses ordinaires, chaque fois que nous faisons preuve d’honnêteté, de respect, de générosité, d’esprit de famille au nom de Dieu, nous agissons comme Boaz, Naomie et Ruth.

Nous ne sommes pas des superstars et tant mieux, car Dieu agit davantage dans la faiblesse, la simplicité et l’humilité.

Ruth ne savait pas qu’elle participait au plus beau projet de Dieu. De même, nous n’avons pas besoin de chercher à accumuler des « likes » ou des félicitations pour nos actions.

Laissons-nous guider par le Saint-Esprit, et réjouissons-nous, car nous n’avons rien à prouver ; nous avons tout à recevoir de celui qui a tout accompli en Jésus-Christ.

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