Être averti, ça vaut le coup (Matthieu 25-31-46)

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Il y a quelques années, j’ai trouvé dans un magasin de seconde main un caquelon à fondue en terre cuite. Son état était très convenable et le prix était intéressant. Aude et moi nous sommes dits : « chouette, on va pouvoir manger des fondues à la maison ! »

Quelques jours plus tard, nous achetons du fromage et commençons à préparer la fondue. Je pose le caquelon sur la plaque vitrocéramique, je mets les ingrédients, et j’allume. Sauf que rapidement, nous remarquons une fissure dans le récipient. Déçus, nous avons mis cela sur le compte de la mauvaise qualité de l’ustensile. Nous avons consommé la fondue dans une simple casserole.

Quelques semaines plus tard, en visite chez ma belle-famille en Suisse, nous sommes invités à une grande fondue, et nous remarquons que les caquelons utilisés sont également en terre cuite. En regardant les personnes préparer le fromage, nous voyons qu’elles versent de l’eau chaude dans les caquelons avant de les utiliser.

Et là, nous comprenons notre erreur, tout s’éclaire, nous aurions dû y penser. La terre cuite ne peut pas supporter d’être exposée subitement à une grande chaleur, à cause du risque de choc thermique.

Cet avertissement figure sur les notices d’utilisation. Cependant, comme nous avions acheté notre ustensile en magasin de seconde main, nous n’avions pas la notice. Et même si nous l’avions eue, je ne sais pas si nous aurions lu les avertissements.

Voici ce qu’indiquent les notices des caquelons en terre cuite :

« Ne pas exposer à des changements de température extrêmes. (…) Ne convient pas pour l’induction, ni pour les plaques vitrocéramiques ou électriques. »

Nous avions cumulé deux erreurs : le changement brutal de température, et l’utilisation sur une plaque vitrocéramique.

Cette expérience est un exemple qui me fait dire que bien souvent, les avertissements sont importants. Et surtout : ils ne sont pas donnés pour nous embêter, mais pour nous rendre service.

Jésus a donné des avertissements à ses disciples. En général, nous n’aimons pas ce genre de recommandation, car nous avons l’impression de ne pas faire comme nous voulons. Pourtant c’est utile, cela nous empêcher de commettre des erreurs.

Mon caquelon n’avait coûté que quelques euros, mais d’autres erreurs peuvent nous coûter plus cher.

Dans l’Évangile selon Matthieu, deux jours avant de mourir, Jésus a eu à cœur de parler de la fin des temps à ses disciples. Dans son discours, qui est rapporté sur deux chapitres, il leur recommande de veiller sans relâche, car la fin des temps arrivera un jour, ainsi que le jugement de tout être humain.

Je pense que son discours est à prendre comme un avertissement qui a pour but de nous inviter à prendre la bonne route. Cela est donc primordial que nous méditions sur ces paroles, qui sont d’autant plus importantes, dans la mesure où Jésus livre ce qu’il a sur le cœur avant de mourir.

Je vous propose de lire l’un des paragraphes de son discours, dans l’Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 31 à 46.

31 »Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous les [saints] anges, il s’assiéra sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs; 33 il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: ‘Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création du monde!

35 En effet, j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger et vous m’avez accueilli; 36 j’étais nu et vous m’avez habillé; j’étais malade et vous m’avez rendu visite; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi.’
37 Les justes lui répondront: ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé et t’avons-nous donné à manger, ou assoiffé et t’avons-nous donné à boire? 38 Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons-nous accueilli, ou nu et t’avons-nous habillé? 39 Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous allés vers toi?’

40 Et le roi leur répondra: ‘Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’
41 Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche: ‘Éloignez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges!

42 En effet, j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire; 43 j’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli; j’étais nu et vous ne m’avez pas habillé; j’étais malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite.’ 44 Ils répondront aussi: ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé, ou assoiffé, ou étranger, ou nu, ou malade ou en prison et ne t’avons-nous pas servi?’

45 Et il leur répondra: ‘Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait cela à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’
46 Et ils iront à la peine éternelle, tandis que les justes iront à la vie éternelle.»

À première vue, ce texte semble soutenir l’idée répandue selon laquelle les gens qui font le bien iront à la vie éternelle, et les gens qui font le mal iront à la peine éternelle.

Cette idée peut être assez plaisante, car selon les critères propres à chacun, la plupart des gens s’estimeront assez bon pour mériter le paradis.

Mais si l’on fait bien attention, Jésus ne présente pas vraiment les choses ainsi. Arrêtons-nous premièrement sur les brebis et les boucs. Qui sont les brebis, et qui sont les boucs ?

[1. Les brebis et les boucs]

À l’époque de Jésus, il semblerait que les bergers pouvaient réunir dans un même troupeau des brebis et des boucs. Mais à certains moments, ils pouvaient également les séparer, pour les faire manger dans des pâturages différents.

Jésus utilise cette image de séparation, pour dire que dans l’humanité, il y a deux façons de vivre.

La première manière de vivre conduit à la vie éternelle. Voici comment Jésus parle à ceux qu’ils désignent comme des brebis, versets 35 et 36 :

« J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger et vous m’avez accueilli; 36 j’étais nu et vous m’avez habillé; j’étais malade et vous m’avez rendu visite; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. »

Et verset 40 : « Toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Si l’on ne s’en tenait qu’à cette description, les brebis sont effectivement ceux font le bien, ceux qui aident les démunis.

Mais Jésus donne une précision supplémentaire sur les brebis. Voici comment elles réagissent aux paroles du roi, aux versets 37 à 39 :

« Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé et t’avons-nous donné à manger, ou assoiffé et t’avons-nous donné à boire? 38 Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons-nous accueilli, ou nu et t’avons-nous habillé? 39 Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous allés vers toi? »

Les brebis, c’est-à-dire, les personnes que Jésus approuve, sont surprises par les paroles de Jésus. Elles ne se rendent pas compte qu’elles font le bien.

Autrement dit : la compassion fait tellement partie intégrante de leur nature qu’ils ne voient plus cela comme une œuvre ou un effort, mais comme une manière naturelle de vivre.

Regardons maintenant la réaction des boucs, ceux que Jésus désapprouve. Eux aussi, sont surpris lorsque Jésus parle de leurs manquements, des versets 42 à 43 :

« J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire; 43 j’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli; j’étais nu et vous ne m’avez pas habillé; j’étais malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite. »

Et leur réaction : « Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé, ou assoiffé, ou étranger, ou nu, ou malade ou en prison et ne t’avons-nous pas servi? »

Et Jésus ajoute (v. 45) : « toutes les fois que vous n’avez pas fait cela à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. »

Alors que les brebis sont surprises quand Jésus leur dit qu’elles ont bien agi, les boucs sont surpris quand Jésus leur dit qu’ils n’ont pas agi avec compassion.

Ceux qui agissent bien ne se rendent pas compte de leurs actes de bonté, car cela leur est naturel. Et à l’inverse, ceux qui n’ont pas fait preuve de compassion ne réalisent pas leur manquement.

Devant le roi, les uns s’étonnent de son approbation et les autres s’étonnent de sa désapprobation. Ces derniers restent convaincus de leur bonté et tiennent tête au juge.

La description que Jésus fait des brebis et des boucs montre bien qu’il ne s’agit pas seulement du comportement, mais surtout du cœur de la personne.

Un autre détail également nous aide à mieux comprendre de quoi Jésus parle exactement.

Lorsque Jésus répond à la question de ceux qui sont à sa droite, il mentionne les plus petits de ses frères (v. 40) : « Toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Qui sont ces frères en question ? C’est mon deuxième point.

[2. Les frères ?]

Certaines personnes pensent que ce sont les frères et sœurs de Jésus en humanité, c’est-à-dire, tout être humain.

C’est une lecture possible, mais je préfère toujours m’inspirer du contexte pour comprendre les termes.

Dans l’Évangile selon Matthieu, lorsque Jésus parle de ses frères et sœurs, il parle de ses disciples.

Par exemple, voici ce qu’il dit au chapitre 12 (v. 48b-50) : «Qui est ma mère et qui sont mes frères?» 49 Puis il tendit la main vers ses disciples et dit: «Voici ma mère et mes frères. 50 En effet, celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère.»

Et lorsque le roi répond à ceux qui sont à sa gauche, il ne mentionne pas les plus petits de ses frères, mais simplement les petits.

Là encore, les petits, dans l’Évangile selon Matthieu, désignent les disciples de Jésus. Par exemple, nous lisons ceci au chapitre 10 (Jésus parle à ses disciples en disant) :

40 »Si quelqu’un vous accueille, c’est moi qu’il accueille, et celui qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. 41 Celui qui accueille un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et celui qui accueille un juste en qualité de juste recevra une récompense de juste.
42 Et si quelqu’un donne à boire ne serait-ce qu’un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense.»

En résumé, lorsque Jésus approuve ceux qui sont à sa droite, il se réjouit de leur manière de vivre marqué par une compassion naturelle, notamment une compassion envers ses disciples, qui sont les témoins et les ambassadeurs du Christ.

Et lorsque Jésus désapprouve ceux qui sont à sa gauche, il regrette leur manque de compassion, notamment envers ses disciples.

Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut être bon qu’envers les chrétiens. Si l’on prend la Bible dans son ensemble, Dieu nous appelle à aimer notre prochain, quel qu’il soit.

Mais ici, Jésus n’aborde pas directement le sujet des œuvres. Il n’est pas en train de dire qu’il faut simplement faire le bien pour être sauvé. Il est en train d’enseigner que nos actes, notamment notre attitude envers ses disciples, reflètent la manière dont nous accueillons le Christ. Cela reflète donc notre foi.

Le salut n’est pas avant tout une question de bonnes œuvres, c’est une question de façon de vivre qui découle de la foi. Le point de départ est bien la foi.

Maintenant, revenons à l’avertissement présent et au jugement à venir. C’est mon troisième point.

[3. Avertissement présent, jugement à venir]

Jésus est-il discriminant ? Est-il un juge méchant ?

La notion de jugement divin est parfois mal comprise et je pense que cette parabole nous aide à la comprendre un peu plus.

Tout d’abord, l’action du juge ici consiste à simplement séparer les brebis et les boucs. Le juge ne fait que prendre acte que certains sont des brebis et d’autres des boucs, il met en évidence qu’il y a deux groupes distincts, même s’ils étaient mélangés auparavant.

À la fin des temps, Dieu ne fera que prendre acte que certains n’ont pas voulu de lui.
Ceux qui tiennent tête au juge, ceux qui s’estiment être assez bons selon leurs propres critères.

Ainsi, ce n’est pas Dieu qui les écarte, ce sont eux qui se sont écartés de lui.

Il ne faudrait pas inverser les rôles en accusant Dieu de rejeter certains êtres humains. Ce sont plutôt les êtres humains qui rejettent Dieu et ne veulent pas de lui.

Ensuite, la manière dont Dieu parle de la peine éternelle révèle ses intentions.

Lorsqu’il annonce la vie éternelle à ceux qui sont à sa droite, il leur dit ceci (v. 34) : « Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création du monde ! »

Le royaume de Dieu a été préparé pour y accueillir ses enfants dès la création du monde.

Mais lorsqu’il annonce la peine éternelle, voici comment il en parle (v. 41) : « Éloignez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges! »

Initialement, le feu éternel a été préparé pour le diable et ses anges uniquement. Il ne mentionne pas les personnes qui sont à sa gauche. À l’origine, cette peine n’a pas été prévue pour eux.

D’ailleurs que représente ce feu ? Je pense c’est une image, qui illustre la douleur insupportable d’une éternité séparée de Dieu.

[Conclusion]

Pour conclure, rappelons également que c’est justement pour nous éviter cette séparation que Jésus a payé le prix.

L’être humain s’est détourné de Dieu et s’est privé de lui. La peine que nous méritions, il l’a subie à notre place.

Qui a déjà vu un juge proposer de subir la peine à la place du coupable ? Un tel juge serait-il méchant ?

Le discours de Jésus sur la fin des temps et sur le jugement est à recevoir comme un message de salut. C’est le message d’un Dieu bon et aimant, qui n’hésite pas à nous avertir lorsque c’est nécessaire, afin de nous inviter à la vie éternelle.

Il nous appelle à le suivre et à nous laisser transformer par lui. Seul le Saint-Esprit peut changer notre nature, de sorte que nous agissions avec une entière compassion.

Le prophète Ezéchiel a annoncé en ces termes l’action du Saint-Esprit (36.25-27) :

25 Je vous aspergerai d’eau pure et vous serez purifiés. Je vous purifierai de toutes vos impuretés et de toutes vos idoles.
26 Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. Je retirerai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

Cette eau pure est une image de l’Esprit. C’est lui qui guérit, restaure et renouvelle notre cœur, nous poussant à donner à manger à celui qui a faim et à boire à celui qui a soif, sans même nous en rendre compte.

Ce travail de l’Esprit ne se fait pas en un instant, c’est un chemin que Jésus nous invite à emprunter.

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