Il y a 5 ans, en 2019, lorsque j’étais encore responsable de la commission jeunesse de nos Églises libres, je suis parti quelques jours pour préparer et organiser le rassemblement jeunesse qui s’appelle Union Jeunes.
Le rassemblement avait lieu sur 4 jours et 3 nuits à La Costette, un centre de vacances qui se trouve en Haute-Loire, à 1h00 de Saint-Étienne.
En tant qu’organisateur, je m’y rendais 2 jours en avance pour préparer cette rencontre, qui réunit environ 200 jeunes par session.
Pendant les 2 jours de préparation, le rythme est assez dense, il faut que tout soit prêt à l’arrivée des adolescents. Et lorsque les jeunes sont là, le rythme est encore plus dense. Pour l’équipe d’organisation, les journées commencent vers 7h00 et se terminent vers 1h00, car une fois que les jeunes sont couchés, il faut réunir l’équipe et préparer le lendemain.
Donc pendant ces quelques jours à la Costette, les organisateurs sont sollicités de 7h00 du matin jusqu’à 1h00 du matin, sans vraiment de pause, et le soir, ils ont environ 6h00 de sommeil.
À mon retour de mon dernier séjour d’Union Jeunes, quelques personnes m’ont demandé : es-tu fatigué ? As-tu besoin de repos ?
Et je répondais : « j’ai plutôt l’impression de m’être reposé à Union Jeunes, car je trouve cela plus fatiguant de m’occuper de mes deux enfants en bas âge, que de 200 adolescents ».
À cette époque-là, mes enfants n’arrivaient pas à dormir le soir et même une fois endormis, ils nous réveillaient plusieurs fois pendant notre sommeil. Et la journée ils étaient très dynamiques.
Actuellement, à la maison ça va mieux qu’il y a 5 ans, mais les enfants restent des enfants. Lorsque je m’absente quelques jours pour des réunions à Paris ou ailleurs, je culpabilise un peu de laisser ma femme avec les garçons, car moi j’ai l’impression de partir en retraite et de lui laisser tout le quotidien et les enfants à gérer seule.
La notion de repos est très relative.
Dans la Bible, Jésus nous invite à nous reposer en lui. De quel type de repos parle-t-il ? S’agit-il d’un repos physique ? D’un repos mental ?
Il me semble qu’il parle d’un repos au sens large, qui inclut le repos spirituel, le repos mental, le repos moral et pourquoi pas le repos physique.
Cette semaine, ce mois-ci, cette année, a peut-être été difficile pour vous. Les inquiétudes, les préoccupations, les peurs, les mauvaises nouvelles, les difficultés, les épreuves vous ont peut-être épuisés.
Alors le passage de ce matin est pour vous.
Et si vous vous sentez reposé, ce texte est aussi pour vous, car Jésus parle également du repos de notre âme.
Je vous invite à lire ce passage dans l’Évangile selon Matthieu, chapitre 11, verses 27 à 30 :
27 Mon Père m’a tout donné, et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père; personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler.
28 « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous un fardeau, et je vous donnerai du repos.
29 Acceptez mes exigences et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme.
30 En effet, mes exigences sont bonnes et mon fardeau léger.»
Dans ce texte, Jésus utilise l’image du fardeau. Dans notre langage du XXIe siècle, un fardeau est une image qui désigne quelque chose de lourd à porter. En l’occurrence, une épreuve, une source d’inquiétude, d’une difficulté.
Mais dans la bouche de Jésus, que désigne le fardeau ?
[1. Quel fardeau est lourd ?]
Dans le contexte du chapitre 11, Jésus est entouré de personnes qui ont du mal à croire qu’il est l’envoyé de Dieu.
Jésus n’entre pas dans les cases de leurs croyances. Au verset 19, on apprend qu’il est mal vu, car il mange et boit à la table des collecteurs d’impôts et des pécheurs.
Au chapitre suivant, chapitre 12, il est accusé d’être trop laxiste envers la loi du sabbat. Ses disciples arrachent des épis de blé pour les manger un jour de sabbat et Jésus les laisse faire.
Jésus a exercé son ministère dans une société avec beaucoup de codes religieux. Si quelqu’un transgressait une règle, il était pointé du doigt. C’était encore plus grave s’il s’agissait d’un enseignant, un rabbi, c’est-à-dire un maître religieux qui avait des disciples, comme Jésus.
On a l’impression que le peuple vit sous surveillance. Il faut agir comme les chefs religieux l’ordonnent, sinon, on est mal vu, on est catégorisé comme pécheur.
Toute cette ambiance, cette vie pleine de règles religieuses, cette morale pesante représentaient un fardeau pour le peuple. Il me semble que c’est de ce fardeau dont il est question principalement dans le texte de Matthieu.
Mais pourquoi les autorités religieuses, ainsi que le peuple, tenaient tant à leurs règles, leur morale pesante et leur surveillance mutuelle tacite ? Ne désiraient-ils pas plutôt en être libérés?
En enseignant que Dieu accueille tout le monde et en mettant les rites religieux au second plan, Jésus a bouleversé les traditions et les idées morales de son époque.
Sortir des règles que l’on nous a toujours apprises, c’est mal vu, c’est mauvais, c’est devenir impur et pécheur. En ne respectant pas ces règles, on devient quelqu’un de mauvais aux yeux de la communauté. Le poids de la communauté était très important.
Je dis souvent que si Jésus était parmi nous à notre époque, il ne serait pas un enseignant très apprécié dans nos Églises, il serait même certainement mis à la porte, car son discours révolutionnaire a toujours dérangé beaucoup de monde.
Attention, je ne veux pas dire qu’avec Jésus, il n’y a aucune morale. Jésus lui-même dit qu’il a des exigences, mais son fardeau est léger. Avant de nous y intéresser, cela vaut la peine de nous demander si nous ne serions pas un peu, parfois, comme les religieux du temps de Jésus ?
Y a-t-il des règles que nous observons nous-mêmes, et si d’autres ne les respectent pas, pensons-nous qu’ils sont de moins bons chrétiens ?
Par exemple, quel regard portons-nous sur le chrétien qui ne se lève pas à 6h00 du matin pour faire son culte personnel ?
Sur le chrétien qui travaille le dimanche ?
Que pensons-nous de quelqu’un qui ne se lève pas pour chanter ou qui ne prend pas la cène ?
Je sais que dans notre communauté à Gaubert nous ne sommes pas à cheval et rigides sur ce type de règles, mais ce sont des exemples que l’on peut extrapoler.
Toutes ces attitudes sont honorables, mais elles peuvent devenir un fardeau dans une communauté où l’on se juge à travers des règles.
Alors que nous propose Jésus ? Propose-t-il l’absence de toute morale ? L’absence de tout repère ?
Quel fardeau léger propose-t-il ?
[2. Quel fardeau léger ?]
Tout d’abord, contrairement aux attentes et aux exigences de la communauté religieuse de son époque, Jésus propose un enseignement accessible à tous. Pas besoin d’être né dans une certaine ethnie, pas besoin d’avoir un niveau de connaissance particulier, pas besoin de connaître tous les codes et tous les rites religieux.
Cela vaut le coup, de temps en temps, de réfléchir à nos habitudes, nos rites et notre patois chrétien, pour vérifier s’ils ne sont pas des obstacles à l’accessibilité de l’Évangile.
Ensuite, le fardeau de Jésus, en plus d’être accessible à tous, il est caractérisé par la grâce et la miséricorde. Mon frère ou ma sœur dans la foi n’est pas une personne que je vais juger lorsqu’elle a enfreint des règles que j’estime importantes. C’est une personne que je vais d’abord accueillir, aimer, comprendre, encourager, remettre à Dieu dans la prière, et édifier dans l’amour. Qui sait si elle ne va pas m’édifier également ?
À chaque fois que Jésus a été sévère, c’était envers les enseignants légalistes, ceux qui étaient censés connaître la Parole de Dieu et qui auraient dû prêcher l’amour. Avec tous les autres, les collecteurs d’impôts, les gens catégorisés comme pécheurs, Jésus était doux et patient.
Le fardeau que Jésus nous demande de porter est léger, car il ne consiste pas à faire, mais à être.
Être enfant de Dieu, cela nous pousse à agir, mais pas à agir pour mériter son amour ou l’approbation des autres. Être enfant de Dieu nous pousse à agir en réponse à son amour, en réponse à sa grâce et son pardon.
Rendre gloire à Dieu n’est plus un devoir, mais une évidence et un plaisir.
Au début, lorsque j’ai commencé à prendre des cours de piano, j’étais très heureux et je me suis beaucoup investi. Et lorsque c’est devenu plus difficile, j’ai failli arrêter, parce que cela demandait de l’investissement. Je voyais les devoirs de musique comme des corvées pénibles.
Un peu plus tard, mon professeur a commencé à me donner à jouer des morceaux que je trouvais plus intéressants, et tout à coup, je ne voyais plus les devoirs de musique comme des corvées, mais comme un plaisir.
Et encore plus tard, lorsque j’ai appris les théories sur l’harmonie et que j’ai compris l’étendue des possibilités données par la musique, travailler le piano n’était plus un travail, mais une manière de m’évader, une liberté.
Je pense que cela illustre un peu les propos de Jésus.
Lorsque nous faisons la rencontre du Christ, lorsqu’il qu’il met en lumière d’une part l’état de notre cœur corrompu et d’autre part son pardon et sa grâce, cela nous incite à lui rendre gloire.
Ainsi, rendre gloire à Dieu n’est plus un devoir, mais un plaisir, une liberté, une joie, un privilège
Étudier la Bible n’est plus une règle imposée, mais une décision personnelle.
Prier pour toutes les bénédictions de Dieu n’est plus un rite, mais une manière de vivre dans la reconnaissance.
Aller à l’Église et côtoyer une communauté imparfaite pour faire grandir notre patience n’est plus une tradition, mais un choix personnel.
Enfin, vivre comme Dieu le souhaite, selon son enseignement, ce n’est plus une contrainte, mais une expression de notre engagement joyeux et volontaire.
C’est en cela que le fardeau de Jésus est léger. Il ne nous donne pas des devoirs, il nous donne sa grâce, et c’est sa grâce qui nous incite à nous comporter en personnes libres.
Pour conclure, en quoi suivre Jésus nous procure du repos malgré l’épreuve et malgré la fatigue ?
[Conclusion : un fardeau reposant]
La joie de la rencontre avec le Christ, c’est aussi l’assurance du salut, la certitude que Dieu prend soin de nous au quotidien.
L’apôtre Pierre a dit : déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous. (1 Pi 5.7).
Pour vivre cette promesse, il faut la saisir par la foi. Si nous avons vraiment la ferme assurance que Jésus prend soin de nous, alors notre souci est réellement déposé à ses pieds, ce n’est plus nous qui le portons, mais c’est lui.
Personnellement, je me rends compte que parfois, j’ai encore du mal à totalement me décharger sur lui. Cela me rappelle que j’ai toujours besoin d’apprendre à connaître Dieu pour apercevoir davantage la grandeur de sa grâce, ainsi que sa toute-puissance.
Que Dieu nous libère de tout fardeau, de toute inquiétude. Que son Esprit nous transforme encore et encore, afin que nous sachions vivre le repos qu’il nous offre.