Il a traversé le ciel (Hébreux 4.14-16)

Élie vivait paisiblement à Antioche. Il était un artisan respecté, connu pour son travail du bois. Avec sa femme, Déborah, et leurs deux enfants, Ruben et Myriam, il menait une vie ordinaire, mais heureuse. Comme beaucoup de Juifs de la diaspora, Élie respectait la Loi de Moïse, fréquentait régulièrement la synagogue et participait aux fêtes juives. Sa communauté lui offrait un sentiment d’identité et de sécurité dans un monde où les Juifs étaient souvent marginalisés.

Mais tout changea un jour, lorsqu’un de ses amis proches, Nathan, lui parla d’un rabbi nommé Jésus.

Nathan racontait que Jésus n’était pas seulement un rabbi, mais le Messie, celui promis par les Écritures. Plus surprenant encore, Nathan disait que Jésus avait été crucifié par les Romains… mais qu’il était revenu à la vie trois jours plus tard.

D’abord, Élie avait ri. « Nathan, tu es tombé sur la tête ! Le Messie doit nous libérer des Romains, pas se laisser crucifier par eux ! »

Mais son ami insista. Il lui parla des prophéties d’Ésaïe sur le serviteur souffrant (Ésaïe 53), et des Psaumes qui annonçaient les souffrances du Messie. Élie, intrigué, accepta d’assister à une réunion secrète des disciples de Jésus.

Ce soir-là, dans une petite maison éclairée à la bougie, Élie entendit des témoignages bouleversants. Des hommes et des femmes racontaient comment Jésus avait changé leur vie. Le cœur d’Élie fut touché. Quand on lut dans les Écritures que Jésus avait ouvert un chemin direct vers Dieu par son sacrifice, il sentit quelque chose de puissant : une paix qu’il n’avait jamais connue.

Quelques semaines plus tard, Élie décida de se faire baptiser, déclarant publiquement sa foi en Jésus.

L’annonce de sa conversion fit l’effet d’une bombe.

Déborah, sa femme, était furieuse. « Tu trahis nos ancêtres ! Nos traditions ! Comment peux-tu croire à une telle folie ? » Elle menaça de partir avec les enfants. Élie tenta de lui expliquer que suivre Jésus ne signifiait pas renier Moïse, mais accomplir ce que Moïse avait annoncé. Elle resta perplexe.

La nouvelle atteignit rapidement la synagogue. Le rabbin convoqua Élie et l’accusa de trahison. « Tu ne peux plus prier ici. Tu es exclu de notre communauté », dit-il.

Les voisins, qui l’avaient toujours respecté, commencèrent à le regarder avec méfiance. On murmura qu’il était devenu un blasphémateur.

Plusieurs clients cessèrent de lui commander des meubles. Un concurrent, cherchant à exploiter la situation, fit courir le bruit qu’Élie était possédé.

Élie, qui avait toujours été un homme aimé et respecté, se retrouvait soudain seul.

Un jour, des soldats romains vinrent frapper à sa porte. Un voisin avait dénoncé Élie, prétendant qu’il faisait partie d’un groupe rebelle qui refusait de reconnaître l’empereur Romain comme un dieu.

Les soldats l’arrêtèrent et l’enfermèrent avec d’autres chrétiens. En prison, Élie rencontra des hommes et des femmes qui avaient tout perdu pour leur foi : leurs maisons, leurs familles, leur réputation. Certains portaient des marques de coups, d’autres parlaient des amis exécutés pour avoir refusé de renier Jésus.

Élie commença à douter. « Seigneur, est-ce que j’ai fait une erreur ? Pourquoi me laisses-tu souffrir comme ça ? »

Sans réponse de Dieu, Élie s’est mis à douter de Jésus. Et si ce qu’il avait de mieux à faire était de renier sa foi chrétienne pour revenir à la synagogue ? Après tout, il pouvait croire que Jésus était simplement un grand homme, et continuer d’honorer Dieu en respectant la Torah, les sacrifices, les rituels et les fêtes juives. Dieu pouvait-il être contre sa propre loi ?

Alors qu’Élie se trouvait au plus bas, un ancien de l’Église visita la prison et lut une lettre écrite par un enseignant de la foi. Cette lettre, appelée aujourd’hui l’Épître aux Hébreux, bouleversa Élie. Cette lettre changea à jamais son regard sur Jésus, sa foi en lui devint encore plus forte.

Après plusieurs semaines, Élie fut libéré. Déborah l’accueilli les bras grands ouverts, elle aussi, avait fait la rencontre de Jésus pendant son absence, ainsi que ses enfants.

Cependant, leur situation resta difficile. Élie perdit presque tous ses clients et dut compter sur l’aide d’autres chrétiens.

Mais il ne céda pas. Il continua à rencontrer des croyants, à partager son témoignage, et à aider ceux qui souffraient davantage que lui.

Élie avait tout perdu aux yeux du monde : ses anciens amis, son confort, sa réputation. Mais il avait gagné quelque chose d’inestimable : une relation vivante avec Dieu. À travers ses épreuves, il comprit que les promesses de Jésus étaient vraies.

Cette histoire imaginaire donne un petit aperçu de ce que pouvait être la vie d’un juif converti au christianisme, dans l’Empire romain, au premier siècle.

Que contient cette fameuse épître aux Hébreux ? Cette lettre qui a été lue à Élie dans la prison, alors qu’il commençait à douter de Jésus ?

À l’occasion du premier dimanche de l’avent, je vous propose de lire un extrait de cette lettre, écrite particulièrement pour les juifs dans la même situation qu’Élie.

Hébreux 4.14-16

14 Ainsi, puisque nous avons un souverain grand-prêtre qui a traversé le ciel, Jésus, le Fils de Dieu, restons fermement attachés à la foi que nous professons.
15 En effet, nous n’avons pas un grand-prêtre incapable de compatir à nos faiblesses; au contraire, il a été tenté en tout point comme nous, mais sans commettre de péché.
16 Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce afin d’obtenir compassion et de trouver grâce pour être secourus au moment opportun.

À l’époque où cette lettre a été écrite, les juifs qui croyaient en Jésus subissaient beaucoup pression pour abandonner leur foi chrétienne.

Par ailleurs, certains juifs attachés aux traditions enseignaient que Jésus était juste un grand homme, un maître et un guérisseur remarquable, mais qu’il fallait continuer d’honorer Dieu par les rituels de la Torah, par l’application de la loi de Moïse, par les sacrifices et les fêtes juives.

L’auteur de la lettre aux Hébreux s’adresse aux juifs en citant abondamment l’Ancien Testament et en expliquant que Jésus est l’accomplissement des promesses.

À Noël, nous rappelons souvent que Jésus est l’envoyé promis par Dieu, il est lui-même Dieu, qui s’est incarné.

Noël, ce n’est pas seulement le petit Jésus dans la crèche, ce n’est pas seulement le sapin avec ses cadeaux et ses guirlandes. Noël, c’est la venue de Dieu sur terre, pour sauver l’humanité de ses péchés.

L’auteur de la lettre déclare que Jésus est le souverain grand-prêtre, le fils de Dieu, qui a traversé le ciel pour venir sur terre.

[1. Jésus, un grand-prêtre qui a traversé le ciel ?]

Si je vous parle de grand-prêtre aujourd’hui, je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne ce que cela signifie. En tout cas, dans notre vocabulaire courant, nous n’utilisons jamais ce mot.

Mais au premier siècle, tous les juifs savaient qui étaient les prêtres et le grand-prêtre.

Les prêtres étaient de la tribu de Lévi, descendant d’Aaron, frère de Moïse. Ils avaient 4 rôles principaux, liés au service dans le temple.

  1. Offrir des sacrifices à Dieu. Ils présentaient des offrandes pour les péchés ou pour les sacrifices de reconnaissance.
  2. Être des intermédiaires entre Dieu et le peuple. Ils accomplissaient les rites nécessaires pour maintenir la relation entre Israël et Dieu.
  3. Enseigner la loi.
  4. Maintenir la pureté rituelle. Ils veillaient à ce que le culte suive les règles de pureté données par Dieu.

Maintenant, voici les spécificités principales du grand-prêtre :

  1. Il y en avait un seul à la foi.
  2. Il était en même temps prêtre et également le chef des prêtres.
  3. Une fois par an, lors du jour des expiations, le Yom Kippour, le grand prêtre entrait dans le lieu très saint du temple, pour offrir un sacrifice d’expiation pour les péchés du peuple et pour lui-même. L’expiation des péchés correspond en quelque sorte à la réparation des péchés.
  4. Le lieu très saint, appelé Saint des Saints, était un lieu qui symbolisait la présence même de Dieu. Le grand-prêtre était donc le seul autorisé à se tenir dans la présence de Dieu, en tant que représentant du peuple.

Lorsque l’auteur de la lettre aux Hébreux annonce que Jésus est le souverain grand-prêtre qui a traversé le ciel, il annonce que Dieu a envoyé depuis le ciel, le messie. Un prêtre qui représente Dieu devant le peuple, et qui représente le peuple devant Dieu.

Ce grand-prêtre se tient dans la présence de Dieu et il s’est lui-même offert en sacrifice pour réparer les péchés de l’humanité, une fois pour toutes.

Dire à un juif que Jésus a traversé le ciel, et qu’il est le grand-prêtre envoyé par Dieu, c’est dire déjà tout l’Évangile.

Relisons ce verset 14 en faisant attention à la fin de la phrase : « Ainsi, puisque nous avons un souverain grand-prêtre qui a traversé le ciel, Jésus, le Fils de Dieu, restons fermement attachés à la foi que nous professons. »

Si Jésus est le grand-prêtre, s’il est l’intermédiaire entre l’humanité et Dieu, s’il répare les péchés, alors c’est une excellente raison de rester fermement attachés à la foi.

Mais l’auteur n’en reste pas là. Jésus n’est pas seulement le grand-prêtre qui répare les péchés. Il est aussi un être humain qui s’est mis au même niveau que chacun de nous.

[2. Jésus, un être humain qui a connu la tentation]

Relisons le verset 15 : En effet, nous n’avons pas un grand-prêtre incapable de compatir à nos faiblesses; au contraire, il a été tenté en tout point comme nous, mais sans commettre de péché.

Jésus n’est pas seulement venu apporter une solution au péché, il est venu vivre pleinement une vie humaine, afin de montrer qu’il comprend et connait la condition humaine.

Ce message, c’est également celui de Noël. Jésus est né d’une femme, comme tout être humain. Il a grandi sous l’autorité de ses parents, en passant par toutes les étapes de l’enfance, comme tout être humain. Et surtout, il a connu les limites et les faiblesses humaines, les émotions et les tentations.

Jésus a vécu comme nous, il est donc capable de compatir à nos faiblesses, nos épreuves et nos tentations.

La différence, c’est qu’il n’a jamais péché.

C’est justement cette absence de péché qui le rend légitime devant Dieu.

Le grand-prêtre pouvait entrer dans le lieu très saint et se tenir dans la présence de Dieu une seule fois dans l’année, après avoir effectué une série de préparation.

Par exemple, il devait se laver, en signe de purification. Ensuite, il devait porter des vêtements spéciaux, qui symbolisaient l’humilité et la sainteté. Ensuite, il devait offrir un sacrifice pour lui-même, puis préparer deux boucs à présenter à Dieu. Enfin, avant d’entrer, il devait prendre de l’encens et produire de la fumée pour le couvrir et le protéger de la gloire de Dieu.

Une fois ces rites effectués, il pouvait entrer dans le lieu très saint, lieu de la présence de Dieu. Tous ces préparatifs étaient pédagogiques. C’était pour montrer que l’on ne pouvait pas se tenir dans la présence directe de Dieu, tellement Dieu est saint et glorieux.

Même dans la présence de Dieu, le grand-prêtre devait être couvert de fumée, pour se protéger de la gloire rayonnante de Dieu, il ne pouvait pas se tenir dans la pleine présence de Dieu à cause de ses propres péchés.

Mais Jésus n’a jamais péché. En tant qu’être humain, il peut représenter l’humanité devant Dieu.

Et en tant que Dieu, Jésus est venu manifester le Dieu proche de nous, parce qu’il a traversé le ciel pour nous rejoindre.

Cette proximité de Dieu conduit l’auteur à déclarer la phrase suivante, au verset 16 :

« Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce afin d’obtenir compassion et de trouver grâce pour être secourus au moment opportun. »

[3. Jésus siège sur le trône de la grâce, approchons-nous]

Là encore, l’auteur utilise un langage et un symbole que les juifs comprenaient très bien.

Il invite ses lecteurs à s’approcher avec assurance du trône de la grâce.

Dans la Bible, le trône désigne souvent le lieu où se tient celui qui juge la terre.

Psaume 9.8 : « Il siège pour toujours : son trône est dressé pour le jugement. Il juge le monde avec justice, il tranche les causes des peuples avec droiture. »

Daniel 7.9-10 : Pendant que je regardais, on a placé des trônes et l’Ancien des jours s’est assis. Son vêtement était aussi blanc que la neige et les cheveux de sa tête pareils à de la laine pure. Son trône était de flammes et ses roues étaient un feu dévorant. Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Des dizaines de milliers le servaient et des centaines de millions se tenaient debout devant lui. Les juges se sont assis et des livres ont été ouverts.

On trouve ce même lien entre le trône et le jugement dans le livre des Rois (1 R 10.9), le livre des Proverbes (20.8), chez le prophète Esaïe (6.1-5), dans l’Évangile selon Matthieu (25-31-32) et dans l’Apocalypse (10.11-12).

L’auteur de la lettre aux Hébreux nous parle du trône d’une tout autre manière.

Au lieu de craindre le trône de Dieu à cause du jugement, approchons-nous du trône de la grâce.

Le jugement aura bien lieu, mais celui qui met sa foi en Jésus peut appréhender ce jugement avec sérénité et même avec joie, car Jésus a déjà payé pour tous nos péchés.

« Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce afin d’obtenir compassion et de trouver grâce pour être secourus au moment opportun. »

[Conclusion : Jésus = Dieu accessible]

Pour conclure, il me semble que ce passage de la lettre aux Hébreux résume bien le message de Noël. Dieu a traversé le ciel pour réparer les péchés de l’humanité, pour vivre comme nous et pour apporter la grâce.

Ce passage met l’accent sur un aspect essentiel de Noël : Dieu s’est rendu accessible à tous, le salut a été rendu accessible à tous, et l’auteur de la lettre aux Hébreux a rendu Jésus accessible aux juifs.

Ainsi, en ce premier dimanche de décembre, j’aimerais nous inviter à vivre le vrai Noël, qui consiste à nous approcher toujours plus de Jésus, et à rendre Jésus accessible, car il est venu pour se rendre accessible.

Depuis quelques années, il est demandé aux établissements de faire des travaux d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Et si dans notre Église, et dans notre vie personnelle, nous faisions des travaux d’accessibilité, pour rendre l’Évangile accessible à tous.

Non pas que je ne considère nos contemporains comme des personnes en situation de handicap, mais comme des personnes qui ont soif de joie, de paix et surtout de grâce, comme vous et moi.

Comment faire des travaux d’accessibilité dans notre vie ?

L’auteur de la lettre aux Hébreux a fait l’effort d’utiliser un langage et un vocabulaire adapté pour expliquer l’Évangile aux chrétiens d’origine juive. Il était aussi bien au courant des préoccupations principales des juifs, à savoir la pureté rituelle et la question du jugement.

Pour savoir comment témoigner, il est nécessaire de faire comme Jésus, de vivre parmi ses contemporains.

Au-delà des mots, il y a aussi la question de la posture. Quelle image donnons-nous de la foi chrétienne à travers notre posture ?

Sommes-nous des chrétiens conquérants, de peur d’être lâches ? Ou sommes-nous des chrétiens discrets et neutres, de peur de paraître prétentieux ou d’être accusés de prosélytisme ?

Au premier Noël, Dieu est descendu à notre rencontre et il a vécu parmi nous dans la personne de Jésus. Aujourd’hui, Jésus nous envoie à notre tour dans ce monde, avec son Esprit, pour être présent dans la société. Je pense que c’est cette première étape qui nous est d’abord demandée : être présent dans le monde et aimer les personnes que nous croisons, sans partir en croisade, ni cacher notre foi.

Finalement, en aimant Dieu et en aimant sincèrement notre prochain, le témoignage se fera naturellement, avec l’aide du Saint-Esprit.

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