
Le soleil venait juste de se lever lorsque Habakuk se leva de son lit de paille. Le ciel était d’un bleu pâle, et l’air frais du matin flottait dans les collines qui entouraient Jérusalem. Mais déjà, une lourde chaleur annonçait la journée étouffante à venir.
Habakuk vivait dans le pays de Juda, rongé par l’injustice. Il avait vu de ses yeux comment le peuple s’était égaré, rejetant Dieu et tombant dans l’idolâtrie.
En descendant de sa colline, il traversa un petit village où des familles mendiaient dans les rues poussiéreuses. Tout autour de lui, des hommes et des femmes se disputaient pour quelques pièces.
Au détour d’une ruelle, il entendit des cris. Des hommes se battaient, se frappant violemment, non pour défendre leur famille ou leur maison, mais pour s’emparer de la propriété d’un pauvre paysan. Il savait que ce genre de scène n’était pas rare. Les plus riches, comme des prédateurs, prenaient ce qui appartenait aux plus pauvres, les poussant au désespoir.
Puis, en s’approchant du marché, il fut témoin d’une scène d’injustice. Un homme se tenait devant un juge, les mains liées, accusé à tort de vol. Les témoins qui parlaient contre lui étaient des menteurs, soudoyant les autorités pour écarter les véritables coupables. Les juges corrompus, nourris de pots-de-vin, condamnaient des innocents, laissant les coupables s’échapper.
En s’approchant de la ville, Habakuk aperçut un groupe de femmes se rendant au temple. Elles portaient des offrandes et des animaux à sacrifier, mais il savait qu’elles allaient adorer des faux dieux, des idoles. Certaines d’entre elles murmuraient des prières à ces figures de bois, croyant qu’elles leur apporteraient protection ou prospérité. Habakuk se sentit écœuré de voir tant de détournements de la foi.
Plus loin, Habakuk croisa un homme ivre, qui titubait sur le chemin. C’était un prêtre juif, autrefois respecté, mais aujourd’hui totalement corrompu. Il transportait des offrandes de viande que le peuple lui confiait pour les sacrifices, mais au lieu de les offrir à Dieu, il les vendait dans les rues, empochant l’argent dans sa poche. Habakuk s’approcha de lui, avec un regard déçu.
« Comment peux-tu faire ça ? » demanda-t-il, presque dans un murmure. L’homme leva les yeux, et haussant les épaules, répondit d’un ton cynique :
« Les sacrifices ne servent plus à rien, tu sais. Dieu ne nous écoute plus. Nous devons bien vivre, après tout. »
Habakuk sentit un frisson glacé le traverser. Les hommes et les femmes qui se détournaient de Dieu, les sacrifices de faux dieux, les violences physiques et morales, tout cela formait un ensemble qui le rongeait de l’intérieur. Les voix des opprimés, les cris des innocents, le murmure des prières de repentance restaient sans réponse. Où était la justice ? Comment Dieu pouvait-il permettre tout cela ?
Habakuk leva ses yeux vers le ciel, ainsi que ses mains, toutes tremblantes.
« Seigneur, jusqu’à quand ? »
Vous l’aurez compris, ce matin je vous propose de parcourir le livre du prophète Habakuk, qui a vécu au 7e siècole av. JC, dans le royaume de Juda, ce qui reste d’Israël. Cette petite histoire imaginaire que je viens de vous raconter est inspirée de faits réels.
Les chapitres 1 et 2 du livre d’Habakuk sont des prières à Dieu. Habakuk demande à Dieu : jusqu’à quand ?
Ensuite, dans le dernier chapitre, le chapitre 3, Habakuk déclare qu’il choisit de mettre sa confiance en Dieu malgré les épreuves. C’est ce chapitre 3 que je vous propose de lire en particulier aujourd’hui.
En cette période de fin d’année où nous faisons souvent le bilan de l’année écoulée, nous pouvons choisir de retenir le négatif, le verre à moitié vide. Ou alors, nous pouvons aussi choisir de voir le verre à moitié plein, et de regarder aussi comment Dieu nous invite à envisager l’avenir, l’année qui s’ouvre devant nous.
Mais pour bien comprendre ce chapitre 3, il faut connaître le contexte des chapitres 1 et 2.
[1. Contexte des chapitres 1 et 2]
Au chapitre 1 verset 2, Habakuk demande à Dieu : « Jusqu’à quand, éternel, vais-je crier à toi? Tu n’écoutes pas. J’ai crié vers toi pour dénoncer la violence, mais tu ne secours pas ! »
Habakuk demande à Dieu comment cela se fait-il que les méchants puissent faire le mal en toute impunité.
Dieu répond à partir du verset 5. Il annonce qu’il va agir, mais d’une manière surprenante. Il va utiliser Babylone, un empire puissant et cruel, pour punir Juda. Babylone est décrite comme une nation violente, avide et arrogante.
Verset 6 : «Je vais faire surgir les Babyloniens. C’est un peuple impitoyable et impétueux qui traverse de vastes étendues de pays pour s’emparer de demeures qui ne sont pas à lui. »
Habacuc est choqué que Dieu utilise une nation encore plus méchante pour corriger son propre peuple. Il se demande comment Dieu peut tolérer cela.
Au chapitre 2, Dieu répond encore à Habakuk en disant que son jugement viendra en temps voulu.
Dieu lui dit, verset 4 : « Il est plein d’orgueil, celui dont l’âme n’est pas droite, mais le juste vivra par sa foi. »
Autrement dit, Dieu sait bien qu’il y a des méchants, ceux-là sont pleins d’orgueil, ils seront jugés et Dieu fera justice en temps voulu.
En revanche, le juste vivra par la foi.
Dans ce chapitre 2, Dieu énumère 5 malheurs qui arriveront à Babylone, à cause de sa méchanceté :
- Malheur à ceux qui pillent et volent (Habacuc 2:6-8) :
Les Babyloniens accumulent des richesses par la violence, mais ils seront pillés à leur tour.
- Malheur à ceux qui exploitent les autres (Habacuc 2:9-11) :
Les Babyloniens construisent leur gloire en opprimant les autres, mais leur injustice criera contre eux.
- Malheur à ceux qui bâtissent par le sang (Habacuc 2:12-14) :
Les empires fondés sur la violence ne dureront pas. Dieu les jugera, et sa gloire remplira la terre.
- Malheur à ceux qui corrompent et humilient les autres (Habacuc 2:15-17) :
Les Babyloniens faisaient honte à leurs ennemis, mais ils seront eux-mêmes couverts de honte.
- Malheur à ceux qui adorent des idoles (Habacuc 2:18-20) :
Les Babyloniens adorent des dieux faits de bois et de pierre, mais ces idoles sont muettes et inutiles.
La description de Babylone est très intéressante, car cet empire ressemble à tous les autres empires qui se sont succédé et qui se succèdent encore aujourd’hui dans ce monde.
Le vol et l’injustice, l’exploitation des plus faibles pour s’enrichir, la colonisation dans le but d’avoir de la main-d’œuvre et des ressources à bas coût, la corruption, la stigmatisation, et enfin, l’idolâtrie du pouvoir et de l’argent.
Babylone pratiquait déjà tout cela et malheureusement, rien n’a changé aujourd’hui. Le livre d’Habakuk reste actuel dans sa description des grands empires et de la manière dont l’homme se comporte lorsqu’il rejette Dieu.
Le peuple d’Israël et le peuple babylonien étaient très religieux, mais être religieux ne signifie pas être obéissant à Dieu. C’est ce que les prophètes ne cessent d’enseigner.
Comment Habakuk réagit-il face aux révélations de Dieu ?
Je vous invite maintenant à lire le chapitre 3, où Habakuk réagit d’une manière exemplaire.
1 Prière du prophète Habakuk. Sur le mode des complaintes.
2 Éternel, j’ai entendu ce que tu as annoncé, je suis saisi de crainte. Accomplis ton œuvre dans le cours des années, éternel, dans le cours des années fais-la connaître, mais dans ta colère souviens-toi de ta compassion!
3 Dieu vient de Théman, le Saint vient des monts de Paran.
Sa Majesté couvre le ciel et sa gloire remplit la terre.
4 C’est comme l’éclat de la lumière: des rayons partent de sa main; là réside sa force. 5 Devant lui avance la peste, et la fièvre marche sur ses traces. 6 Il s’arrête, et de l’œil il mesure la terre, il regarde, et il fait trembler les nations; les montagnes éternelles se brisent, les collines anciennes s’abaissent. À lui les sentiers d’autrefois!
7 Je vois les tentes de l’Éthiopie réduites à rien, et les tentes du pays de Madian sont dans l’épouvante. 8 L’Éternel est-il irrité contre les fleuves? Est-ce contre les fleuves que s’enflamme ta colère, est-ce contre la mer que se déverse ta fureur, pour que tu sois monté sur tes chevaux, sur ton char de victoire? 9 Tu prépares ton arc, tes serments sont les flèches de ta parole.
Tu fends la terre par des torrents.
10 À ton aspect, les montagnes tremblent, des trombes d’eau s’abattent, l’abîme fait entendre sa voix, il lève ses mains en haut. 11 Le soleil et la lune s’arrêtent dans leur résidence, à la lumière de tes flèches qui partent, à la clarté de ta lance qui brille. 12 Tu parcours la terre dans ta fureur, tu écrases les nations dans ta colère. 13 Tu sors pour délivrer ton peuple, pour délivrer celui que tu as consacré par onction. Tu brises le faîte de la maison du méchant, tu la détruis de fond en comble. 14 Tu transperces de leurs propres flèches la tête de ses chefs qui se précipitaient comme une tempête pour nous disperser. Ils poussaient des cris de joie, comme s’ils dévoraient déjà le malheureux dans leur repaire.
15 Avec tes chevaux, tu parcours la mer, le bouillonnement de grandes eaux. 16 J’ai entendu et je suis tout bouleversé. À cette voix, mes lèvres tremblent, la pourriture vient dans mes os et mes jambes tremblent. Sans bouger, j’attends le jour de la détresse, le jour où notre assaillant marchera contre le peuple.
17 En effet, le figuier ne fleurira pas, la vigne ne produira rien, le fruit de l’olivier manquera, les champs ne donneront pas de nourriture; les brebis disparaîtront du pâturage, et il n’y aura plus de boeufs dans les étables. 18 Mais moi, je veux me réjouir en l’Éternel, je veux être dans l’allégresse à cause du Dieu de mon salut.
19 L’Eternel, le Seigneur, est ma force: il rend mes pieds semblables à ceux des biches et il me fait marcher sur mes hauteurs.
Au chef de choeur. Avec instruments à cordes.
Après avoir entendu la réponse de Dieu, Habakuk est effrayé. Babylone sera bien puni pour ses actes d’injustice, mais avant cela, le royaume de Juda sera envahi et traité durement.
Habakuk est effrayé, mais il ne reste pas paralysé par la peur, il se rend compte que Dieu est tout puissant, le juste vivra par la foi. Il retrousse ses manches et se remémore ce que Dieu a déjà fait. Autrement dit, il fait le bilan.
[2. Habakuk fait le bilan]
Dans notre vie, nous pouvons avoir des moments d’angoisse où nous pouvons être comme paralysés par la peur ou la tristesse. Face à des épreuves, nous pouvons aussi perdre confiance en nous, perdre la paix ou perdre l’envie de vivre.
Habakuk nous montre qu’il est possible de ne pas rester dans une posture de victime. Il est possible de retrousser ses manches, de s’accrocher à Dieu, et de repartir plein de courage.
Dans la première partie de sa prière, Habakuk rappelle à Dieu ses actes puissants du passé, notamment de l’Exode et des victoires de Dieu sur les ennemis d’Israël.
Par exemple, lorsqu’il parle de Théman et de Paran au verset 3, il fait référence à des lieux géographiques clés de l’Exode, lorsque Dieu a délivré son peuple de l’esclavage en Égypte.
Lorsqu’il parle de la peste ou de la fièvre au verset 5, on pense aux 10 plaies d’Égypte que Dieu a envoyée pour convaincre le Pharaon de laisser partir le peuple.
Ce chapitre 3 est un rappel de la puissance de Dieu dans le passé. Après 400 ans d’oppression, Dieu a délivré son peuple de l’esclavage. Ici, Habakuk dresse le bilan des actions de Dieu envers son peuple.
Nous aussi, en cette fin d’année, si nous faisons le bilan de ce que Dieu a fait pour nous, nous avons de quoi entrevoir la puissance de Dieu dans notre vie.
À quoi ressemblera 2025 ? Je ne sais pas, mais quoiqu’il arrive, nous pouvons compter sur Dieu, le même Dieu qui a délivré son peuple des Égyptiens, celui qui a envoyé son Fils sur terre et qui est mort à notre place. Celui qui est venu nous chercher pour nous amener vers lui, celui qui s’est fait connaître à nous.
Dans la deuxième partie de sa lettre, Habakuk manifeste sa foi et nous enseigne par la même occasion ce qu’implique la foi en Dieu.
[3. Habakuk choisi la foi et la joie malgré l’incertitude]
Relisons le verset 18 : Mais moi, je veux me réjouir en l’Eternel, je veux être dans l’allégresse à cause du Dieu de mon salut.
Comment Habakuk peut-il choisir la joie alors qu’il connaît l’avenir catastrophique de son pays ?
Imaginez le scénario suivant :
La France s’enfonce dans la corruption et les inégalités se creusent encore plus entre les riches et les pauvres. La loi est faite par les plus riches qui n’ont rien à faire du reste du peuple qui souffre et qui meure.
On apprend également qu’une puissance étrangère, en quête de domination dans le monde, va venir s’emparer de notre pays par les armes, du sang coulera, et nous seront déportés pour être esclaves loin de chez nous. Les familles seront séparées et les enfants déracinés.
C’est exactement dans ce contexte que Habakuk déclare : « Mais moi, je veux me réjouir en l’Éternel, je veux être dans l’allégresse à cause du Dieu de mon salut. »
Ce que le prophète nous enseigne, c’est que notre foi et notre joie d’être enfants de Dieu ne devrait pas dépendre des circonstances de la vie.
Dieu est souverain sur l’Histoire et nous ne sommes souverains sur rien. Alors le mieux à faire, c’est de mettre notre confiance en lui, en sachant qu’il fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment.
Le verset 19, qui est la conclusion du livre, est également un encouragement pour nous :
« L’Eternel, le Seigneur, est ma force: il rend mes pieds semblables à ceux des biches et il me fait marcher sur mes hauteurs. »
Le Seigneur peut rendre nos pieds semblables à ceux des biches.
De nos jours cette image est peu parlante, mais à l’époque c’était une déclaration pleine de sens.
Cette image nous parle d’agilité, de stabilité et de persévérance. Les biches peuvent monter dans des terrains difficiles et escarpés avec une grande agilité. Dieu promet de nous donner la force de surmonter les épreuves, de marcher à travers les difficultés, de trouver de l’équilibre même lorsque tout semble déstabilisé.
La réponse de Dieu à Habakuk n’est pas de promettre la fin des épreuves pour son peuple. Sa réponse consiste à dire qu’il y aura encore des épreuves, mais que dans l’épreuve, on pourra compter sur Dieu.
Le juste vivra par la foi, et cette fois apporte joie, paix et courage pour surmonter toute épreuve.
[Conclusion]
Pour conclure, nous ne savons pas ce que nous réserve 2025 ou l’avenir plus lointain. Nous espérons un avenir meilleur, mais nous n’en savons rien. Quoi qu’il arrive, gardons nos yeux fixés sur Jésus.
Plusieurs siècles après Habakuk, l’apôtre Paul citera le prophète à plusieurs reprises. Par exemple en Romain 1.17, Paul parle de Jésus et dit ceci : « Car en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi. »
Habakuk avait de quoi se réjouir et de quoi être encouragé avec la révélation qu’il a reçue à l’époque. Aujourd’hui nous avons une révélation encore plus complète : Jésus.
Il est venu et il reviendra pour établir un royaume sans injustice, sans corruption, sans violence et sans épreuve.
La Bible nous rappelle que Dieu est souverain, que Jésus est notre Sauveur, et qu’il nous donne la force de traverser toutes les tempêtes. Prions afin que nous soyons capables de dire, comme Habacuc :
« Moi, je veux me réjouir en l’Éternel, je veux être dans l’allégresse à cause du Dieu de mon salut. » (v. 18)
Soyons remplis d’espoir et de paix, en sachant que Dieu est avec nous, aujourd’hui et demain, et que, comme Habacuc, nous pouvons faire face à l’incertitude de l’avenir avec une foi solide et une joie qui vient de lui.